« Est-ce que c’est l’heure ? »
Il est impatient d’aller chercher son petit-fils à l’école maternelle.
« Oui, on y va », lui répond sa fille.
Le ciel est bleu. Il a le cœur en joie. Depuis peu à la retraite, il veut accueillir tout ce qui se donne à lui. Ces roses grimpantes, le long des grilles d’une maison, devant laquelle ils passent, réveillent en lui un souvenir d’enfance. Leur parfum se prolonge …
Il y a peu d’ombre devant l’école, où les parents attendent l’ouverture des portes. Certains sont déjà là. Il leur sourit.
De petits groupes se forment. La parole circule. On est dans une parenthèse, favorable à la communication. Il observe. Là, des visages ouverts, et des rires, qui fusent parfois. Mais là, ceux qui se sont rassemblés ont l’air de comploter. Comme ils ne sont pas loin les uns des autres, il perçoit un mot parfois, et suffisamment pour comprendre que ce groupe est dans la critique. Il lui font l’effet d’attaquer les enseignants au marteau piqueur. L’un dénonce, et l’autre renchérit. Les visages sont laids, dans la médisance.
Le ciel est pourtant si pur.
Une aide maternelle vient ouvrir la porte de l’école. Le mouvement devient confus. Entrées. Sorties. Visages qui se croisent. Rires. Pleurs. Des cris aussi. La joie des parents, à retrouver chacun son enfant, est belle à voir. Les bras s’ouvrent. L’enfant vient à la parole. « J’ai fait mon portrait ! » Ce papa saisit son petit garçon, comme un trésor fragile.
Il attend le sien : ce petit bonhomme court sur pattes, aux boucles noirs et grands yeux ronds. « Papi… ! » Il s’élance dans ses bras.
Hier, il prenait ainsi sa fille, ses garçons. Le voilà « papi » aujourd’hui. Ce mot, chaque fois, le consacre roi de la terre …
Il faut être patient pour sortir de l’école. Repasser de l’ombre à la lumière, en tenant cette petite main chaude au creux de la sienne.
Il revoit des visages, observés tout à l’heure. Certains partent en échangeant, chaleureusement. On pousse les poussettes. Arrivée sur la rue. Mais, soudain, un éclat de voix, méchant, déchire l’instant. L’ordre donné est violent. Un prénom aboyé.
De tout son être, il est saisi. Cette femme, là, précipitée en avant, tout en nerfs, tire son petit derrière elle, comme un chien. C’est violent. C’est laid. Et, en elle, il reconnaît l’une de ceux qui, auparavant, alimentaient la critique, avec virulence.
L’enfant, secoué, s’est mis à pleurer. La mère hurle dans la rue. Il détourne le regard.
« Papi, on mange quoi ? »
Matthieu 7 : 3 :
« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’oeil de ton frère
Et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? »