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Au cas où vous viendriez tout juste de vous connecter, une bonne conversation interne se déroule entre les complémentaristes John Piper, Thomas Schreiner et Andrew Wilson sur la question de savoir si les femmes peuvent enseigner dans une réunion d’église sous l’autorité des anciens ou non. Afin de suivre le débat, Voyez Piper ici, Wilson ici, Schreiner ici, Wilson ici, et encore Piper ici.  Auparavant, Tim Keller avait aussi présenté la vision des choses qu’a Wilson ici tandis que John Frame avait défendu ce même point de vue ici.

Chacun admettra qu’il y a des moments où des femmes ouvriront leur Bible et instruiront des hommes, comme le fit Priscille avec son mari Aquilas quand ils instruisirent Apollos (Actes 18:26). Et chacun admettra qu’il y a certains types d’enseignement qu’une femme ne doit pas exercer, sur la base de 1 Timothée 2:12 : « Je ne permets pas à la femme d’enseigner ou d’exercer l’autorité sur un homme. »

La question qui nous occupe est : quels sont les critères qui permettent de dire quand nous nous trouvons dans le premier domaine plutôt que dans le second ? Quelle est la limite entre un côté et l’autre ?

Il y a deux choses sur lesquelles j’espère apporter ici ma contribution. Premièrement, je voudrais faire la simple observation que ce qui semble conduire les différentes approches à 1 Timothée 2:12 sont les conceptions de l’enseignement et de l’autorité qui séparent les presbytériens des congrégationalistes. Et, tout congrégationaliste qui tombe d’accord avec Wilson ou Tim Keller ou John Frame, est en fait dépendant d’une compréhension presbytérienne de l’enseignement et de l’autorité (ce qui ne veut pas dire qu’un presbytérien doit adopter la position de Wilson). Deuxièmement, je voudrais apporter une distinction plus congrégationaliste entre l’enseignement ayant autorité qui a lieu dans le contexte de l’église rassemblée, et l’enseignement qui se produit hors de ce cadre.

CE QUE LES ACTEURS ONT DIT

Andrew Wilson distingue les deux domaines décrits plus haut en séparant deux différentes sortes d’enseignement – ce que Wilson appelle le grand enseignement (big-T – en anglais) et le petit (little-t en anglais) enseignement. Le grand-E enseignement implique : « la définition, la défense et la préservation de la doctrine chrétienne, par les conducteurs accrédités par l’église. » Le petit-e enseignement est « un terme attrape-tout pour parler de discussions autour de la Bible dans une réunion d’église. » Ou : « le fait de s’expliquer les Écritures les uns aux autres, d’égal à égal, selon les dons qu’on a reçus. »

La distinction théologique de Wilson entre les deux sortes différentes d’enseignement est loin d’être unique. Elle reçoit l’appui de rien moins que ces lumières que sont Tim Keller et John Frame.

Keller écrit,

Les anciens sont les conducteurs qui admettent des personnes dans l’église ou en rejettent d’autres, et ils font du « contrôle de qualité » quant à la doctrine des membres. Ce sont les choses que seuls les anciens peuvent faire. Les autres peuvent enseigner, former comme disciples, servir, témoigner… Nous ne croyons pas que 1 Timothée 2:11 ou 1 Corinthiens 14:35-36 excluent l’enseignement de la Bible par des femmes aux hommes ou le fait, pour elles, de parler en public. « Enseigner avec autorité » (1 Timothée 2:11) fait référence à l’autorité disciplinaire au sujet de la doctrine de quelqu’un. Par exemple, quand un ancien dit à un membre : « Tu dis à chacun qu’il doit être circoncis pour être sauvé — ceci est un enseignement destructeur, non-biblique qui blesse les personnes spirituellement. Tu dois le répudier, sinon, tu dois quitter l’église. » C’est cela l’« enseignement avec autorité » – il n’appartient qu’aux anciens.

