Il y a un an, nous étions assis avec David sur la pelouse de l’IBG suite au séminaire d’Évangile 21 où David était l’un des orateurs tant apprécié. En plus des deux ateliers fort pratiques sur le « counseling » biblique, il a apporté lors d’un séance plénière un exposé sur ce qu’est le « counseling » biblique.
Face à une tendance à reléguer le « counseling » à des professionnels travaillant en dehors de l’Église, David a poussé pour que l’Église, le corps du Christ, soit le lieu privilégié où les croyants formés peuvent accompagner ceux et celles qui sont accablés par la souffrance humaine. David a milité avec élégance et douceur pour promouvoir la centralité de l’Évangile dans la vie quotidienne du croyant, croyant que cette Parole puissante suffit pour guérir les maux de la plupart de ceux qui souffrent.
Pour autant, David a toujours reconnu qu’il devait exister des passerelles entre les sciences humaines, la psychologie et l’Évangile. Dès le début, il a toujours eu le souci de définir ce que l’on pouvait légitimement apprendre de la psychologie moderne, mais c’est l’Écriture qui devait fournir les présuppositions de fond, à savoir un concept de la personne, du péché, de la souffrance, des problèmes centré sur Dieu. Ce qui était en jeu, c’était de savoir quelle serait la source principale de notre vision de l’accompagnement.
Lors de cette conversation sur la pelouse de l’IBG, nous avons discuté du partenariat entre Évangile 21 et l’organisation dont David était le directeur : « Christian Counseling and Educational Foundation » (CCEF). Nous avons aussi élaboré ensemble notre stratégie et le premier cours en français avec David comme professeur a été proposé « online » en début de cette année. Ce cours Dynamique de Changement Biblique [1] est le point de départ pour David de tout le « counseling » biblique.
David vient de réaliser l’ambition de sa vie, arriver dans la maison du Père ! Certes, le chemin n’était pas celui qu’il aurait choisi mais il s’est confié à celui qui connaît mieux que lui par où il faut passer.
Mike Evans
[1] Ce cours sera proposé à nouveau à partir de cet automne. Si vous voulez être tenu au courant de l’ouverture des inscriptions veuillez suivre ce lien : https://evangile21.thegospelcoalition.org/cours-de-counseling-biblique/
David Powlison est décédé dans la paix dans sa maison de Glenside, en Pennsylvanie, à 11 heures du matin (heure de la côte est) le vendredi 7 Juin 2019, après avoir souffert d’un cancer du pancréas.
Il avait 69 ans.
Ses parents
Dora Powlison, la mère de David, de son petit nom « Dodie » était née à Port Townsend, Washington, et partit à Hawaï en 1948, où elle servit durant de nombreuses années comme enseignante à la Central Union Church Preschool à Honolulu.
Peter Powlison, le père de David, était né en Turquie et avait grandi dans les environs de Lanikai près de Kailua, sur la côte est d’Oahu.
Dans les années 1920, le père de Peter, Arthur K. Powlison — un responsable de la YMCA (Unions chrétiennes de jeunes gens), un marin et constructeur de bateaux — reçut la permission des autorités de Hawaï de bâtir une maison sur une falaise sur le front de l’océan, mais à une seule condition : il ne pouvait déplacer ou détruire aucun des rochers, qui sont sacrés pour le peuple hawaïen. Il construisit donc la « Maison sur le sommet de la colline » (qui est maintenant un monument) sans entamer ni ébrécher un seul rocher, utilisant les entailles naturelles de la pierre pour porter les poutres et incorporant les escarpements rocheux de la falaise dans le sol de la maison.
La maison surplombait la station aéronavale de Kaneohe, 20 miles à l’est de Pearl Harbor. Le dimanche matin 7 Décembre 1941, Anne Powlison se préparait à servir le petit-déjeuner à ses deux filles et ses quatre invités quand elle remarqua, par la fenêtre, que des flammes et de la fumée s’élevaient de la base aérienne suite à l’attaque des bombardiers japonais. Elle croisa même les regards de certains pilotes qui passaient en vol. Elle écrivit même des lettres à Peter, qui était alors à la moitié de sa seconde année à l’Université de Washington, lui donnant des informations actualisées quotidiennes sur les suites. (Des années plus tard les lettres furent découvertes et intégrées dans son livre) Durant trois ans, pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’armée américaine réquisitionna la maison sur la colline des Powlison pour en faire un centre d’entraînement et un point d’observation pour surveiller les bombardiers japonais.
