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Pourquoi et comment l’idéologie transgenre a-t-elle triomphé ? C’était le but de cette série d’articles de répondre à cette question, en réfléchissant à partir du livre de Carl Trueman, « The Rise and Triumph of the Modern Self » (La montée et le triomphe du moi moderne). Nous avons pu constater que la question transgenre, centrale dans notre société, arrive comme la « cerise sur le gâteau », après des siècles de déconstruction d’une vision chrétienne du monde et de reconstruction d’idéologies imprégnées de toutes les valeurs dont on a parlé jusqu’ici. Avec une telle évolution, on comprend mieux pourquoi une personne peut aujourd’hui déclarer, sans contestation possible de son entourage : « Je suis une femme emprisonnée dans un corps d’homme ». Le LGBTQI+ a triomphé.

Les ennemis de mes amis sont mes ennemis…

Trueman montre pourtant qu’il s’agit d’une alliance étrange. On a en effet tendance à oublier qu’originellement, le « L » (les lesbiennes) et le « G » (les gays) se sont écharpés, en raison de désaccords importants. Mais le « mariage » s’est réalisé dans les années 1980, pour une raison évidente : ils partageaient le sentiment de constituer des minorités sexuelles marginalisées. Les raids de la police contre le bar gay Stonewall Inn, à Greenwich Village en 1969, ont aussi été un déclencheur qui a conduit les mouvements lesbiens et gays à entrer dans une démarche beaucoup plus militante et activiste. La rhétorique a changé : le narratif du « statut de victime », l’idée qu’être gay est une identité, le désir de lutter contre un « ennemi conservateur », tout cela forge l’alliance LGB. Pour le dire avec Trueman : les ennemis de mes amis sont mes ennemis…

Le coming-out médiatisé de Bruce Jenner

Comment le « T » (transgenre) s’est-il greffé au mouvement ? Un fait public majeur s’est produit en avril 2015 : Bruce Jenner, une célébrité, déclare sur un plateau télévisé… qu’il est en réalité une femme. Son discours est explicite : « Bruce était un mensonge. Il a vécu toute sa vie dans le mensonge. Oui, je suis une femme. Les gens me voient différemment. Ils me voient comme un mâle macho, mais mon cœur, mon âme, et tout ce que je fais dans ma vie, cela fait partie de moi. Ce côté féminin fait partie de moi. En fait, c’est ce que je suis ». Ce discours révèle ce contraste entre « l’authenticité intérieure » et « l’hypocrisie extérieure ». Tenir un tel discours passe avec facilité dans une société marquée par cette culture de l’authenticité, de l’expression du véritable « moi », de la recherche du bonheur dans une vraie identité, etc. En 2017, toutes les démarches sont faites : Bruce doit désormais être appelé Caitlyn.

Cette vision du monde transgenre est, à la base, différente de celle des gays et des lesbiennes : le « L » et le « G » opèrent traditionnellement selon l’idée d’un genre binaire (homme et femme). Dans le « T », en revanche, on n’admet pas ce recours à un fondement biologique : le genre est une notion beaucoup plus flottante. Cependant, si l’alliance a pu se faire, c’est parce qu’une telle coalition politique devait servir à lutter contre un ennemi commun : la norme hétérosexuelle. Mais aujourd’hui, des débats ont cours au sein du mouvement LGBTQI+, et plusieurs demandent l’abandon de termes tels que « lesbienne », « gay » ou « bisexuel », considérés comme trop rigides, militant pour une sorte de pansexualité et de fluidité du genre.

Les principes de Jogjakarta, point culminant sur le plan idéologique

La formulation des « Principes de Jogjakarta », en 2006 en Indonésie, constitue peut-être un point culminant dans toute l’évolution idéologique ayant conduit aujourd’hui au « triomphe du T ». Le but de ces principes : proposer des « normes globales pour la reconnaissance et la mise en œuvre des droits des LGBT ». Les États sont appelés solennellement à inscrire l’égalité des droits dans leur Constitution et à accepter sans réserve toutes les revendications du mouvement.

On lit par exemple qu’il existe un « droit à fonder une famille », et que les États doivent donc « prendre toutes les dispositions législatives et administratives, ainsi que toute autre mesure, nécessaires pour garantir le droit de fonder une famille, y compris par l’adoption ou la procréation assistée (y compris l’insémination artificielle avec donneur), sans discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre ».

Tout le document est imprégné de valeurs telles que la liberté personnelle et la dignité, mais aussi de l’idée de lutte contre l’oppression sexuelle et contre toute violence. Cependant, il est intéressant de noter que sur ce point aucune distinction n’est établie entre violence physique et violence psychologique, le but étant de prémunir l’individu contre toute « agression » de type psychologique qui pourrait mettre en péril le « moi », l’identité.