Et Frame écrit,

La théologie réformée a souvent fait la distinction entre l’office spécial d’enseignement, qui appartient aux anciens ordonnés, et l’office d’enseignement général qui inclut tous les croyants… Votre comité tient unanimement la position que l’Écriture exclut les femmes de l’office spécial d’enseignement. L’Écriture enseigne clairement cette limitation en I Cor. 14:33-35 et en I Tim. 2:11-15. Mais l’Écriture dit, tout aussi clairement, que les femmes ne sont pas exclues de l’office général d’enseignement … Paul en [1 Cor. 14:33-35] interdit essentiellement aux femmes l’exercice de l’office spécial ….I Tim. 2:11-12 limite aussi pour les femmes l’enseignement, mais … ici aussi, il a en pensée l’office spécial plutôt que le général.

Schreiner, d’un autre côté, dit qu’enseigner, c’est enseigner. Il écrit,

Enseigner dépeint la transmission publique et pleine d’autorité de la tradition au sujet de Christ et des Écritures (1 Corinthiens 12:28–29 ; Éphésiens 4:11 ; 1 Timothée 2:7 ; 2 Timothée 3:16 ; Jacques 3:1)… c’est le cœur et l’âme du ministère de l’église jusqu’à la seconde venue de Christ.

La distinction que fait Piper entre les deux domaines est, honnêtement, un peu vague pour moi. Il écrit,

Il me semble que, dans la mesure où les hommes et les femmes sont en relations dans l’église, il revient aux hommes de conduire, selon l’analogie avec le rôle du mari qui doit conduire son foyer (Éphésiens 5:22–33)… Ainsi, quand je pense à la façon dont le rôle conducteur des hommes est exprimé dans l’église, je vois la prédication régulière de la Parole de Dieu durant la réunion hebdomadaire d’adoration comme le cœur de cette direction.

En prenant le risque de lire entre les lignes de Piper (et dans une direction favorable à ma propre conception !), il dit que l’enseignement est l’exercice de l’autorité, et que, dans les réunions de l’église, seuls les hommes doivent enseigner parce que l’enseignement est un exercice de l’autorité.

DEUX SORTES D’ENSEIGNEMENT, OU DEUX SORTES DE CONFIGURATION

Pour résumer les deux points de vue, Wilson, Keller et Frame distinguent deux sortes d’enseignement. Wilson les nomme l’enseignement grand-E opposé à l’enseignement petit-e ; Keller les appelle l’enseignement ayant autorité opposée à l’enseignement n’ayant pas autorité ; et Frame les nomme enseignement spécial opposé à l’enseignement général. Le point essentiel est que l’enseignement d’un ancien est d’une certaine manière revêtue de plus d’autorité que l’enseignement de tout autre membre de l’église. Ainsi vous vous trouvez en présence d’un enseignement ayant plus d’autorité et d’un enseignement ayant moins d’autorité. (Dans une phrase de son essai, Frame dit que ce qui est en jeu, c’est l’« occasion » de l’enseignement. Mais rien d’autre, dans son article, ne nourrit cette idée. Tout ce qu’il dit ne distingue pas entre les occasions, mais entre les sortes d’enseignement.)

Quand les défenseurs de ce point de vue se tournent vers 1 Tim. 2:12, ils peuvent argumenter soit que « enseigner et exercer l’autorité » est un hendiadys (dire la même chose en deux mots, comme dire « joli et mignon ») — en dépit du fait que Kostenberger a bien fait réfutation de cette position. Soit, ils peuvent dire que le contexte du chapitre 3 suggère que Paul avait ici à la pensée une catégorie spéciale d’enseignement faisant autorité.

Schreiner and Piper ne disent pas tout à fait cela, mais le mieux que je puisse dire (et, encore une fois, je mets mes mots dans leur bouche), ce ne sont pas des types d’enseignement tellement différents qui sont en vue. Enseigner, c’est enseigner. Bien plutôt, ils perçoivent une distinction entre les occasions pour cet enseignement. Vous avez l’enseignement quand l’église est réunie et vous avez l’enseignement quand elle n’est pas réunie.