Après avoir obtenu son diplôme de l’Université de Washington et servi dans le corps des Marines, Peter épousa Dodie et ils retournèrent à Hawaï. En 1949 il commença à enseigner à son « alma mater » (école d’où il était issu), la Junior School de Punahou — David naissait la même année. En 1951 il contribua à la création de l’Asian History Department (Département d’histoire de l’Asie) pour la Punahou Academy.
Peter Powlison était si connu comme professeur que, quand il prit sa retraite anticipée en 1981, l’école ferma sa salle de classe — 201 Griffiths — en même temps que lui.
Peter Powlison était un nageur de niveau national à la fois au lycée et à l’université. À l’âge de 64 ans, après quatre opérations de pontage coronarien, il gagna cinq médailles d’or et battit quatre records mondiaux aux Championnats mondiaux des Masters à Tokyo.
Peter s’effondra et mourut à l’âge de 65 ans le 10 Juillet 1987, à l’Université de Hawaï, après avoir établi un autre record mondial lors d’une compétition de natation des Masters.
David Powlison
David Arthur Powlison est né le 14 Décembre 1949, à Honolulu, Hawaï, le premier des trois enfants de Peter et Dora Powlison. Il avait deux plus jeunes frère et sœur : Daniel et Diane.
Peter Powlison apprit à nager à son fils David à l’âge de trois ans et David allait à la plage proche de sa maison presque chaque jour de son enfance.
Plus tard, il réfléchira sur la culture dont il était environné en tant que Caucasien ayant grandi dans le cinquantième état des États-Unis :
J’ai grandi dans un endroit qui était autant « Asia centrique » qu’ « Européocentrique » — Honolulu— et la plupart de mes condisciples étaient « Amer-Asiatiques ». Mon père enseignait l’histoire de l’Asie et nos invités à la table familiale étaient le plus souvent de l’Asie du sud ou de l’est.
Le père de David ne poussa jamais son fils. David fut fasciné par les relations père – fils, et à l’université il rédigea un mémoire de 70 pages sur ses relations avec son père, destiné au Professeur Goethals de Harvard.
Comme son père, David suivit les cours de Punahou School à Honolulu, un collège privé préparatoire K–12 school.
(Quatre ans plus tard David obtenait son diplôme de Punahou en 1967, un garçon de 10 ans du cinquième grade nommé Barack Obama recevait alors une bourse pour la prestigieuse école et entrait en cinquième grade. Il obtenait là son diplôme de lycée en 1979.)
Religion et recherche de sens
Les Powlison assistaient aux offices d’une église très libérale du courant majoritaire – qui était probablement unitarienne quant à sa confession. En tant qu’adolescent, David raisonnait ainsi :
Jésus est une personne réellement bonne qui se souciait du bien de ceux qui étaient moins fortunés que lui.
C’est pourquoi, nous devrions être de bonnes personnes qui se soucient des gens moins fortunés que nous.
Telle était le summum de sa pensée au sujet de Jésus et du christianisme.
C’est durant ses années de lycée que David devint préoccupé des questions existentielles : Qu’est-ce qui dure ? Qu’est-ce qui compte ? Qu’est-ce qui a du sens ? Qui suis-je ? Il s’éloigna complètement de son église nominale du courant majoritaire. Le christianisme, pensait-il, était un plaquage courtois pour des gens qui refusaient de faire face aux réalités pénibles.
Durant cette période, il fut confronté à la mort et à la dépravation, incluant le harcèlement (de lui-même et des autres), le meurtre d’un camarade de classe, le suicide d’amis, l’exposition à la pornographie, et le fait de voir les autres se détruire par les drogues.
Il écrivit plus tard :
J’étais passager d’une voiture qui tua un homme qui marchait sur une obscure route de campagne. Je peux encore revoir son visage – il se tourna vers nos phares dans les dernières secondes, et je fixai ses yeux quand nous l’avons heurté.
Et j’étais assis sur le lit de mon grand-père après qu’il avait eu une sérieuse attaque. Il fouillait dans les souvenirs de ses succès, de ses relations, de ses aspirations et de ses voyages. Il cherchait quelque chose qui conserve du sens, quelque chose à quoi s’accrocher, quelque chose dont il aurait pu me dire que cela comptait dans la vie. Mais tout ce qu’il mentionnait semblait s’effondrer sous ses yeux tandis qu’il parlait. À la fin tout ce qu’il put dire c’était que la vie est plus que l’argent, et tout ce qu’il put faire c’était de s’effondrer en pleurant.
