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Il est entré dans leur maison, sans savoir qu’il allait vivre un moment-clef de sa vie. Ce qui nous arrive, en bien ou en mal, advient sans prévenir, et c’est bien ainsi.

 Il a d’abord vu sa femme, petite, joviale, et ronde comme une pomme. Et puis il est arrivé, lui, Georges, un être fluet, dont il ne voyait que les yeux, si bleus.

Ils sont passés à table, dans une salle à manger bien sage, de gens bien sages. Alors il a levé les yeux sur les murs, et il a été happé par les tableaux accrochés. Et des mots sont sortis de sa bouche : « On dirait du Morandi… », comme un « Sésame ouvre-toi ». Aussitôt, Georges est sorti de sa réserve polie. « Vous connaissez Morandi ? » Tout à fait … Il lui a dit toute son admiration pour l’oeuvre de ce peintre, discret, qui, durant sa vie entière, est revenu sur un même motif : des flacons, posés, sagement, silencieusement, les uns à côté des autres, mais avec la noblesse, la puissance, d’une cathédrale. Morandi est un frère en peinture de Georges.

Le repas étant terminé, il s’est levé pour s’approcher des tableaux de Georges, dont il percevait l’appel pressant. Des « natures mortes ». A cette expression française, laide, et mal adaptée, il préfère celle des anglais qui, eux, parlent de « silent life », vies silencieuses. Oui, il y a bien, là, dans l’espace de ces cadres, de la vie, et du silence. Presque rien, et pourtant, un tout, qui réjouit, pleinement.

Il se tait. Il regarde. Il pressent un mystère. Le motif, sans originalité : une bouteille, une casserole, un oignon et une pomme, est traité d’une manière très particulière. Ce qui lui vient en tête, ce sont les notions d’apparaître et disparaître. Le peintre a-t-il représenté la chose alors qu’elle est en train d’apparaître ou bien de disparaître ? Paradoxalement, il y a du mouvement dans cette immobilité-là. Une sorte de pulsation, donnée par la touche de pinceau.

« Vous voulez voir mon atelier ? » propose le peintre. Bien sûr qu’il le veut ! Il suit le petit homme dans l’escalier de bois sombre qui monte à l’étage. Ils entrent dans un espace dont la lumière est tamisée par une toile écrue, tendue car, venant du plafond, elle serait trop forte, pour l’oeil et la nature du travail de Georges. Des livres de peinture … Cézanne … Des toiles posées au sol. D’autres suspendues. Et puis, sur une table basse, une composition. A nouveau, quelques objets : flacon ; timbale ; pot ouvert ; grappe de raison noir. Des échos de teintes, assourdies. Des formes pleines, en harmonie.

 « Je ne suis pas encore sûr … » déclare Georges. Il se tient à distance, l’oeil à demi-ouvert, comme aux aguets, comme il le sera bientôt, devant son chevalet. Il s’approche de la table. Il place la timbale bleutée plus en avant. Il recule un peu le pot brun. « Voilà, dit-il. Comme cela, ce sera bien, je crois. »

Et il sourit.

Genèse 1.31
« Dieu vit alors tout ce qu’il avait fait, et voici : c’était très bon. »

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