Ou pour présenter cela autrement, Schreiner et Piper peuvent admettre une distinction entre l’enseignement biblique grand-E et l’enseignement biblique petit-e. Priscille, pouvons-nous dire, pratiquait l’enseignement petit-e, comme lorsque les femmes enseignent des femmes. Mais les critères de cette distinction dépendent du fait que l’église entière est rassemblée ou non. Les différents types d’enseignement sont les différentes configurations : l’enseignement de l’église rassemblée opposé à l’enseignement de l’église non-rassemblée.

Quand ceux qui tiennent ce point de vue se tournent vers 1 Timothée 2:12, ils croient que Paul fait référence à un enseignement qui intervient dans le contexte d’une réunion d’église. Il ne s’agit pas tant, alors, de différentes sortes d’enseignement. Enseigner la Bible, c’est enseigner la Bible. C’est ouvrir la Bible et l’expliquer. Et chacun peut le faire en dehors des réunions de l’église. L’intérêt de Paul, en 1 Timothée 2 et 3, se concentre sur « comment on doit se conduire dans la maison de Dieu » (3:15).

POUVEZ-VOUS ÊTRE PRÉCIS, S’IL VOUS PLAÎT ?

Le défi, pour chacun de ces points de vue, c’est de préciser davantage ses critères. Qu’est-ce qu’est, exactement, avoir autorité ou avoir moins d’autorité ? Quelqu’un, s’il vous plaît, peut-il m’expliquer comment l’enseignement de la Bible peut être jamais moins que faisant pleinement autorité ? Et quand pouvons-nous dire que l’église est effectivement rassemblée – le service principal ? Une École du Dimanche ? Un petit groupe du mardi soir ? Où est la limite ?

De tous ceux qui ont contribué à la conversation jusqu’à présent, Keller, selon moi, a fait le meilleur travail pour clarifier sa position et expliquer les distinctions sur lesquelles il s’appuie. Souvenez-vous, il a dit que « les anciens sont les conducteurs qui admettent des personnes dans l’église ou en rejettent d’autres, et ils font du « contrôle de qualité » quant à la doctrine des membres. Ce sont les choses que seuls les anciens seuls peuvent faire. Les autres peuvent enseigner, former comme disciples, servir, témoigner … ‘Enseigner avec autorité’ (1 Timothée 2:11) fait référence à l’autorité disciplinaire sur la doctrine de quelqu’un. »

OK, allons-y. C’est ce genre de clarté que je recherche. Ce que Keller appelle « enseignement avec autorité » (ou ce que Wilson nomme « enseignement grand-E » et Frame « enseignement spécial ») c’est l’enseignement qui affirme spécifiquement ce que l’église doit croire en matière de conditions pour être membre et de discipline. Quand quelqu’un se lève et déclare : « Vous devez croire que X peut être un membre de cette église, sinon nous vous exclurons ou nous ne vous permettrons pas d’entrer d’abord, » alors il enseigne avec autorité.

Je ne suis pas sûr que Wilson dise la même chose quand il fait référence à « la définition, la défense et la préservation de la doctrine chrétienne. » Ce qu’il dit est tout simplement trop vague. Tout enseignement devrait définir, défendre et préserver la doctrine chrétienne, n’est-ce pas ? Je veux dire que c’est ce que Priscille et Aquilas faisaient avec Apollos, non ? Ce qui est utile dans ce que fait Keller, c’est de lier le concept d’enseignement avec autorité, aux conditions du statut de membre et à la discipline. C’est de l’enseignement, pourriez-vous dire, que d’écrire la confession de foi de l’église.

Pour arriver à notre but ici, je suis en train d’assumer que Keller fait le meilleur travail en formulant ce que Wilson et Frame aussi pensent. S’ils envisagent quelque chose de différent, peut-être pourront-ils le mettre au clair.

