On s’inquiète de plus en plus du fait que le ministère pastoral, en tant qu’appel pour toute une vie, perde de son attrait pour de nombreux jeunes hommes enthousiastes d’aujourd’hui. Les instituts bibliques ayant du mal à maintenir leurs effectifs et de plus en plus d’étudiants optant pour des cours en ligne à temps partiel, il apparaît clairement que les candidats au ministère pastoral sont de moins en moins nombreux.
La vie de pasteur est difficile et n’est certainement pas faite pour les âmes sensibles. De nombreux pasteurs prennent le large avec beaucoup d’enthousiasme. Peu d’entre eux vont jusqu’au bout.
Soyons honnêtes… la vie de pasteur est difficile et n’est certainement pas faite pour les âmes sensibles. De nombreux pasteurs prennent le large avec beaucoup d’enthousiasme. Peu d’entre eux vont jusqu’au bout. Les vents contraires soufflent fort contre de nombreux jeunes pasteurs pieux. Les déceptions et les désillusions en ont brisé plus d’un, laissant souvent un sentiment d’échec. Dans ce contexte, il est compréhensible que les candidats potentiels réfléchissent à 2 fois avant de lever la main.
Que serait donc une vision réaliste du ministère pastoral ?
Un danger et un avertissement
Il y a près de 20 ans, John Piper a écrit Brothers, We Are Not Professionals [Frères, nous ne sommes pas des professionnels ], avertissant du danger de réduire le ministère pastoral à une carrière ecclésiastique :
Le monde fixe l’agenda de l’homme au sein de sa profession ; Dieu fixe l’agenda de l’homme spirituel… Il existe une différence infinie entre le pasteur dont le cœur est attaché à être un professionnel et le pasteur dont le cœur est attaché à être la bonne odeur de Christ, un parfum de mort pour certains et de vie éternelle pour d’autres (2 Corinthiens 2:15-16).
Le véritable pasteur met son corps en jeu pour ses brebis. Sa consécration à ses brebis va bien au-delà des termes de son contrat.
En se désignant lui-même comme le Bon Berger, Jésus distinguait son attitude de celle des salariés (Jean 10:11-13). En tant que berger sous les ordres de Christ, un pasteur doit considérer son rôle de la même manière, en prenant soin fidèlement des brebis dont il a la garde et en les protégeant. À la différence du salarié, il ne recherche pas la récompense financière, un style de vie respectable, des limites confortables, des avantages sociaux ou une progression de carrière. Le véritable pasteur met son corps en jeu pour ses brebis. Sa consécration à ses brebis va bien au-delà des termes de son contrat.
Cependant, de plus en plus souvent aujourd’hui, les candidats potentiels ont des attentes erronées, irréalistes et non bibliques à l’égard de la vie pastorale. Comme l’exprime Paul Tripp, le ministère pastoral est une « vocation dangereuse », et ne pas comprendre ce fait, c’est s’exposer à un réveil brutal lorsque la réalité frappera.
Un appel à mourir
Lisez les récits des premiers missionnaires en Afrique qui, face à des perspectives aussi incertaines, emportaient leurs maigres biens dans des cercueils. Ou lisez les histoires de ceux qui ont fait leurs adieux à leurs familles, sachant qu’ils ne les reverraient probablement jamais dans cette vie (et cela s’est produit pour beaucoup). Comme il nous est facile d’oublier l’appel de Christ à renoncer à nous-mêmes et à nous charger quotidiennement de notre croix pour la cause du ministère de l’Évangile (Luc 9:23).
Parmi toutes les épîtres de Paul, c’est en 2 Corinthiens qu’il ouvre son cœur et partage, de la façon la plus personnelle, ce que lui coûte le service dans le ministère. Comment interprétons-nous aujourd’hui des paroles comme celles-ci ?
