I. Introduction
Nous vivons une crise écologique majeure. Les médias en ont fait un sujet si récurrent qu’une certaine lassitude s’est même installée. « Le réchauffement climatique ? Encore ! »
Dans les églises évangéliques, les réactions sont diverses. On rencontre des militants passionnés, des agnostiques attentistes et des sceptiques pas convaincus. La succession des activités, les préoccupations du quotidien et le trop plein d’informations sur le sujet n’encouragent pas la réflexion posée et théologique qui s’avère pourtant si nécessaire sur un sujet aussi complexe et actuel. Dans son livre Aimer dans un monde en crise, Clément Blanc nous propose de prendre enfin le temps de réfléchir aux implications d’une telle crise et à comment, en tant que croyant, nous devrions y réagir.
II. Un constat
Le livre débute par un dialogue apaisé et, autant que se peut, objectif quant à la situation actuelle. En interrogeant divers spécialistes, il propose un compte rendu synthétique, mais efficace de la situation actuelle. Au-delà de la simple augmentation de température, ce sont les sécheresses, l’incapacité à se nourrir d’une partie du globe, la perte de la biodiversité et les migrations contraintes qui sont évoquées. L’heure n’est plus à l’imitation des autruches : notre gloutonnerie est une source de souffrance pour d’autres. Nos excès et notre manière de vivre font déjà souffrir le monde majoritaire.

Aimer dans un monde en crise La foi chrétienne à l’épreuve des défis environnementaux
Clément Blanc
Aimer dans un monde en crise La foi chrétienne à l’épreuve des défis environnementaux
Clément Blanc
Que signifie cultiver et garder fidèlement la création dans un contexte de réchauffement climatique, de chute de la biodiversité et de pollution généralisée de l’environnement ? Comment aimer le Dieu créateur, lui qui nous a confié son chef-d’oeuvre ? Comment aimer notre prochain qui souffre de la déstabilisation de son environnement à cause de notre mode de vie ?
Notre « maison commune » va mal : un feu s’est déclaré à la cave, constate l’auteur. Pour nous aider à y voir plus clair, ce livre propose un diagnostic spirituel des crises environnementales actuelles et donne des pistes concrètes pour vivre le double commandement d’amour de Dieu et de notre prochain, à l’échelle individuelle, à l’échelle de l’Église et à l’échelle de la société en général.
III. Deux appels
I.1. Repentance
Comment un chrétien, appelé à aimer, peut-il se satisfaire d’un mode de vie qui génère oppression, famine, exode et épidémie ailleurs ? En filant la métaphore d’une maison dans laquelle un incendie s’est déclaré dans la cave, il nous interpelle : « Quelle que soit notre situation personnelle, la justice nous demande de considérer le problème depuis le point de vue des habitants des étages inférieurs[1] ».
Il est temps de regarder notre égoïsme en face et d’appeler « péché » et « désobéissance » notre inconséquence. « L’amour doit nous faire passer du réflexe babylonien “qu’est-ce que cela implique pour moi ?” à la réaction chrétienne : “qu’est-ce que cela implique pour les pauvres[2]” » ?
En refusant de considérer la réalité du changement climatique, l’église signifie simplement aux populations en souffrance : « Vous ne comptez pas ». Quel amour est-ce là ? Clément Blanc arrive, avec tact et finesse, à mettre des mots justes sur cette réalité : nous manquons d’amour. Il nous aide à prendre conscience des injustices flagrantes que nous tolérons au nom de notre confort personnel. Il est largement temps de réduire la voilure du consumérisme pour adopter un mode de vie plus sobre : « Notre culture peut nous le faire oublier, mais tout au long de la Bible, le contentement et la simplicité de vie font partie des ingrédients d’une vie bien vécue[3] ». « Aimer implique de renoncer à se servir dans la part du gâteau que Dieu a offert à notre prochain. Certains doivent arrêter de se resservir quand d’autres n’ont pas encore pu y goûter[4] ».
I.2. Changement
Être disciple de Jésus implique nécessairement de prendre soin de la création, comme une manière concrète d’aimer Dieu, d’aimer son prochain et de témoigner de sa confiance en Dieu pour l’éternité !
Mais la repentance sans changement de comportement ne suffit pas. Est-elle seulement repentance ? Clément Blanc le rappelle : « Prendre soin de la création ne fait de personne un disciple de Jésus », mais il souligne également, avec justesse, qu’ « être disciple de Jésus implique nécessairement de prendre soin de la création, comme une manière concrète d’aimer Dieu, d’aimer son prochain et de témoigner de sa confiance en Dieu pour l’éternité[5] ». « […] Tous les efforts que nous pouvons faire pour moins participer au problème, et si possible, commencer à faire partie de la solution sont une manière indispensable d’aimer notre prochain qui souffre de la dégradation de son environnement[6] ».
Pour nous aider à ne plus faire partie du problème, mais de la solution, Clément Blanc livre tout un tas de pistes concrètes. Il propose d’abord des pistes pour un changement au niveau individuel, puis, dans un second temps, des pistes pour un changement au niveau collectif. Il commence par passer en revue les coûts en carbone de plusieurs moyens de transport, des régimes alimentaires et des habitudes touristiques. Les propositions de changement sont engageantes et coûteuses… mais il en démontre bien la nécessité. Ensuite, il évoque le rôle que l’Église doit tenir dans la société : être un avant-goût de l’œuvre de recréation que Dieu accomplira ultimement et la démonstration vivante qu’une autre manière de vivre, altruiste et heureuse, est possible. Le défi est grand… mais si beau ! Un appel à mourir à soi au profit des autres : un appel à imiter Christ.
IV. Faut-il lire Aimer dans un monde en crise ?
Oui !
Je ne saurais trop en recommander la lecture. Clément Blanc n’est pas un « écolo radicalisé » qui prône le salut du monde par l’homme. Sa foi en Dieu, sa dépendance à la grâce et sa confiance en la souveraineté divine sautent aux yeux tout au long du livre. Par ailleurs, ses propositions théologiques sont fines, solidement ancrées dans la Parole, et pourtant rendues très accessibles au grand public. On ne peut que saluer la pédagogie de l’auteur… et son courage. Il faut le dire : le propos du livre est difficile à entendre. Clément Blanc ose appeler notre monde, mais aussi notre église, à la repentance. Et à raison. D’aucuns le traiteront sans aucun doute de prophète de mauvais augure. Toutefois, il me semble plutôt revêtir, avec bienveillance, le costume du frère dans la foi qui ose dénoncer un angle mort dans la vie d’un autre… pour son bien. Soyons prêts à nous laisser remettre en question, même si ce n’est jamais plaisant. C’est sa prière :
« Que Dieu […] nous donne l’humilité de nous remettre en question, et la force de changer par amour pour lui et pour nos prochains[7] ».
[1] Clément Blanc, Aimer dans un monde en crise : La foi chrétienne à l’épreuve des défis environnementaux, Editions Excelsis, p. 39.
[2] Ibid., p. 102.
[3] Ibid., p. 145.
[4] Ibid., p. 152.
[5] Ibid., p. 15.
[6] Ibid., p. 102‑103.
[7] Ibid., p. 210.