Après lui avoir dit au revoir, je me suis assis sur les marches devant l’hôpital et j’ai aussi pleuré.
Harvard dans les années 1960
En 1967, David commença un cursus en relations sociales au Harvard College, obtenant un AB au printemps de 1971. Durant les deux dernières années de lycée il avait été un nageur de niveau national américain, et à Harvard il reçut un titre dans l’équipe de natation de l’université durant ses trois dernières années passées là-bas.
Mais les choses ne se passaient pas bien dans son monde spirituel.
Ni les succès académiques, ni les succès athlétiques, ni la carrière ne pouvaient supporter le poids de la question de son identité et du sens de sa vie.
Des relations étroites me manquaient.
Une incursion dans l’usage de la drogue m’avait presque déstabilisé.
La sensibilité à mon propre égocentrisme se développait.
Nous sommes toujours le dernier à reconnaître la personne qui est dans le miroir.
Il s’était inscrit à Harvard comme étudiant en maths et sciences comme disciplines majeures, mais il migra bientôt vers la psychologie et les sciences sociales, puis encore vers la littérature et les arts.
C’est en lisant Dostoïevski et T. S. Eliot que lui apparut peu à peu le fait que le christianisme traitait directement des grandes questions de la vie, même s’il ne saisit pas, alors, les enseignements du christianisme lui-même.
Ses pôles d’intérêt pendant les turbulentes années 1960 incluaient le radicalisme politique, la protestation contre la guerre au Vietnam, la culture de la drogue, l’existentialisme, l’hindouisme et le Nouvel Âge. Il était alors impliqué auprès de mouvements politiques étudiants radicaux, devenant même la tête de la branche des SDS (Students for a Democratic Society – Étudiants pour une société démocratique) à Harvard. Lors de l’un de leurs affrontements avec la police (très irlandaise) de Boston, David fut celui qui avait été désigné pour jouer le « medic » (l’infirmier) habillé en tenue de camouflage mais avec un brassard d’infirmier. Quand le cordon de policiers se rompit et que les hommes se mirent à poursuivre les étudiants, deux policiers le coincèrent dans une ruelle et il ne put échapper qu’en sautant une haute clôture.
De 1973 à 1976, il travailla au Mental Health Department (Département de santé mentale), servant au McLean Psychiatric Hospital, à Belmont, dans le Massachusetts, à tout juste cinq miles de Harvard.
C’est en plein dans cette période de sa vie qu’il fut radicalement et de façon inattendue converti pour suivre Christ.
Conversion à Christ
À Harvard, le meilleur ami et colocataire de David, Bob Kramer, était devenu chrétien quand ils avaient tous les deux vingt ans. Tous les deux se posaient le même type de questions, et engagèrent une conversation et un débat qui se poursuivit durant les cinq années suivantes.
David se souvient :
J’étais entêté.
Je pouvais suivre la logique plausible de la foi chrétienne. Mais chaque ensemble de pensées aboutissait à la même impasse.
Je ne voulais avoir besoin de personne pour me sauver.
Je ne voulais avoir besoin de personne pour me dire ce que je devais faire.
Je voulais vivre par moi-même et selon mes propres pensées. Mais Dieu avait d’autres idées sur la façon dont je devais vivre. Il fut miséricordieux.
Un dimanche soir, le 31 Août 1975 — quelques quatre années après qu’ils aient été diplômés de Harvard – Bob parla à David avec une sincérité inattendue et peu coutumière. Ils avaient parlé bien des fois sur les questions habituelles concernant les Écritures, Christ et la philosophie, tournant sans arrêt autour du pot, avec un David qui esquivait toujours.
Mais ce soir-là Bob devint très personnel avec lui.
David, Diane et moi nous t’aimons réellement.
J’ai du respect pour toi autant que quiconque que je connaisse . . .
Mais ce que tu crois . . . et la manière dont tu vis . . .
Tu es en train de te détruire.
