Pendant la période de confinement, et pendant tout le temps qui a suivi, je suis revenu vers un thème important dans l’Ancien Testament. Celui du sabbat. J’ai relu les passages du Pentateuque instaurant ce jour de repos et d’adoration, et le thème de ce repos promis par Dieu m’a même conduit à commencer à écrire sur cela. Remarquez… il est quand même assez ironique qu’un temps que nous pourrions décrire comme un « enfermement » (pour certain bien réel) se soit avéré être l’occasion idéale de commencer à écrire livre sur le sabbat.
Le sabbat, un jour de repos humain ?
Lorsque nous disons « sabbat », à quoi pensons-nous immédiatement ? Peut-être que la première chose à laquelle vous pensez, c’est à un jour de repos hebdomadaire. Après tout nous parlons même parfois de « congé sabbatique » ! D’ailleurs les débats sur le respect (ou non) du sabbat ont souvent sur-accentué ce point. Peut-être que vous pensez plutôt à cette institution mosaïque que respectent encore les juifs à travers le monde. D’autres encore penseront plutôt aux implications socio-économiques du « sabbat », notamment dans les modalités qui caractérisent cette année de repos et de libération qu’est le Jubilé. Enfin, certains verront dans le sabbat un jour d’adoration communautaire, un jour particulier pendant lequel le peuple de Jésus-Christ célèbre sa gloire.
Le plus souvent, c’est le repos qui marque notre impression du sabbat. C’est probablement la raison pour laquelle les chrétiens ont dans le passé vivement discuté de ce qui était permis de faire pendant ce jour. Le problème, c’est que si nous faisons premièrement du sabbat un jour de repos humain, nous ratons une chose importante.
D’abord, nous ratons le lien fait entre le sabbat (comme institution mosaïque) et le repos que Dieu s’est réservé le septième jour de la création. Pourtant l’Ancien Testament fait clairement le lien en disant que le peuple doit prendre repos de ses œuvres, « car en six jours le Seigneur a fait le ciel et la terre, et le septième jour il s’est reposé et il a repris haleine. » (Ex 31.17) Cela nous ramène à Genèse 2 et cette indication remarquable : « Le septième jour, Dieu avait achevé tout le travail qu’il avait fait ; le septième jour, il se reposa de tout le travail qu’il avait fait. Dieu bénit le septième jour et en fit un jour sacré, car en ce jour Dieu se reposa de tout le travail qu’il avait fait en créant. » (Gn 2.2-3)
N’oublions donc pas que le sabbat, s’il est un jour de repos, est d’abord celui de Dieu. C’est le jour que Dieu se réserve pour lui-même. Il bénit et met à part un jour, un jour de repos qui annonce déjà au sein de la création le moment où les êtres humains pourront vivre un vrai repos.
Le sabbat comme signe du règne
En tant que sabbat de Dieu, ce jour appartient à celui qui est le Créateur et le Rédempteur. Le sabbat mosaïque liait d’ailleurs création et rédemption, notamment dans les Dix commandements. Au sein de ces paroles de la Loi, le quatrième commandement sert de trait d’union entre l’adoration de Dieu (trois premiers commandements) et les six derniers commandements (amour du prochain, et en premier des parents). En tant que tel, le septième jour est l’un des plus grands signes de l’action de Dieu dans notre histoire, ainsi que l’alliance de communion entre Dieu et son peuple.
Si le sabbat a été vu à juste titre à travers le ministère rédempteur du Christ, c’est bien normal ! Si ce jour appartient au Créateur, il appartient aussi au Rédempteur. L’annonce du repos, présent dès la création, prend un sens encore plus important avec l’entrée du péché dans le monde. Dans une société qui promet que nos œuvres pourront nous donner la paix et la liberté, « faire mémoire » du sabbat, accompli par Christ est crucial. C’est seulement en Christ que nous pouvons trouver le vrai repos, car lui seul a totalement « gardé » le sabbat : Christ est celui qui, ayant accompli toute la Loi, peut donner à ceux qui portent son nom le bénéfice du repos. Quand « tout est fini », il n’y a plus rien à accomplir. Quand « tout est fini », il ne reste plus que le repos. Christ, notre grand-prêtre, nous garantit le repos éternel, dira l’auteur de la lettre aux Hébreux (ch. 4).
Le sabbat est donc un signe et une alliance éternelle accomplie en Christ : c’est l’accomplissement de la promesse de Dieu de libération de l’esclavage du péché et de la mort.
C’est ainsi toujours à travers sa personne et son œuvre que le sabbat doit être compris. Le Christ, le Seigneur de tous, est le Seigneur de ce jour. Le sabbat est donc un signe et une alliance éternelle accomplie en Christ : c’est l’accomplissement de la promesse de Dieu de libération de l’esclavage du péché et de la mort.
La vie du royaume à venir
Le sabbat signifie donc bien plus qu’un jour de repos humain. La nature du sabbat, c’est le repos éternel. Cette promesse a une portée apologétique que nous ne soupçonnons peut-être pas. Le « repos du septième jour » est en effet l’affirmation radicale et glorieuse que Dieu seul nous libère de tous nos efforts.
La proclamation du repos éternel assuré par Christ est vitale dans un monde marqué par l’illusion de suffisance humaine. Malgré la valeur que nous pouvons attacher à notre succès professionnel, à notre vie familiale, ou à l’accumulation de nos biens, le sabbat de Christ dénonce comme destructeur l’espoir que nous plaçons en eux. Le sens du sabbat, c’est la libération de nos illusions de grandeur. Seul Christ peut nous faire réellement vivre le repos sabbatique. Hors de lui, nos vies ne peuvent être marquées que par le retour de l’esclavage à des œuvres humaines.
La proclamation du repos éternel assuré par Christ est vitale dans un monde marqué par l’illusion de suffisance humaine.
Cette proclamation de la libération et du repos éternel est un signe du règne de Christ dans nos vies. C’est une proclamation que nous vivons au quotidien, et qui se manifeste aussi lorsque nous nous rassemblons pour célébrer le Dieu d’amour et de grâce. Le sabbat est bien une proclamation de la foi. C’est la foi en celui qui règne sur son peuple et qui nous amène vers son royaume de paix et de justice, un royaume qui n’aura pas de fin.