Nous sommes pressés de toutes parts, mais non écrasés ; inquiets, mais non désespérés ; persécutés, mais non abandonnés ; abattus, mais non anéantis… En effet, nous qui vivons, nous sommes sans cesse livrés à la mort à cause de Jésus afin que la vie de Jésus soit elle aussi révélée dans notre corps mortel. (2 Corinthiens 4:8,9,11)
Imaginez que vous lisiez une annonce dans la colonne « On recherche » d’un magazine chrétien en 2020 :
Pasteur fidèle exigé
Qui s’attende à être durement éprouvé,
à être inquiet, persécuté, abattu et livré à la mort à cause de Jésus,
afin que sa vie soit révélée
dans son corps mortel.
Aucune Église n’aurait l’audace de formuler ses besoins en ces termes aujourd’hui. Mais pourquoi pas ? Selon Paul, c’est à travers des personnes comme celles-ci que l’on peut voir la puissance inégalée de Dieu (v.7).
L’appel de l’Évangile est un appel à mourir, que ce soit au sens propre ou au sens figuré.
L’appel de l’Évangile est un appel à mourir, que ce soit au sens propre ou au sens figuré. Et pour ceux qui envisagent d’exercer un ministère pastoral, il leur incombe la grande responsabilité de calculer le coût conformément aux exigences de l’Évangile. Écoutez à nouveau Paul :
Et s’il est mort pour tous, c’était afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui est mort et ressuscité pour eux. (2 Corinthiens 5:15).
CT Studd, le célèbre missionnaire pionnier, l’a exprimé ainsi :
Si Jésus-Christ est Dieu et est mort pour moi, alors aucun sacrifice à consentir pour lui ne peut être trop grand pour moi.
Oui, voici la merveilleuse croix qui, aujourd’hui encore, nous invite à venir et à mourir.
Une vie compliquée
Si le ministère pastoral est un appel à mourir, à quoi cela ressemble-t-il concrètement pour les pasteurs d’aujourd’hui ? Le bon sens veut que toute personne qui envisage d’exercer un ministère ait au moins une idée de ce à quoi elle va être confrontée. Et sans aucun doute, le ministère pastoral implique nécessairement des éléments de sacrifice qui sont propres à la fonction, par exemple :
1. Des facteurs personnels
- Abandon d’une carrière et de ses perspectives
- Perte de statut, de réputation et de respectabilité parmi ses pairs
- Perte du choix du lieu de résidence et d’installation (ce sera peut-être une Église à la campagne ou une petite Église en difficulté)
- Adaptation à une vie et à un mode de vie nouveaux et plus compliqués (généralement plus stressants)
- Descente sur l’échelle sociale (dans la plupart des cas)
- Parfois, tensions conjugales
2. Des facteurs familiaux
- Perturbation de la vie familiale avec par exemple, des visiteurs à la maison
- Exigences supplémentaires pour l’épouse (et parfois pour les enfants)
- Imprévisibilité des rythmes de vie en raison des urgences pastorales
- Problèmes de l’Église débordant sur la vie familiale
- Devoir quitter l’Église ou en changer (parfois en raison de circonstances désagréables)
- Décisions en matière de logement
- Décisions au sujet de l’éducation des enfants et des perturbations qui les affectent
- Séparation d’avec des parents et amis et, parfois, rejet de leur part
3. Des facteurs liés au ministère
- Pression quotidienne et hebdomadaire pour tenir les délais, particulièrement en ce qui concerne la prédication
- Permanence de la « pression des gens »
- Attentes des membres de l’Église d’un pasteur parfait
- Perte de contrôle sur le temps, en particulier lors des réunions en soirée et des événements des week-ends
- Situations pastorales difficiles à gérer
- Défis relationnels entre les responsables de l’équipe
- Frustration et pression croissante de la réglementation gouvernementale
- Activité constante
- Fatigue mentale et physique - et sécheresse spirituelle associée
- Solitude
4. Le combat spirituel
- Opposition inattendue ou problèmes inexpliqués entravant un ministère par ailleurs efficace - que ce soit d’ordre personnel ou au sein de la famille de l’Église
- Désunion dans l’Église
- Tentation et oppression spirituelle
- Difficultés dans la prière et la prédication
Heureusement, tous ces problèmes ne vont pas se manifester dans le ministère de chaque pasteur. Mais pour beaucoup, l’appel à mourir comprendra certains d’entre eux. Il existe un coût à prendre en compte. Mais est-ce déraisonnable de la part de Dieu ?
