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Le mentorat : une belle pagaille

Je vous présente Katie (ce n’est pas son vrai prénom). Elle a une vingtaine d’années, et termine tout juste ses études. Nous sommes dans la même église. Un jour, elle est venue vers moi et m’a demandé si je pouvais devenir son mentor. S’en suivirent des années de discussion dans des cafés, de messages échangés sur nos téléphones, et de binôme dans le ministère.

Nous avons prié ensemble. Nous avons étudié la Bible ensemble. Nous avons exploré bon nombre de sujets épineux tels que la contraception, la déception, ou encore notre appel à avoir comme objectif la croissance spirituelle.

J’aime vraiment beaucoup Katie. Sur le papier, notre relation est du genre « Tite 2 » dont rêvent toutes les femmes qui sont dans le ministère. Sauf que… ce n’est pas toujours le cas. Katie ne prend pas toujours les décisions auxquelles je l’ai encouragées (et pour lesquelles j’ai prié) et parfois, j’ai été gênée ou même déçue par son comportement en public.

Cela m’est aussi arrivé avec d’autres personnes que Katie. J’ai en tête d’autres moments de ma vie où une jeune femme avec qui j’ai investi du temps a suivi un chemin, ou une relation, ou un point de vue biblique à l’opposé de ce que j’avais prié qu’elle perçoive dans la Parole de Dieu.

Plus d’une fois, j’ai eu des difficultés à savoir comment réagir face à une relation « Tite 2 » qui ne fonctionnait pas comme prévue.

Le véritable Tite 2

Si on devait associer le chapitre 2 de Tite avec un seul mot, ce serait « mentorat ». Dans ce passage, Paul présente un modèle de discipulat où les hommes plus âgés donnent aux plus jeunes l’exemple d’un comportement qui honore Dieu, et où les femmes plus âgées enseignent aux plus jeunes :

Dis que les vieillards doivent être sobres, honnêtes, modérés, sains dans la foi, dans la charité, dans la patience. Dis que les femmes âgées doivent aussi avoir l’extérieur qui convient à la sainteté, n’être ni médisantes, ni adonnées au vin ; qu’elles doivent donner de bonnes instructions, dans le but d’apprendre aux jeunes femmes à aimer leurs maris et leurs enfants, à être retenues, chastes, occupées aux soins domestiques, bonnes, soumises à leurs maris, afin que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée. (Tite 2.2-5)

J’aime vraiment beaucoup Tite 2, et les relations que l’application de ce passage a fait naître dans ma vie. Ma marche avec Christ a été enrichie par des femmes plus âgées qui m’ont montré ce qu’était une vie de piété, et qui ont ouvert la Parole de Dieu avec moi. Ma foi a été aiguisée, ma vie enrichie, par ces temps passés de manière intentionnelle avec de jeunes femmes comme Katie.

Cette méthode de discipulat est essentielle dans le travail de l’église, et pourtant, il me semble que nous l’utilisons plutôt comme une formule à appliquer, dont les résultats sont prédéterminés. Nous partons du principe que si nous passons assez de temps, ou un temps de qualité, avec des chrétiens plus jeunes, ils vont forcément grandir en maturité et en piété, de manière exponentielle. Et lorsque ce n’est pas le cas, nous pensons toujours que nous sommes fautifs.

Peut-être devrions-nous replonger dans le texte de Tite 2.

La fidélité aux Écritures n’est pas un résultat à obtenir

L’apôtre Paul a écrit à ce jeune qu’il suivait, Tite, qui était un jeune leader chrétien en Crète : « Je t’ai laissé en Crète, afin que tu mettes en ordre ce qui reste à régler, et que, selon mes instructions, tu établisses des anciens dans chaque ville. » (Tite 1.5)

D’autres passages des Écritures sont principalement historiques, ou prophétiques, mais cette Épitre est essentiellement instructive. Dans Tite 2, Paul enseigne à Tite ce qu’il devrait faire, et non ce qui arrivera lorsqu’il agira de cette manière.

