Dans un article récemment publié, nous avons examiné la caractérisation de Michael Emlet selon laquelle les personnes ayant besoin de conseils sont des saints, des victimes ou des pécheurs. Le danger qu’il y a à ignorer ou minimiser ces catégories est que nous ne parviendrons pas à offrir le bon conseil au bon moment. Au lieu de cela, nous offrirons des conseils qui seraient utiles dans une situation et pourtant terriblement inadéquats dans une autre.
Ignorer ces catégories nous conduirait à une approche « prêt-à-porter » du counseling, où nous nous tournons fréquemment vers nos passages bibliques préférés pour donner des conseils superficiels plutôt que d’aller à la racine du problème. Selon Emlet, nous utilisons un herbicide qui s’occupe des symptômes mais laisse les racines intactes. En compartimentant la solution, nous ne parvenons pas à ramener les gens à la grande histoire de la rédemption.
Oublier le saint
Considérez ce qui se passe lorsque nous ignorons ou minimisons l’aspect « saint » de la vie d’un chrétien. Nous nous concentrons sur ce qui reste à changer dans le cœur du chrétien. Notre approche s’orientera vers une liste de « choses à faire et à ne pas faire ». Nous dirons aux gens comment gérer leur souffrance ou comment confronter leur péché persistant.
Si la personne a une conscience sensible et a du mal à accepter le pardon de Dieu pour les péchés et les échecs antérieurs, alors parler des péchés qui sont d’actualité et qui doivent être confrontés n’est pas la meilleure approche. Nous nous concentrerons sur l’aspect du « pas encore » de la rédemption, sans accorder beaucoup d’attention au « déjà » de l’œuvre de Christ pour nous. Les impératifs de la Parole remplaceront les indicatifs du salut.
Emlet utilise l’exemple d’un parent qui se concentre toujours sur les traits de caractère qui manquent à ses enfants, plutôt que sur les traits de caractère présents. En d’autres termes, l’accent est mis sur la correction des enfants parce qu’ils ont mal agi et rarement, voire jamais, sur des éloges qui leur seraient adressés parce qu’ils ont bien agi.
Affirmer les preuves de la grâce dans la vie d’une personne n’est pas une justification du péché en cours ou une excuse pour persister dans une rébellion volontaire. Au contraire, cela fournit motivation et encouragement lorsque nous sommes au bord du gouffre.
Lorsque nos yeux sont fixés sur notre lutte continue, nous sommes moins susceptibles de nous prélasser dans la liberté glorieuse que nous avons en Christ. Cela peut sembler contre-intuitif, mais c’est vrai : le fait de ne pas affirmer l’aspect « déjà » de notre salut ralentira notre progression dans le « pas encore » de la sanctification.
Oublier la victime
Considérez ce qui se passe lorsque nous ignorons l’aspect « souffrance » de la vie d’un chrétien. Nous nous concentrerons sur le rôle que la personne a joué pour se retrouver dans cette souffrance, et non sur les forces extérieures qui viennent contre elle. Notre approche « minimisera le péché dont elle a été victime et maximisera le péché qu’elle a commis ». La personne qui demande des conseils appelle à l’aide, mais nous n’entendrons pas le cri et répondrons plutôt avec une posture de jugement.
Il est vrai que les causes de la souffrance sont complexes et peuvent rarement être réduites à des circonstances purement externes ou à des péchés purement internes. Cela rend la catégorie « souffrance » quelque peu difficile à définir.
Y a-t-il des éléments de la souffrance qui sont causés par les propres échecs d’une personne ? Habituellement, oui. Y a-t-il des éléments de la souffrance causés par des circonstances extérieures indépendantes de la volonté d’une personne ? Habituellement, oui.
Il est rare que notre souffrance soit causée uniquement par notre péché ou uniquement par des circonstances extérieures, en particulier lorsque la souffrance s’exprime dans la rupture des relations.
Pourtant, il est sage de commencer par créer une connexion avec l’expérience de la personne en tant que victime avant de la confronter à son péché. Connectez-vous d’abord à son expérience ; confrontez-la plus tard. Pourquoi ? Parce que la confrontation sera encore plus puissante et persuasive si la personne est convaincue que le conseiller s’est connecté à sa souffrance et comprend sa situation douloureuse.
Emlet utilise l’exemple d’un « homme colérique qui rejette la faute sur autrui » qu’il a un jour conseillé. Pressentant que cet homme ne reviendrait pas pour une autre séance de conseil, Emlet » n’a pas mâché ses mots sur la vérité biblique et a lancé mortier sur mortier pour faire exploser les modes de vie égocentriques de cet homme ».
Après cette expérience, le professeur d’Emlet a critiqué son approche. Il lui a recommandé de prioriser la connexion avec cet homme au niveau de l’expérience de ce dernier avant de traiter les autres problèmes. Faire abstraction du degré de victime de la personne peut amener le conseiller à minimiser les problèmes mêmes qui ont conduit la personne à demander de l’aide en premier lieu.
Oublier le pécheur
Considérez ce qui se passe lorsque nous ignorons l’aspect « pécheur » de la vie d’un chrétien. Nous pouvons choyer la personne quand elle a besoin d’être confrontée. Nous pouvons amener la personne à penser que toute sa douleur et sa souffrance sont causées par des forces extérieures ou par d’autres personnes.
Ironiquement, quand nous essayons de faire preuve d’empathie et de faire en sorte que la personne se sente mieux dans sa peau ou dans sa situation, nous la dénigrons en niant implicitement son identité d’ambassadeur qui doit rendre des comptes à Dieu. Emlet écrit :
»Nous ne rendons aucun service aux gens lorsque nous ignorons leurs schémas d’autodestruction (et destructeurs pour les autres) ».
Dans de trop nombreuses séances de counseling, les pasteurs sont réticents à mettre en lumière le péché restant dans la vie d’une personne de peur de l’offenser et de l’empêcher de revenir. Malheureusement, l’incapacité à confronter le péché conduit à des séances superficielles qui ne parviennent pas à s’attaquer à la racine des problèmes de la souffrance.
Il est courant de voir des pasteurs éminents dans des magazines ou des interviews télévisées qui traitent les téléspectateurs comme s’ils étaient simplement des « saints » ou des « victimes », mais rarement des « pécheurs ». De tels conseils peuvent rendre la télévision convaincante, mais ils ne parviennent pas à résoudre les problèmes fondamentaux qui sous-tendent nombre de nos luttes.