LA VISION DE WILSON EST EFFECTIVEMENT UNE VISION PRESBYTÉRIENNE

Et finalement, après tout cela, nous en venons au premier point que je voulais traiter dans cet article. Je ne sais pas quelle forme de gouvernement d’église Wilson adopte, mais Frame et Keller sont presbytériens et ils pensent et parlent comme des presbytériens. Je ne dis pas que leur conception sur l’enseignement des femmes est inévitable dans le cadre du gouvernement d’église presbytérien. Je dis qu’elle est cohérente avec le cadre presbytérien. Je voudrais dire aussi qu’elle ne convient pas dans un cadre congrégationaliste.

Vous pourriez dire : « Très bien, c’est donc presbytérien. Et alors ? »

Eh bien rien. Je ne suis pas un presbytérien, mais j’aime les presbytériens. Je dis seulement que c’est presbytérien, c’est tout. Sachez ce que croit votre équipe. Je dirai que cette conception mine le sacerdoce de tous les croyants, ce qui est la chose même que les congrégationalistes comme moi défendent toujours.

Laissez-moi expliquer. Dans un cadre presbytérien (et épiscopalien), les responsables de l’église détiennent les clefs du royaume. Ils possèdent l’autorité d’apprécier et de faire des jugements sur la doctrine et la condition de membre. Une fois encore, Keller : « Les anciens sont les conducteurs qui admettent des personnes dans l’église ou en rejettent d’autres, et ils font du « contrôle de qualité » quant à la doctrine des membres. Ce sont les choses que seuls les anciens peuvent faire. »

Aussi, quand un presbytérien fait référence à un « enseignement avec autorité » ou un « enseignement spécial » il ne veut pas seulement dire qu’il s’agit de se lever, d’ouvrir la Bible et de parler. Il est en train de combiner cette activité ensemble avec l’activité qui consiste à rendre un jugement sur la doctrine et la condition de membre, comme un juge rend son jugement en frappant du marteau. L’enseignement avec autorité, comme il le définit, c’est le fait que quelqu’un se lève et fait cette annonce unique au sujet de ce que l’église désormais doit croire sur le sujet x. Et c’est aussi le fait que quelqu’un se lève et déclare un tel est (ou n’est pas) un membre en vertu de son adhésion (ou de son manque d’adhésion) à nos convictions de foi. Cela combine l’enseignement comme nous l’entendons ordinairement et le jugement.

Quand Keller dit « enseignement avec autorité, » je voudrais dire qu’il pense au fait de « lier et délier » de Matthieu 16 et 18.

Dans ce cadre, nous pouvons dire que les apôtres et les anciens enseignaient avec autorité en Actes 15 quand ils prirent une décision sur la circoncision et la condition de membre d’église. Le Concile de Nicée enseignait avec autorité sur la question de l’homoousios puisque cette compréhension de la Trinité devint une condition pour être membre de l’église. Le Concile de Trente enseignait avec autorité quand il mettait sous anathème les croyants en la sola fide. L’église City Church à San Francisco enseignait avec autorité quand elle informa ses membres que « l’église » acceptait maintenant l’homosexualité. Et ma propre église enseignait avec autorité quand elle ôta l’exigence de l’abstinence d’alcool de notre confession de foi d’église. Tous ces moments d’enseignement, légitimes ou non, combinaient l’enseignement avec un acte de jugement au sujet de ce qui devait être cru comme une condition pour devenir membre.

Et pour le dire à nouveau : les presbytériens (et les épiscopaliens) croient que seuls les responsables ont cette sorte d’autorité (avec, en plus, des qualifications sur lesquelles il n’est pas nécessaire de parler ici). Si je les comprends correctement, alors, c’est cette sorte d’autorité que Keller, Frame et Wilson voudraient réserver aux hommes.