David raconte ce qui se passa ensuite :
Je savais qu’il disait vrai. Le Saint-Esprit utilisa ses paroles comme un obus capable de percer un blindage. Je fus saisi d’une conviction complète et spécifique de mon état de péché, de mon impureté, de mon incrédulité et de mon caractère inacceptable devant Christ. Ce fut un moment-où-toute-ma-vie-repassait-devant-mes-yeux. Je ressentais le poids de nombreux péchés. Les deux qui me blessèrent le plus profondément ne se trouvaient pas sur la liste communément admise des transgressions abominables.
En tant qu’homme aux convictions existentialistes, j’avais cru que c’était le désespoir, et non la joie, qui avait le dernier mot.
Et comme quelqu’un qui voulait vivre sa propre vie, je n’avais pas cru à l’amour de Dieu en Jésus-Christ, mais je l’avais constamment rejeté.
Je réalisai que je faisais mal sur ces deux points.
Quand je répondis (une minute plus tard ? Dix minutes ?), je demandai : « Comment puis-je devenir chrétien ? »
Bob partagea avec lui Ezechiel 36:25–27, une promesse du Dieu de l’espérance :
J’aspergerai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés de toute votre impureté et de toutes vos idoles je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau. Et j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Et je mettrai mon Esprit en vous et vous ferai marcher dans mes statuts et être prompts à obéir à mes commandements. (Eze. 36:25–27)
David continue :
Bob m’invita à demander à Dieu d’avoir pitié de moi. Je suppliai Dieu d’avoir pitié de moi. Dieu fut miséricordieux. Les promesses venant des âges lointains se révélèrent vraies – Dieu sauve volontiers, pardonne les péchés, crée une vie nouvelle, donne son propre Esprit et nous promet une grande aide pour que nous puissions lui obéir. Il fit tout cela. Il me trouva et me conduisit à la maison. Je fus surpris par la joie et par l’amour de Jésus.
David ne « demanda pas à Jésus d’entrer dans son cœur. » Bien plutôt, il le supplia pour être sauvé : « Dieu, aie pitié de moi qui suis un pécheur ! »
Bob donna à David une toute simple brochure intitulée : « Vie nouvelle », écrite par l’évangéliste Jack Miller, qui mettait toutes les pièces ensemble pour David quant à ce que cela signifiait de répondre à Christ dans la foi.
À ce moment il était tard, et il revint chez lui par ses propres moyens. Il n’avait aucune sensation du type : « Oh, je suis devenu un chrétien. » Bien plutôt, il était assis dans sa voiture et pensait : « Waouh, c’est intéressant. Je ne m’étais jamais considéré comme un pécheur auparavant. »
Quand il entra dans son appartement, ayant reçu comme un coup de marteau de la réalité, il alla dormir.
Il se réveilla le lendemain matin et fut absolument submergé de joie. Les premières pensées qui lui vinrent à l’esprit après son réveil furent : « Je suis arrivé à la maison. » « Je suis un chrétien. »
Plus tard il écrivit :
C’était comme si ma vie entière avait consisté à marcher sur des routes brûlantes et poussiéreuses recherchant quelque chose qui n’était pas Dieu, mais lui veillait sur moi et je me trouvais maintenant à la maison et je découvrais que j’avais été trouvé et aimé. « Je suis un chrétien ».
À l’âge de 25ans, il était né de nouveau.
Mais en tant qu’adulte converti, il se sentait quelque peu comme quelqu’un du dehors, il ressentait quelque chose qu’il ne perdit jamais tout à fait :
Enchaînant une expérience éducative et pratique – un diplôme en relations sociales à Harvard College, une séparation, dans le style des années 60, avec les valeurs capitalistes et nationalistes, trois années de travail dans les salles du McLean Psychiatric Hospital, et des études doctorales à l’université de Pennsylvanie. En tant qu’adulte converti au christianisme et en tant que participant au mouvement paroissial quelques fois triomphaliste, je peux encore me sentir étranger dans le pays parfois étrange du christianisme protestant conservateur.
Le séminaire et le mariage
À l’automne de 1975, David rencontra Nancy Gardner. Elle faisait une présentation multimédia lors d’un festival artistique qui se tenait au Westminster Theological Seminary à Glenside, Pennsylvanie. Bob Kramer était maintenant étudiant à ce même WTS, et David — un croyant flambant neuf — était en visite pour une inscription possible.