Si tout cela semble morbidement déprimant, n’oublions pas l’évaluation que fait Paul de sa vie stressante dans le ministère, vue à travers le prisme de l’éternité :
Voilà pourquoi nous ne perdons pas courage. Et même si notre être extérieur se détruit, notre être intérieur se renouvelle de jour en jour. En effet, nos légères difficultés du moment présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire. (2 Corinthiens 4:16-17)
« Me voici, Seigneur, envoie… »
Il devrait maintenant être clair que le ministère pastoral n’est pas fait pour tout le monde. Si chaque disciple fidèle de Christ doit « se charger de sa croix » et « ne plus vivre pour lui-même », tous ne sont pas aptes ou désignés par Dieu pour le pastorat. Certains peuvent ne pas être adaptés du fait de leur personnalité, leurs dons ou leur tempérament. Il est certain que les rigueurs du ministère requièrent un individu plutôt robuste.
Tous ne sont pas aptes ou désignés par Dieu pour le pastorat. Les rigueurs du ministère requièrent un individu plutôt robuste.
Cependant, nous ne devrions jamais sous-estimer la puissance de Dieu qui peut façonner une vie qui lui est entièrement soumise. Combien de fois avons-nous vu Dieu s’emparer d’un jeune homme plutôt moyen, l’avons-nous vu grandir pendant plusieurs années de mentorat et de formation à l’institut biblique, puis, stupéfaits, l’avons-nous vu s’épanouir au cours de ses premières années de service dans une équipe pastorale au sein d’une Église locale. J’ai vu cela tant de fois au cours de mes années de ministère. Et quelle joie !
Croyez-moi, le ministère pastoral n’est pas très prestigieux. Paul se désignait lui-même comme « fou à cause de Christ » (1 Corinthiens 4:10). Les « conditions générales » du contrat ne seront probablement pas très attrayantes. Et l’on s’attend indéniablement à ce qu’un pasteur soit «livré à la mort pour ‘l’amour’ de Jésus ». Mais selon les voies paradoxales de Dieu, c’est encore en mourant à lui-même, à ses ambitions et à ses aspirations terrestres qu’un pasteur est spirituellement préparé à ce précieux ministère. Par sa grâce, Dieu utilise encore aujourd’hui d’humbles vases d’argile abandonnés, à travers lesquels il montre sa puissance extraordinaire (2 Corinthiens 4:7).
Il est possible que Dieu vous pousse à envisager cette étape importante. Si c’est le cas, pourquoi ne pas en faire un sujet de prière spécifique et rechercher délibérément sa direction.
- Considérez le coût dans la prière. Êtes-vous prêt à mourir ?
- Si vous êtes marié, discutez-en avec votre épouse et priez ensemble
- Recherchez le conseil d’amis ou de pasteurs pieux et de confiance
- Continuez à servir fidèlement, humblement et dans un esprit de sacrifice au sein de votre Église
- Chercher des occasions de partager l’Évangile et d’enseigner la Bible
- Prenez contact avec des instituts bibliques pour avoir plus d’informations
- Attendez patiemment que Dieu vous guide et choisisse pour vous le moment opportun
La grande œuvre du ministère de l’Évangile à travers les Églises locales a besoin de plus de pasteurs. Ensemble, demandons à Dieu de susciter et d’envoyer davantage d’ouvriers dans le champ de sa moisson.
Se pourrait-il que vous soyez la réponse à cette prière ?