LE CONGRÉGATIONALISME ET LE SACERDOCE DES CROYANTS

Voilà donc une grande ironie : j’ai entendu bon nombre de baptistes et de congrégationalistes employer les arguments de ces frères pour soutenir que les femmes peuvent prêcher et enseigner dans une réunion d’église. Ils déclarent que, aussi longtemps qu’une femme enseigne sous l’autorité des anciens, elle agit dans le cadre défini par Paul. En fait, ce n’est pas le cadre de Paul, c’est un cadre presbytérien sur lequel ils s’appuient.

Dans un cadre congrégationaliste, aussi bien les hommes que les femmes possèdent l’autorité des clefs, ce qui veut dire l’autorité de rendre collectivement des jugements sur la doctrine et la condition de membre d’église. Cela, juste ici, est le cœur même du sacerdoce de tous les croyants.

Et plus jamais quelqu’un n’enseignera plus son prochain ni quelqu’un son frère en disant : ‘Connais le Seigneur’ car tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand, déclare le Seigneur (Jér. 31:34).

Mais ne vous faites pas appeler rabbi, car vous n’avez qu’un seul enseignant et vous êtes tous frères (Matt. 23:8).

Et nous communiquons ceci en mots qui ne sont pas enseignés par la sagesse humaine mais par l’Esprit, interprétant les vérités spirituelles à ceux qui sont spirituels (1 Cor. 2:13 ; cf. vv. 10-16).

Mais l’onction que vous avez reçue de lui demeure en vous et vous n’avez pas besoin que quelqu’un vous enseigne (1 Jean 2:27)

A. Carson explique que le concept d’« enseignement » en Jérémie 31 ne porte pas seulement sur une transmission d’information. Ce n’est pas le fait que ces personnes n’auront jamais besoin d’avoir des enseignants. Bien au contraire : « dans le contexte, il prévoit le temps où il n’y aura plus de médiateurs, parce que toute la communauté de l’alliance aura une connaissance personnelle de Dieu. » Chacun d’entre eux possédera la capacité de discerner entre la vraie doctrine et la fausse. Et cette compétence pour juger, donnée par le Saint-Esprit, appartient à chaque croyant masculin ou féminin.

Dans un système congrégationaliste, de plus, chaque croyant, masculin ou féminin, possède non seulement la compétence, donnée par le Saint-Esprit, de juger entre la vraie doctrine et la fausse, mais l’autorité collective donnée par Jésus de séparer la vraie doctrine de la fausse pour ce qui concerne le fait d’être membre dans l’église.

Mais je ne me fais pas, ici, le défenseur du congrégationalisme. Je fais simplement observer que l’espace d’autorité que Keller, Frame et Wilson s’efforcent de préserver pour les hommes, les congrégationalistes pourraient argumenter explicitement qu’il appartient aux hommes et aux femmes, dans leur capacité collective, parce que des hommes et des femmes également peuvent être des croyants !

Keller dit : « Les anciens sont les conducteurs qui admettent des personnes dans l’église ou en rejettent d’autres, et ils font du « contrôle de qualité » quant à la doctrine des membres. Ce sont les choses que seuls les anciens peuvent faire. »

Remplacez le mot « anciens » par « congrégation » et vous avez une vision congrégationaliste : « L’église entière admet des personnes dans l’église ou en rejette d’autres, et l’église entière fait du « contrôle de qualité » quant à la doctrine des membres. »

LA SIGNIFICATION DU RASSEMBLEMENT

Un congrégationaliste aussi admet qu’il y a deux sortes différentes d’enseignement – appelez-les grand-E et petit-e, si vous le voulez. Et, même, un congrégationaliste sera d’accord pour dire qu’il y a une sorte d’enseignement qui « a plus d’autorité » que l’autre.

Mais la distinction principale repose sur la question de savoir si l’église est assemblée ou non. Ce qui fait que l’enseignement grand-E a autorité est le fait même de la réunion : là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, là je suis (Matt. 18:20). Dans un cadre congrégationaliste, le rassemblement lui-même possède une forme de voix d’autorité. Nous ne pouvons pas exercer une excommunication, par exemple, quand nous sommes dispersés (voyez 1 Cor. 5:4).