Un an plus tard, à l’automne de 1976, David était inscrit à WTS. Les Kramer invitèrent Nan et David à manger chez eux. Nan était venue à Philadelphie pour photographier un étudiant de WTS qui était un artiste et créait ses poteries au sous-sol du centre de conseil où il vivait. Elle en avait fait une présentation multimédia intitulée : « Le potier. »
David et Nan se rencontrèrent encore quelques fois à Philadelphie et firent des choses ensembles avec d’autres, mais sans réelle fréquentation. Cet hiver-là ils servaient ensemble comme conseillers au camp pour enfants de l’école moyenne FOCUS à Owl’s Nest, dans le New Hampshire. FOCUS était un ministère orienté vers les écoles privées préparatoires en Nouvelle-Angleterre et dans les états de la côte atlantique moyenne (ils étaient semblables aux Bash Camps au Royaume-Uni où John Stott vint à Christ). Bob Kramer et Charlie Drew étaient amis et impliqués dans FOCUS. Il gelait, mais David et Nan vinrent ensemble à travers la campagne à skis et glissèrent sur la glace noire jusqu’à une île située au milieu du lac avec les enfants et eurent le coup de foudre l’un pour l’autre.
Des années plus tard, Nan se souvenait de cette nuit dans un poème dédié à David :
Souviens-toi de cette nuit magique de pleine lune
Glissant en harmonie
Sur un lac du New Hampshire
Avec tous les enfants en une seule ligne comme une longue lanière
Et nous deux
Trop timides pour nous tenir la main
Tenant chacun à l’ombre de l’autre
Et, oh les étoiles dans le miroir de la nuit !
Les étoiles tombant tout autour de nous
Tombant à nos pieds
Nous traversions leur lumière
Et je tombai d’amour pour toi
Ton cœur de pleine lune
Et ton manteau bleu !
Souviens-toi de l’île
Trois ombres calligraphiques dans la neige
Écrivant ce qui ressemblait à l’Écriture
Et nous – entourés d’enfants Nous n’étions que deux
Alors glissant pour rentrer
Le retour rapide et froid
Sur nos visages
Et la Lumière
Versant dans la lumière
D’une certaine façon nous savions
Il s’inscrivit comme étudiant au Master of Divinity au Westminster Theological Seminary à Glenside, Pennsylvanie, obtenant son diplôme du séminaire en 1980. David et Nan eurent trois enfants : Peter (1980), Gwenyth (1982), et Hannah (1986).
Le counseling biblique
Cette même année il devint écrivain, éditeur, et conseiller au CCEF (Christian Counseling and Education Foundation – Fondation pour le counseling et l’éducation chrétiens), fondé en 1968 à Glenside, Pennsylvanie. David devint aussi professeur visiteur au Westminster Theological Seminary.
De ce séminaire, il reçut un MA (1986) puis un PhD (1996) de l’université de Pennsylvanie, écrivant sa dissertation dans le domaine de l’histoire de la science et de la médecine : « Compétent pour conseiller ? L’histoire d’un mouvement conservateur protestant antipsychiatrie » (publié plus tard sous le titre The Biblical Counseling Movement: History and Context Le mouvement du counseling biblique : histoire et contexte.)
En 1970, Jay Adams, un pasteur presbytérien âgé de 41 ans, publiait un livre intitulé Competent to Counsel (Compétent pour conseiller), qui lança effectivement un mouvement antipsychiatrie parmi les protestants américains conservateurs. Partiellement inspiré par O. H. Mowrer et Thomas Szasz, Adams posait trois proclamations fondamentales : (1) les théories psychologiques modernes étaient de la mauvaise théologie, interprétant de travers les problèmes fonctionnels de la vie ; (2) la profession de psychothérapeute était un faux pastorat, usurpant les tâches qui appartiennent proprement aux pasteurs ; (3) la Bible, comme elle est interprétée par les protestants réformés, enseignait aux pasteurs ce qui leur était nécessaire pour conseiller de manière compétente.
Adams appelait cela le conseil « nouthétique » (du mot grec noutheteo, « exhorter »). Des formes institutionnelles se développèrent rapidement, qui étaient en conflit avec trois corps professionnels puissants : (1) les professions psychologiques séculières qui dominaient le discours et la pratique du vingtième siècle en ce qui concerne les problèmes de la vie ; (2) le mouvement de conseil pastoral protestant majoritaire qui avait façonné le conseil religieux depuis les années 1940 ; (3) une communauté, qui se professionnalisait rapidement, de psychothérapeutes évangéliques partageant la foi protestante conservatrice d’Adams mais visant à intégrer cette foi avec les psychologies modernes.