Que peut-on faire à part pleurer ?

Voilà le triomphe du T. Cette idéologie du genre « s’inscrit dans une évidente continuité avec la pensée antimétaphysique du 19e siècle, en particulier celle de Nietzsche. Le transgenrisme est un symptôme, pas une cause », écrit Trueman. Que faire ? Comment réagir ? Dans la conclusion de son livre, Trueman apporte quelques pistes, suggérant d’abord de ne pas simplement nous contenter de nous lamenter de la tournure des événements. Il y a bien entendu beaucoup de sujets qui nous attristent, et cette tristesse est légitime. Mais il nous faut aussi répondre intelligemment aux défis de ce monde dans lequel nous vivons. Et pour cela, il faut les comprendre… et c’est justement le but de l’ouvrage de Trueman et de cette série d’articles.

Le mariage gay appelé à perdurer ?

Carl Trueman appelle aussi les chrétiens à anticiper, mais il avoue ne pas être très optimiste. Trop de facteurs et d’idées influencent notre culture depuis trop longtemps pour que l’on puisse envisager un retournement de situation rapide. En ce qui concerne le mariage gay, en tout cas, Trueman estime que c’est là une institution qui va certainement demeurer, tant notre culture accorde son respect à des valeurs comme l’expression de son identité personnelle ou la liberté. « Le mariage gay a pour lui toute la rhétorique thérapeutique et toutes sortes d’images : il est question d’amour, de bonheur, il est question de laisser deux individus s’engager l’un envers l’autre, il est question d’acceptation et d’inclusivité. S’opposer au mariage gay, c’est s’opposer à tout cela », écrit Trueman. Cela ne signifie pas, bien entendu, qu’il faille baisser les bras. Les chrétiens ont cette mission de rappeler combien la version biblique du mariage est belle !

En ce qui concerne l’idéologie transgenre, il est difficile de prévoir quelles évolutions nous attendent. Mais Trueman estime que les choses vont bouger, ne serait-ce que parce que l’alliance LGBTQI+ est fragile, et le transgenrisme remis en cause par certains courants féministes. Il y aura des débats et des défis : que faire de tout cela dans les écoles ? Quels seront les droits des parents envers leurs enfants dans ce domaine de la détermination de l’identité sexuelle ? Comment la société résoudra-t-elle le problème des coureurs transgenres qui remportent toutes les courses d’athlétisme féminines ? Que découvrira-t-on sur les effets à long terme des traitements hormonaux pour changer de sexe ?

Notre contexte ressemble à celui du deuxième siècle, un temps où l’Église était marginalisée au sein d’une société pluraliste.

Vers un dialogue de sourds ?

En tant que chrétiens, nous serons particulièrement confrontés à un défi par rapport à la liberté d’expression. On peut avoir l’impression que notre monde est un monde où chacun est libre de dire ce qu’il pense. Mais l’idée devient toujours plus claire, pour nos contemporains, dans leur imaginaire social, qu’une telle liberté d’expression, n’est pas pour le bien commun. La liberté d’expression religieuse et l’individualisme expressif deviendront toujours plus antithétiques. Notre société a adopté l’idée selon laquelle l’identité sexuelle est capitale pour définir l’identité personnelle. Dès lors, toute religion qui maintient une vision traditionnelle de la sexualité et refuse de reconnaître certaines « identités sexuelles », participe par définition à l’oppression de ceux qui réclament de telles identités. Les « traditionnalistes » sont vus aujourd’hui soit comme des bigots irrationnels stupides, soit comme des gens immoraux et malveillants, soit les deux… Il est difficile de trouver un compromis, un consensus, un pont entre ces deux visions du monde, qui reposent sur des prémisses totalement opposées.

Comment l’Église peut-elle survivre ?

Finalement, notre contexte ressemble à celui du deuxième siècle, un temps où l’Église était marginalisée au sein d’une société pluraliste. On la tenait pour suspecte : elle apparaissait comme subversive puisqu’elle réclamait que Jésus-Christ est le roi, et immorale puisqu’on l’accusait de boire et manger de la chair humaine et de prôner l’inceste entre frères et sœurs. Voilà où nous en sommes aujourd’hui : nous vivons dans une société pluraliste, où les croyances chrétiennes au sujet de la sexualité et de l’identité rendent le christianisme inamical, subversif et immoral. « Le monde du deuxième siècle est en quelque sorte le nôtre : choisir le christianisme, c’est choisir à certains égards d’entrer en collision avec les autorités », remarque Trueman. Comment l’Eglise a-t-elle survécu ? « En restant unie, en étant une communauté fondée doctrinalement, qui demande à ses membres d’agir de manière cohérente avec leur foi, et d’être de bons citoyens dans leur cité aussi longtemps qu’être de bons citoyens est compatible avec la fidélité à Christ ».

 

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