Est-ce légitime, quand on est malade, de chercher à se soigner, de consulter des médecins et de prendre des médicaments, ou est-ce une manière de s’opposer au plan souverain de Dieu ? Aujourd’hui, certains chrétiens s’opposent farouchement au système de la santé, tandis que d’autres suivent le mouvement de société consistant à courir chez le médecin et à se bourrer de médicaments dès que quelque chose ne tourne pas rond. Qui a raison ? Cinq grands principes peuvent nous aider à nous’y retrouver et à adopter une posture défendable bibliquement et équilibrée.
Premier principe : Voir la médecine comme un don de Dieu
Les Réformateurs ont mis l’accent sur le fait que Dieu a créé la terre, mais qu’il a ensuite confié à l’homme la responsabilité de prendre soin de la création, de la gérer et de la structurer. Les médecins sont des gens que Dieu peut utiliser pour sa gloire,comme il peut utiliser le paysan pour cultiver la terre, l’exploiter et en tirer de bonnes choses qui seront utiles à l’ensemble de l’humanité. Nous cueillons du blé pour en faire du pain, nous coupons des arbres pour construire des meubles… et nous utilisons les photons et les électrons pour créer un rayon qui tuera les cellules cancéreuses. Rejeter la médecine n’est donc pas forcément une preuve de soumission à la volonté de Dieu, cela peut être un rejet de la grâce de Dieu qui, dans sa providence, utilise les médecins pour notre bien.
Luther a affirmé que même si toutes nos épreuves sont dans la main de Dieu, on est en droit de chercher des solutions dans ces épreuves. Celui dont la maison est en train de brûler a le droit d’appeler les pompiers pour éteindre le feu et de sortir de sa maison pour se protéger. De même, le myope a le droit d’acheter des lunettes, le malentendant de se procurer des appareils auditifs et le malade de prendre une aspirine.
Historiquement, les chrétiens n’ont pas rejeté la médecine, mais même plutôt valorisé son développement. De nombreux hôpitaux ont été fondés par des chrétiens et, aujourd’hui encore, bien des missions incluent, dans leur engagement, une aide humanitaire et médicale. L’enjeu consiste par contre à constamment fixer les regards sur notre Dieu souverain et provident. Ambroise Paré, un célèbre chirurgien, disait : « Je le pansai, Dieu le guérit ».
Deuxième principe : Ne pas idolâtrer la médecine
Au fil des siècles, la science s’est sécularisée et s’est souvent prise pour Dieu. Cela s’est répercuté sur la médecine, ainsi que le relève Maurice Ray dans son ouvrage « Quelles médecines pour quelle santé ? ». Il constate qu’une partie de la médecine s’est installée dans une sorte de camp retranché, étranger à toute considération religieuse. Face à cette évolution, le chrétien doit se souvenir que c’est Dieu qui est Dieu, pas la médecine. Lorsque nous sommes malades, notre premier réflexe devrait être de prier Dieu de nous aider, pas d’abord de courir à la pharmacie. C’était l’erreur du roi Asa : malade, il n’a pas recherché l’Éternel mais a préféré mettre sa confiance dans les médecins (2 Chroniques 16,12). Cela reflétait son attitude de cœur, à cette période de sa vie, de compter sur des moyens humains plutôt que sur Dieu.
Alors, est-ce un péché de prendre un médicament ? Cela peut l’être… comme cela peut ne pas l’être. Tout dépend de notre état d’esprit. Tout l’enjeu est celui-ci : est-ce que nous dépendons de Dieu ? Est-ce que nous nous souvenons que c’est lui qui est souverain, que c’est lui qui permet cette maladie et que c’est lui qui peut y mettre fin ? Si nous avons cette saine dépendance à Dieu, alors nous pouvons aller ensuite chez le médecin, non pas en le considérant comme un sauveur, mais en le considérant comme un instrument providentiel de Dieu dans sa main.