Maintenant, la congrégation entière — hommes et femmes – exerce le jugement des clefs dans ces réunions où elle est rassemblée (disons, par la discipline d’église). Mais l’enseignement de la Bible ne devrait pas être confondu avec cette parole de jugement. L’enseignement est toujours de l’enseignement – ouvrir la Bible et l’expliquer. Et tout enseignement biblique qui intervient dans le contexte de ce rassemblement, qu’il soit opéré par un ancien ou non, possède une sorte de oomph additionnel qui l’appuie. Oui, j’ai bien dit oomph. Ce que je veux dire est ceci : l’enseignement de la Bible définit la justice et lie les consciences, toujours ; parce que la Bible définit la justice et lie les consciences. Cela ne veut pas dire que les personnes ne peuvent pas s’interroger sur l’enseignement de quelqu’un. Cela veut seulement dire que l’un des buts de la Bible est de définir la justice et de lier la conscience. Que ce soit dans l’église ou hors de l’église, l’enseignement de la Bible opère cela. Mais quand une parole d’instruction biblique est donnée dans l’assemblée, elle sera a priori traitée comme liant la conscience et définissant la justice pour toute l’assemblée, qu’un ancien parle ou non. Elle possède une sorte d’approbation corporative du type : « C’est ce que nous croyons, » au moins jusqu’à ce que l’assemblée décide d’exercer son autorité corporative et de mettre dehors un faux-enseignant. L’assemblée dit au voisinage, au monde qui la regarde et à chacun de ses membres : « Eh, nous parlons de Jésus ici. Et cet enseignement est ce que nous pensons que Jésus nous dit à tous. »

Même si un journaliste ou un voisin en visite ne sont pas formés théologiquement, lui ou elle a probablement quelque impression sur le fait que ce qui est dit depuis la chaire le dimanche est plus significatif que ce qui est dit depuis le bureau du pasteur le mardi. La première situation est davantage une expression de l’église entière – à nouveau, parce que cette réunion est existentiellement, théologiquement et exégétiquement significative : « là où deux ou trois sont rassemblés » ; « quand vous êtes assemblé dans le nom du Seigneur Jésus » (1 Cor. 5:4) ; « quand vous venez ensemble en tant qu’église » (1 Cor. 11:18).

Ainsi, l’autorité des hommes et des femmes rassemblés au nom de Jésus en tant que groupe rend le rassemblement ou l’assemblée significatifs en termes d’autorité. Ce qui veut dire que je ne peux pas séparer l’enseignement de type grand-E et de type petit-e à la façon dont le font Keller, Frame, et Wilson. Ce qui distingue les deux types d’enseignement, c’est l’assemblée. Dans le contexte de cette assemblée, tout enseignement biblique possède une forme extraordinaire d’autorité qui lie la conscience et définit la justice. Notez que je n’ai pas dit : un enseignement « sur l’histoire de l’église » ou « de partage de mon récent voyage missionnaire, » ou même « mes perspectives en tant que maman sur la manière biblique d’être parent. » J’ai juste dit l’enseignement biblique. Tout enseignement biblique dans le contexte de l’assemblée ayant autorité est un enseignement ayant autorité ou un enseignement du type grand-E, peu importe qui le dispense. Tout enseignement en dehors de l’assemblée qui a l’autorité est un enseignement de type petit-e.

Il y a deux ironies dans tout cela. Premièrement, c’est l’autorité collective des hommes et des femmes ensemble dans le rassemblement de l’église qui donne à l’enseignement dans cette réunion une autorité spéciale. Mais pourtant, Dieu restreint ce type d’enseignement aux seuls hommes. Voilà la première ironie. Mais la seconde est que, puisque le véto final appartient à toute l’église, alors oui, les femmes collectivement partagent la plus haute autorité dans l’église avec les hommes. Les presbytériens ne disent pas cela.

