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De multiples articles, podcasts et conférences sont dédiés à la réponse des chrétiens face à la crise sanitaire en cours. Cet article ne va pas rajouter au volume déjà disponible. En tous cas, pas sur les mêmes sujets : pas question de parler du problème du mal, ou de l’attitude des chrétiens. Je veux plutôt m’attarder sur un autre phénomène qui n’a peut-être pas encore eu autant d’impact. Dans cette période de confinement, de nombreux pasteurs et responsables d’églises ont du ré-inventer la manière de poursuivre l’accompagnement pastoral et spirituel des disciples de Jésus-Christ. Cela a demandé, et demandera encore de nombreuses heures passées en vidéo-conférences, ou au téléphone. Mais cela demande aussi de passer beaucoup plus de temps dans la prière. Ce temps de confinement ajoute certainement aussi un poids, à des degrés divers, à la charge morale et spirituelle de l’accompagnement fraternel.

Certains ont peut-être déjà ressenti une forme d’épuisement… Vous savez, cette fatigue que vous pouvez ressentir quand vous recevez un email ou un texto vous demandant de prier pour telle ou telle personne atteinte du virus ou en situation de faiblesse due aux restrictions du rythme de vie. Vous avez peut-être regardé ce texto en vous disant, tout en vous affaissant un peu : « J’ajouterai cela à ma liste de prière… » Qui d’ailleurs ne cesse de s’allonger. Peut-être que la compassion petit à petit vous épuise.

L’épuisement compassionnel

Le psychologue Charles Figley fait partie de ceux qui ont aidé à formuler, diagnostiquer, et développer des outils pour traiter ce qu’il appelle l’épuisement compassionnel. Ce dernier est « le sentiment de profonde sympathie et de chagrin pour une personne frappée par la souffrance ou le malheur, accompagné d’un fort désir de soulager la douleur ou d’en éliminer la cause » [1]. Mais ce n’est pas seulement cette empathie ressentie pour des personnes dans la souffrance qui est source d’épuisement. C’est aussi l’impossibilité ressentie de pouvoir venir en aide aux personnes.

C’est bien sûr là que la situation actuelle peut malheureusement renforcer ce sentiment d’épuisement empathique. Car il y a probablement de nombreux cas dans lesquels les pasteurs, responsables d’églises ou d’associations chrétiennes, mais aussi tout simplement l’ensemble des croyants, ne peuvent rien faire pour des personnes dans la souffrance. Impossible en ce moment d’être présent pour accompagner un frère ou une sœur en Christ qui est dans le deuil. Certains ont perdu des proches, un père, une mère, des grands-parents. Certains n’ont même pas pu être aux côtés du reste de leur famille pour les funérailles. C’est vrai que le soutien spirituel et fraternel continue de s’exprimer, par tous les autres moyens que nous avons.

Mais reconnaissons-le : en période de confinement, notre capacité personnelle à être présent a été affectée. Et peut-être même qu’une conséquence indirecte est un sentiment d’impuissance, et donc d’épuisement, face à la douleur dont nous sommes témoins. Dans une certaine mesure, l’épuisement compassionnel est une conséquence de la vie chrétienne, et en particulier du ministère pastoral. C’est bien sûr ce premier point qui peut être la source la plus immédiate d’épuisement compassionnel. Et c’est cependant le cœur de la relation fraternelle : « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent. » (Romains 12.15)

La réponse à l’épuisement compassionnel

Quelle réponse donner à cette forme d’épuisement ? Beaucoup de choses pourraient être dites. Je voudrais proposer cinq pistes de réflexions en terminant ce post. Les éléments suivant me semblent constitutifs d’une saine réponse à l’épuisement compassionnel :

  • La chose essentielle est d’affermir notre piété personnelle. Sans cela, nous ne pourrons jamais faire face aux conséquences que peut avoir l’accompagnement fraternel. Plus que jamais, la prière ainsi que la lecture et la méditation quotidienne de la Parole sont les points d’appui sur lesquels nous devons nous tenir.
  • Rappelons-nous que nous ne sommes pas Dieu. Rien de ce que nous pouvons faire ne peut restaurer les personnes aux côtés desquelles nous marchons. Aucune de nos prières, aucune de nos « méthodes » d’accompagnement ne remplace l’action de Dieu. L’un des facteurs principaux qui nourrit cet épuisement est la foi en nos propres œuvres. N’oublions jamais que notre responsabilité et l’action de Dieu ne sont pas synonymes.
  • Rappelons-nous que l’accompagnement fraternel n’est pas la responsabilité exclusive des pasteurs, anciens ou autres responsables d’Église. Dans le verset déjà cité, Paul n’exhorte pas les pasteurs à pleurer avec ceux qui pleurent… mais l’ensemble des croyants de Rome. N’oublions pas que le service que nous nous devons les uns aux autres est adressé à l’ensemble des croyants. La responsabilité du soutien fraternel appartient à tous. D’autant plus que cela peut aider les responsables de nos églises à moins souffrir de ce type d’épuisement. C’est une autre manière de porter les fardeaux les uns des autres (Galates 6.2) [2].
  • Nous devons aussi construire un lieu de partage, au sein de l’église locale, pour discuter des raisons qui ont conduit à cet épuisement. Pour bien gérer l’épuisement potentiel généré par nos relations fraternelles, nous devrons mettre en œuvre les moyens de l’accompagner. Cela pourrait se faire à travers les groupes de maison et des groupes de parole (comme cela se fait par exemple dans le cas des aumôniers de prison).
  • Enfin – et ceci sera probablement pour le long terme – pour dynamiser l’accompagnement fraternel, les églises pourraient organiser des formations à l’accompagnement pastoral, destinés en priorité aux responsables d’églises et plus généralement à l’ensemble des croyants.

[1]   Cité dans Charles R. Figley, Treating Compassion Fatigue, Hove, Brunner-Routledge, 2002, p. 2. Cf. aussi « Satisfaction par la compassion et utilisation de la compassion », Professional Quality of Life Measure, en ligne, http://proqol.org, consulté le 15 avril 2020.

[2]   Sur la participation de tous les croyants au ministère de l’Église, voir Charles Nicolas, « Sacerdoce commun des croyants et ministères » ou « ministère de l’Église et ministères dans l’Église »e, La revue réformée, no. 213, tome 52, 2001, en ligne, http://larevuereformee.net/, consulté le 15 avril 2020.

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