J’ai souvent entendu Lore Ferguson Wilbert défendre « une fidélité à la Parole de Dieu, et non à un résultat »[1]. Ceci s’applique à la vie chrétienne, et surtout au discipulat. Nous sommes investis dans la vie des autres. Nous prions pour nos frères et sœurs. Nous nous exhortons à la vie de piété et aux œuvres bonnes. Nous portons les fardeaux les uns des autres. Nous le faisons, non parce que nous sommes sûrs d’obtenir des résultats, mais parce que la Parole de Dieu nous y appelle.

Le mentorat doit être une belle pagaille.

Lorsque nous pensons au mentorat, la plupart d’entre nous rêvent de cette version parfaite où l’on a tout le temps et l’énergie nécessaires, où la communication est fluide, et la sanctification immédiate. Mais c’est justement parce que nos vies sont en pagaille, et non parfaitement rangées, que nous avons tant besoin de ces relations !

J’ai passé des heures et des heures avec des femmes plus jeunes, et des femmes plus âgées, qui aspiraient toutes à avoir un mentor, ou qui espéraient l’être pour quelqu’un. Dans les deux cas, on constate qu’elles restent toutes dans leur coin, parce qu’elles ne savent pas comment faire pour se retrouver dans la pagaille.

Paul avait bien pris en compte que les relations n’étaient pas toujours belles, lorsqu’il a donné ses instructions. Après tout, Tite et les membres de son église avaient été témoins de bien des choses mauvaises : « Ils font profession de connaître Dieu, mais ils le renient par leurs œuvres, étant abominables, rebelles, et incapables d’aucune bonne œuvre » (Tite 1.16). Nous avons besoin de ces relations de mentorat avec des personnes qui honorent Dieu, justement parce que la tentation du péché est si forte.

Cette jeune femme de votre église qui connaît sa Bible par cœur, qui comprend parfaitement le plan de Dieu pour sa vie, et qui le suit sans faillir, n’existe pas, tout simplement. Si elle existait, elle n’aurait pas besoin d’un mentor. Une personne dont la vie est une belle pagaille, qui amène une autre personne (dont la vie est aussi une belle pagaille) à regarder au sauveur parfait : voilà ce qu’est le discipulat.

Un lien unique

De nombreuses associations et organismes organisent des évènements qui permettent de créer des liens intergénérationnels. Ce qui différencie l’Église de ces groupes, c’est le message de l’Évangile. Nous avons un point commun : notre sauveur.

Lorsque la personne auprès de qui vous vous êtes investis vous déçoit, vous avez là une belle occasion pour vivre l’Évangile. Vous pourriez faire preuve d’orgueil, d’amertume, ou de colère. Elle pourrait pécher, douter, tomber. Mais chacun peut saisir cette occasion pour confesser, se repentir, pardonner, et choisir de vivre l’espérance de l’Évangile. En Christ, toute relation interpersonnelle peut être imprégnée de l’Évangile.

Voir plus grand

En sortant Tite 2 de son contexte, ou en le voyant comme modèle unique à appliquer pour un discipulat biblique, nous nous retrouvons avec une méthode simpliste et irréaliste. Nous avons besoin de la Bible dans sa globalité pour nous souvenir que l’Église est le meilleur endroit pour accueillir des pécheurs qui se trompent, qui luttent avec les questions épineuses de la vie, et qui souvent, ratent la cible.

Lorsque nous sommes découragés par les résultats obtenus à la suite de nos efforts pour être un bon mentor, la Parole de Dieu nous rappelle que nous sommes loin d’être les seuls ! Jésus a passé tant d’heures avec ses 12 amis proches. Et pourtant, Judas l’a trahi, Pierre l’a renié, Thomas a douté de lui, et tous avaient des difficultés à comprendre ce que Jésus était venu accomplir. Les « résultats » de l’investissement de Jésus, du moins en apparence, semblent en vain. Mais son investissement était au contraire un cadeau inestimable.

Les chrétiens plus jeunes vont vous décevoir. Les plus âgés également. Vous allez les décevoir aussi. Mais si vos relations de mentorat vous poussent à chercher Jésus et demander son aide, vous vivez déjà une victoire.

[1]    Lore Ferguson Wilbert est une blogueuse chrétienne américaine qui écrit au sujet du célibat, du mariage, et qui vient de publier un livre au sujet de la souffrance. (NdT)

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