« Jusques à quand aurai-je des soucis dans mon âme et chaque jour des chagrins dans mon cœur » ? Ce cri du cœur de David, dans le Psaume 13, correspond à ce que tout chrétien vit forcément un jour ou l’autre, de manière plus ou moins fréquente, plus ou moins intense et plus ou moins longue. Pascal Denault parle de cette thématique de la « dépression de l’âme », dans son livre « Le côté obscur de la vie chrétienne » (Publications chrétiennes), où il traite de trois souffrances courantes chez les chrétiens. Après avoir réfléchi dans un premier article à la première de ces souffrances, celle des « doutes de la foi », regardons maintenant ce que le pasteur québécois écrit au sujet de la dépression spirituelle. Son propos est une fois de plus réaliste et encourageant.
« Mon âme est triste jusqu’à la mort »
Pascal Denault montre fort bien que la dépression de l’âme n’est pas rare dans la Bible : les auteurs des Psaumes, Moïse, Job ou Jérémie sont passés par là… et Jésus lui-même a déclaré : « Mon âme est triste jusqu’à la mort » (Matthieu 26,38). Dans l’Histoire aussi, des hommes de foi admirables, tels que Martin Luther ou Charles Spurgeon, ont souffert de dépression spirituelle. La dépression de l’âme n’est donc pas, en tant que telle, un péché, même si elle s’accompagne parfois d’attitudes pécheresses.
La dépression n’est pas seulement un problème psychologique
Ce que le pasteur réformé baptiste souligne à bon escient, c’est aussi que la dépression n’est pas un problème appartenant seulement à la psychologie, mais aussi à la théologie. « Dans l’approche thérapeutique, nous traitons les symptômes plutôt que les causes, et la normalité est de plus en plus médicalisée. Certains états dépressifs ne sont pas des maladies, mais des états normaux de l’existence qui ne nécessitent pas de thérapie particulière ». Et de citer le psychiatre Fuller Torrey, qui regrette que l’on traite de manière purement médicale ce qui, parfois, relève « simplement » d’une période d’anxiété ou de dépression légère. Pascal Denault en appelle donc au discernement pour nous amener à poser un diagnostic équilibré et biblique : quelle est la cause de telle dépression ? S’agit-il d’une dépression médicale (une maladie du cerveau) ou d’une dépression de l’âme telle qu’on doit s’attendre à en trouver chez un être humain normal ?
Pourquoi suis-je déprimé ?
Quoi qu’il en soit, Pascal Denault relève que toute dépression est évidemment difficile à traverser. La question de David, « Jusques à quand ? », est pertinente : vivre une mauvaise journée est déjà compliqué, vivre une succession de mauvaises journées devient insupportable. Il arrive que, comme David dans le Psaume 42, on aspire à paraître devant la face de Dieu, non pas tant parce que l’on se réjouit du Ciel que parce que l’on se réjouit de quitter ce monde plein de souffrances.
La dépression de l’âme est complexe, ajoute l’auteur. David s’écrie : « Pourquoi t’abats-tu mon âme et gémis-tu au-dedans de moi ? » (Psaume 42,5), comme s’il ne comprenait pas vraiment ce qu’il se passe. Il arrive que l’on ressente « une profonde morosité sans savoir exactement pourquoi ou encore sans que la cause en question ne justifie l’intensité de votre tristesse ». On a beau essayer de se raisonner (« Je ne manque de rien, je suis bien entouré, je connais Christ »), on peine à sortir du brouillard. Pascal Denault écrit : « La complexité de l’âme fait en sorte que nous n’avons pas de consolation universelle. C’est pourquoi il nous faut être humbles, patients et compatissants envers les frères et sœurs déprimés et ne pas les voir comme étant de mauvaise foi, car ils ne savent souvent pas eux-mêmes ce qu’ils peuvent faire pour s’aider ».
Continuer de prier et de crier
Quelle que soit la cause de la dépression, il est capital de continuer de prier, et même de crier, de se souvenir que le secours n’est pas en nous, mais en Dieu. « Quand un malheureux crie, l’Eternel entend, et il le sauve de toutes ses détresses » (Psaume 34,6). Parfois, il faut crier bien longtemps avant que Dieu accorde une délivrance complète. Mais Pascal Denault rappelle que même quand il semble tarder, Dieu n’abandonne jamais le malheureux, mais lui donne chaque jour la grâce nécessaire pour supporter l’épreuve (2 Corinthiens 12,9). Oui, le secours est en Dieu. « Une grande part du problème vient du fait que nous ne cherchons pas de manière constante et cohérente le secours de Dieu et que nous rentrons plutôt en nous-mêmes en cherchant dans nos pensées un secours ».