Troisième principe : Accepter notre condition humaine
Depuis la Chute, la maladie et la souffrance font partie de la vie. Même des croyants exemplaires étaient malades : Ézéchias, Job, Daniel, Trophime, Épaphrodite, etc. Nous devons donc résister à ce courant de société qui considère la santé comme une valeur suprême et le progrès comme un dieu. L’homme est devenu orgueilleux et croit pouvoir s’améliorer lui-même. Cette absolutisation du progrès a même conduit au transhumanisme. Comme le rappelle Yannick Imbert dans son livre « Rechercher l’immortalité : folie ou réalité ? », notre société se croit investie de la mission d’éliminer la souffrance par les progrès de la médecine. On veut non seulement soigner l’être humain, mais même l’améliorer, le dépasser.
Or dans une perspective chrétienne, ce ne sont pas l’homme et la médecine qui peuvent transformer l’homme, mais Christ qui, par sa mort sur la croix, est venu réparer les dégâts du péché. Mais la pleine consommation de cette victoire est encore attendue, et celle-ci consistera non pas en une « amélioration » de notre condition humaine, mais en un rétablissement de notre condition originelle. Une médecine qui veut dépasser la condition humaine et obtenir la perfection ici-bas propose donc une vision du monde anti-biblique. Voilà une question à se poser lorsque nous sommes confrontés personnellement et concrètement à des techniques ou choix médicaux.
Quatrième principe : Accepter la souffrance
Un des aspects de notre condition humaine qui veut être tout particulièrement nié ou dépassé, c’est celui de la souffrance. On nous dit, aujourd’hui, que le bonheur dépend de notre santé, et que, par conséquent, toute douleur et toute souffrance sont des voleurs de joie. D’une médecine de santé, on en est venu progressivement à une médecine de bien-être.
La foi chrétienne ne se réjouit pas de souffrir, mais elle estime qu’il est possible de trouver un bonheur authentique même au sein de la maladie. La souffrance peut même favoriser le « bien-être » de l’individu, au sens large du terme : elle rend plus humain, elle rapproche de Dieu, elle conduit à des questionnements que l’on n’a pas forcément quand tout va bien.
Concrètement, donc, un chrétien qui souffre dans sa santé doit avoir une posture équilibrée. D’un côté, il peut chercher à soulager sa souffrance en recourant aux médecins et aux médicaments. D’un autre côté, il doit se souvenir que le bien-être véritable et le bonheur transcendent la seule santé physique, et il doit réfléchir et se demander ce que Dieu veut lui apprendre dans ces moments difficiles : grandir dans la confiance en Dieu et la dépendance de lui, apprendre la persévérance dans la difficulté, se réjouir du Ciel, mieux comprendre les souffrances de Christ.
Cinquième principe : Garder une éthique biblique
La logique du progrès à tout prix conduit à une optique utilitariste, où la fin justifie les moyens : si tel moyen est efficace pour améliorer la santé, je vais l’adopter, qu’importe le reste. C’est ce qui explique que les hôpitaux recourent à des guérisseurs par téléphone en cas de brûlure. C’est ce qui explique aussi toutes sortes d’inventions médicales qui posent des questions bioéthiques complexes : clonage, thérapie génique, don d’organes, fécondation in vitro, etc. L’enjeu n’est pas ici de se prononcer « pour ou contre » ces différentes techniques, mais d’être conscients que la prudence s’impose. Nous devons résister à l’idée que toutes les méthodes sont bonnes pour autant que cela conduit au résultat espéré. Si nous sommes un jour confrontés à l’une de ces techniques médicales, nous avons la responsabilité de réfléchir aux enjeux éthiques.
Il nous faut également résister à la tentation de voir les médecins comme de simples prestataires de services. C’est cette perspective biaisée qui conduit nos contemporains à attendre de la médecine qu’elle pratique des avortements et des suicides assistés, qu’elle aide au changement de sexe, qu’elle fabrique des enfants à la demande, et ainsi de suite.
En résumé
En résumé, nous ne sommes pas appelés à rejeter la médecine et les médicaments. Chercher à se soigner ne reflète pas un manque de confiance en Dieu, ni un rejet de sa souveraineté. En revanche, nous devons être conscients des limites de la médecine et la garder à sa juste place, mais aussi résister à la tentation de faire du progrès, de la santé et du bien-être des valeurs absolues.