Avant le travail de David Powlison, personne n’avait étudié ce conflit entre juridictions professionnelles qui se déroulait entre Adams et les psychothérapeutes évangéliques. Il avait travaillé presque exclusivement à partir de sources primaires, incluant des interviews, des publications, et des dossiers de cas.
À la fin de l’histoire, Powlison écrivait :
Adams gagna des adeptes parmi les pasteurs et leurs paroissiens, mais il perdit largement le conflit interprofessionnel.
Dans les années 1980 les psychothérapeutes évangéliques assirent avec succès leurs revendications d’avoir l’autorité culturelle sur les problèmes de la vie, étendant leur pouvoir institutionnel dans l’éducation supérieure, le domaine des publications et la provision pour les soins.
Le mouvement du conseil nouthétique se retrouva isolé du courant principal du protestantisme conservateur ; ses institutions tombèrent en langueur ; des lignes de fracture se développèrent en son sein. Mais dans les années 1990, le conseil nouthétique recommença à prospérer.
CCEF—l’employeur de David — explique sa propre relation avec ce mouvement et comment ils se sont développés au cours des années :
L’histoire ancienne du CCEF était largement prophétique et, de ce fait, polémique. L’église recevait le défi de repenser ses croyances au sujet de ce dans quoi les gens se débattent et de la manière de les aider quand ils en sont là. Le CCEF appelait les pasteurs et les séminaires à revenir à la primauté de l’Écriture pour pouvoir prodiguer des soins et conseils pastoraux intelligents et efficaces. Dès le commencement il y a toujours eu un souci de définir ce qui pouvait légitimement être appris auprès de la psychologie moderne, mais l’Écriture fournissait les « généralisations » qui doivent orienter : une vision, centrée sur Dieu, des gens et des problèmes et de leurs solutions. Ce qui était en jeu était de savoir quelle source devait passer en premier.
Alors que le CCEF entrait dans les années 1980 et 1990, il était visible que la seconde et la troisième générations de conducteurs bénéficiaient des forces de leurs prédécesseurs mais qu’aussi bien ils avaient appris de leurs faiblesses. Ils orientèrent le CCEF dans la direction d’une sensibilité accrue à la souffrance humaine, vers les dynamiques de la motivation, vers la centralité de l’évangile dans la vie quotidienne des croyants, l’importance du corps de Christ et vers un engagement plus articulé avec la culture séculière.
L’héritage de David Powlison
L’héritage de David Powlison commencera au sein de sa propre famille. Il était un homme qui aimait tendrement sa femme, ses enfants et ses petits-enfants.
Son héritage s’étend à ceux qu’il a instruits et touchés au travers du mouvement du counseling biblique, en particulier au travers du CCEF et du Westminster Theological Seminary.
David n’était pas un auteur de livres prolifique, selon certains critères. Par contre il a été un essayiste prolifique, et ses petits livres en particulier sont remplis de sagesse gentille et de profonde réflexion sur la manière dont la Parole de Dieu parle dans tous les domaines de la vie. Ses derniers livres de grande longueur ont été consacrés à quelques-uns des thèmes qu’il enseignait particulièrement bien :
• Making All Things New: Restoring Joy to the Sexually Broken (Il fait toutes choses nouvelles : retrouver la joie après la honte et la douleur causé par le péché sexuel)
• God’s Grace in Your Suffering (La grâce de Dieu dans vos souffrances)
• Good and Angry: Redeeming Anger, Irritation, Complaining, and Bitterness (Chrétien en colère – Ce que Dieu veut faire de votre colère, irritation et amertume)
• How Does Sanctification Work? (Qu’est ce que la sanctification ?)
Le livre auquel il travaillait quand il est mort est programmé pour une publication cet automne :
• Safe and Sound: Standing Firm in Spiritual Battles (Sûr et sain : tenir ferme dans les batailles spirituelles)
Le 23 Mai 2019, David Powlison était attendu pour donner le discours final à la cérémonie des diplômes au Westminster Theological Seminary. Mais il n’était pas en état d’y participer, parce qu’il recevait des soins palliatifs à la maison. Ses remarques furent lues en son absence, et il plaida avec les étudiants – sur le point de commencer leur ministère public – de la manière suivante :
Mon plus profond espoir pour vous est qu’aussi bien dans votre vie personnelle que dans votre service pour les autres vous ne soyez pas effrayés de paraître publiquement faibles et d’être comme une porte d’entrée pour la puissance de Dieu Lui-Même.