L’Evangile, source de réconfort et de consolation
Le secours est donc en Dieu, mais le chrétien n’est pas déchargé de toute responsabilité. « Nous devons parler à notre âme au lieu de la laisser s’adresser à nous », écrivait Martin Lloyd-Jones. Ce ne sont pas nos pensées qui doivent prendre le dessus sur notre âme, mais notre âme qui doit s’adresser à nos pensées et leur rappeler les réalités objectives du salut et de la Parole de Dieu.
Le chrétien est bien vite en proie à la dépression lorsqu’il est victime de grandes souffrances ou subit des traumatismes terribles : guerre, abus sexuels, violences physiques ou verbales, harcèlement, manipulation, infidélité, drames, etc. « Nous ne faisons que voir la misère autour de nous et une inquiétude dépressive s’empare aussitôt de nous » : peur d’avoir le cancer, de rater son mariage, peur pour nos enfants, peur de mourir, peur de la guerre, peur d’être abandonnés, peur d’avoir peur. « La peur est une caractéristique prédominante de la dépression de l’âme ».
Existe-t-il une consolation ? Oui, et c’est l’Evangile ! Le prophète Jérémie, au cœur de son chagrin exprimé dans le livre des Lamentations, veut se souvenir que la bonté et la fidélité de Dieu se renouvellent chaque matin (Lamentations 3,21-26). Réfléchir à la personne de Dieu, réfléchir au salut accordé en Christ, réfléchir à l’œuvre de l’Esprit Saint qui habite en nous : tout cela contribue à relever peu à peu l’âme découragée. Pascal Denault écrit : « Dès l’instant où l’Esprit Saint, le Consolateur, entre dans une âme pour en faire sa demeure, une guérison s’amorce ». La restauration définitive et totale ne sera que pour la vie dans la gloire, mais le cœur peut être transformé dès maintenant.
Le remède, c’est parfois la repentance
Dans la dépression, le chrétien n’est donc pas passif. Notre responsabilité est particulièrement engagée lorsque la dépression que nous traversons provient en grande partie… de notre propre péché. Pascal Denault prend l’exemple de Caïn, qui « fut très irrité, et son visage fut abattu » (Genèse 4,5). La raison de sa déprime était claire : son péché. Il arrive, de même, que notre jalousie, notre amertume ou nos convoitises non-satisfaites conduisent à la déprime : « La dépression de l’âme est souvent causée par un manque de contentement et par un cœur irrité qui est nourri de pensées de colère et d’envie », écrit l’auteur. Il regrette donc que, dans notre société, on soit trop vite enclin à voir l’individu comme victime de son destin plutôt que comme responsable. Nier la responsabilité de l’homme est grave, car « elle éloigne l’Homme du salut en lui disant qu’il est malade et a besoin d’une thérapie alors qu’il est pécheur et a besoin d’un Sauveur ». La personne découragée a parfois besoin non pas d’abord de médicaments, mais de repentance. A l’image de David qui, dans le Psaume 32, se sent libéré et heureux une fois qu’il a confessé son péché.
L’épuisement et le stress
Pascal Denault aborde aussi, dans un chapitre, la dépression liée à l’épuisement et au stress, soulignant que Moïse a fini par sombrer dans la déprime après avoir enduré trop longtemps une trop forte pression (Nombres 11). Nous pouvons tous supporter « un certain degré de stress, de stimulations et de perturbations qui créent une tension sur notre état nerveux. Mais chacun arrive à un point où il est poussé plus que de raison, il s’épuise et se décourage, car personne n’est surhumain ».
L’erreur consiste alors à attendre simplement que la pression redescende. Pascal Denault encourage à être plus proactif : continuer de prier, certes, mais aussi tout pratiquement avouer notre faiblesse et demander de l’aide autour de nous, pour être soutenu et déchargé. « Il se peut que nos frères et sœurs ne sachent pas comment nous aider, mais leur sollicitude et leur intercession peuvent faire toute la différence ». Et puis, il faut aussi… ralentir. « Tous les trucs au monde ne peuvent remplacer la nécessité du repos et d’un rythme de vie paisible et tranquille ». Dieu veut que nous comprenions « la vanité de notre agitation afin que nous apprenions à vivre avec modération ».
La « posologie pour une vie heureuse », ainsi que l’appelle l’auteur, est donc souvent aussi très terre-à-terre : garder les commandements de Dieu, cultiver notre âme, entretenir des relations saines, penser aux autres, veiller au bien-être de notre corps, avoir une vie porteuse de fruit, etc. Ce sont là « des moyens ordinaires, produisant des effets extraordinaires ».
Extrait du livre : https://evangile21.thegospelcoalition.org/book-review/depression-de-lame-necessite-secours-de-dieu/