ÉCOLE DU DIMANCHE ET PETITS GROUPES ?

Qu’en est-il de l’École du Dimanche ? Est-ce que l’École du Dimanche à 9 heures du matin, où seul 1/10 des membres de l’église est présent, peut être qualifiée de rassemblement de l’église ? Cela ne semble pas, mais je voudrais dire que cela fonctionne toujours dans l’optique (ou le champ de force) de l’autorité de l’église rassemblée. Les gens vont donner à la voix de l’enseignant de l’École du Dimanche presque autant d’autorité qu’à celle du prédicateur. Pour le dire autrement, l’École du Dimanche est une expression du ministère d’enseignement de l’église comme un tout. Elle est orientée vers l’ensemble de l’église, elle vise toute l’église et elle est supervisée en principe par les anciens. Elle ne fait qu’étendre leur autorité quant à l’enseignement.

Ceci étant dit, je concéderai que cette tenue de l’École du Dimanche nous amène un pas plus loin du centre. Nous commençons à nous déplacer le long d’un spectre.

Et alors pour les petits groupes ? À nouveau, nous faisons un pas plus loin du centre et le long du spectre. Jusqu’à un certain point, les conducteurs de petits groupes sont censés enseigner avec la voix d’autorité de l’assemblée rassemblée. Eux aussi étendent le ministère d’enseignement des anciens. Mais il est certain que la force de cette autorité est atténuée à un degré ou deux de plus. Et à quelques points, oui, nous avons besoin de faire une question de jugement au sujet du fait de savoir à quel moment l’église n’est plus rassemblée ou à quel moment elle ne parle plus avec l’autorité de l’assemblée réunie. C’est une question de sagesse et nous pouvons être en désaccord sur le point de savoir où la sagesse place la limite. Plus encore, tout simplement parce que quelque chose n’est pas formellement « l’église assemblée », comme un petit groupe, la prudence peut suggérer de restreindre l’enseignement aux hommes parce que les personnes le perçoivent comme parlant avec la voix d’autorité l’église réunie.

Mais quel que soit l’endroit où nous plaçons la limite, le principe de base demeure : les frères qui enseignent dans le contexte de l’église rassemblée ou les enseignants qui parlent avec l’autorité de l’église rassemblée, possèdent une mesure spéciale d’autorité qui lie la conscience et définit la justice. Et c’est ce type d’enseignement que Dieu, selon ses projets toujours bons et parfois insondables, réserve aux hommes.

CONCLUSION

Ultimement, un congrégationaliste ne devrait pas assumer qu’il peut adopter les distinctions presbytériennes en gros, telles qu’elles sont dans la séparation que fait Keller entre l’enseignement avec autorité et celui qui n’est pas revêtu d’autorité, ou quand Frame sépare les fonctions d’enseignement spécial et général.

Un congrégationaliste distinguera entre deux sortes d’enseignement en fonction du concept de rassemblement qui est concret exégétiquement et proche de la vie réelle. L’enseignement qui est donné là est différent de l’enseignement qui advient en dehors de ce cadre. L’enseignement au sein du rassemblement de l’église a, derrière lui, l’autorité de l’église entière (hommes et femmes), même s’il est donné par de simples hommes. L’enseignement en dehors de l’église ne parle pas pour toute l’église de la même manière.

Dans la mesure où le concept de l’église en tant que rassemblement a été troublé par notre monde multi-site et multi-service, il n’est pas surprenant pour moi que quelques congrégationalistes puissent questionner la distinction sur laquelle je m’appuie. Après tout, ils ont déjà évacué ou dramatiquement minimisé le concept de rassemblement de ce qui constitue une église puisque tous les campus ou les services n’ont pas besoin de se rassembler et peuvent encore s’appeler une église (ceci, aussi, est cohérent avec le presbytérianisme ou l’épiscopalianisme, par exemple la « Presbyterian CHURCH of America »).

Mais c’est là une autre conversation, pour un autre jour !

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