Pourquoi pas moi ?
Dans le journal de ses souffrances, David Powlison notait que si souvent notre réaction à une souffrance pénible est :
Pourquoi moi ? Pourquoi cela ? Pourquoi maintenant ?
Pourquoi ? . . .
Il écrivait :
[Dieu] vient pour vous, dans la chair, en Christ, dans la souffrance, en votre faveur. Il ne donne pas des conseils et une perspective de loin ; il vient dans votre souffrance dans tout ce qu’elle signifie. Il vient pour vous regarder de près et travailler avec vous tout le long de la route. Il va vous porter même à la dernière extrémité. Cette réalité change les questions qui surgissent de votre cœur. Cette orientation intérieure « Pourquoi moi ? » est apaisée, elle lève les yeux et commence à regarder alentour. Vous vous tournez vers l’extérieur et des questions nouvelles et merveilleuses se forment.
Pourquoi toi ? Pourquoi toi ? Pourquoi devais-tu entrer dans ce monde de mal ? Pourquoi devais-tu passer par la perte, la faiblesse, la peine, la tristesse et la mort ? Pourquoi devais-tu faire cela pour moi, parmi tous les hommes ?
Mais tu l’as fait.
Tu as fait cela à cause de la joie qui était placée devant toi. Tu as fait cela par amour. Tu as fait cela en montrant la gloire de Dieu dans la face de Christ.
Quand cette question plus profonde s’enfonce en vous, vous devenez sainement joyeux. L’univers cesse de tourner ultimement autour de vous. Pourtant vous n’êtes pas sans intérêt. L’histoire de Dieu vous donne juste la bonne taille. Toutes choses comptent, mais l’échelle change pour laisser la place à quelque chose qui a bien plus de sens. Vous faites face à des choses difficiles. Mais vous avez déjà reçu quelque chose de meilleur qui ne pourra jamais vous être enlevé. Et ce quelque chose de meilleur continuera à agir tout au long du voyage.
La question engendre une réponse de tout notre cœur :
Bénis le Seigneur, O mon âme, et n’oublie aucun de ses bienfaits, lui qui pardonne toutes tes iniquités et guérit toutes tes maladies, qui rachète ta vie de la fosse, qui te couronne de bonté et de compassion, qui rassasie tes années de bonnes choses de sorte que ta jeunesse est renouvelée comme l’aigle.
Merci, mon Père. Tu es capable de donner une vraie voix à un merci prononcé au milieu de tout ce qui est véritablement mauvais, aussi bien les péchés et les souffrances qui sont maintenant tombées sous le signe de l’amour.
Finalement, vous êtes préparés à poser – et à penser – des questions presque inimaginables :
Pourquoi pas moi ? Pourquoi pas cela ? Pourquoi pas maintenant ?
Si de quelque manière, ma foi peut servir comme une lampe nocturne de trois watts dans un monde obscur, pourquoi pas moi ? Si ma souffrance montre le Sauveur du monde, pourquoi pas moi ? Si j’ai le privilège de compléter les souffrances de Christ ? S’il sanctifie pour moi mes plus profondes détresses ? Si je ne crains aucun mal ? S’il me porte dans ses bras ? Si ma faiblesse démontre la puissance de Dieu pour nous sauver de tout ce qui est mauvais ? Si mon combat honnête montre aux autres qui se débattent comment atterrir sur leurs pieds ? Si ma vie devient une source d’espérance pour les autres ?
Pourquoi pas moi ?
Bien entendu, vous ne désirez pas souffrir, mais vous êtes devenus volontaires : « Si cela est possible, permets que cette coupe passe loin de moi ; mais non pas comme je veux, mais comme tu veux. »
Comme lui, vos cris puissants et vos larmes seront en fait entendus par celui qui sauve de la mort. Comme lui, vous apprendrez l’obéissance au travers de ce que vous souffrez. Comme lui, vous allez sympathiser avec les faiblesses des autres. Comme lui, vous traiterez avec gentillesse les ignorants et les égarés. Comme lui, vous montrerez la foi à un monde sans foi, l’espérance à un monde sans espérance, l’amour à un monde sans amour, la vie à un monde mourant.
Si seulement tout ce que Dieu promet devient vrai, alors pourquoi pas moi ?
Justin Taylor