La Trinité est-elle présente dans Genèse 1 ? La réponse est un « oui » très clair. Puisque Dieu se compose du Père, du Fils, et du Saint-Esprit hier, aujourd’hui, et éternellement, on trouvera des traces de la sainte Trinité sur chacune des pages de l’Écriture, y compris en Genèse 1.
S’il est facile d’affirmer la présence de la Trinité sur chaque page des Écritures, il est nettement plus compliqué de discerner le mode de sa présence dans certains passages. Si les lecteurs antiques avaient tendance à surinterpréter Genèse 1 pour y discerner exagérément la Trinité (plus que le passage le suggère), les lecteurs contemporains sont plus susceptibles à une sous-interprétation, allant jusqu’à ignorer la présence de la Trinité dans certains passages.
Une présence cachée dans l’Ancien Testament
Nous commençons avec la question plus vaste de la manière dont la Trinité se présente dans l’Ancien Testament. Selon le théologien luthérien Johann Gerhard, la Trinité est présente dans Genèse 1 « selon un mode de révélation adapté à l’époque ».
Le dévoilement de la Trinité dans les Écritures se produit selon une double économie. Il y a tout ce qui se trouve avant l’incarnation (l’auto-révélation de la Trinité dans l’Ancien Testament) et tout ce qui vient après l’apparition de Jésus en chair et en os (l’auto-révélation de la Trinité dans le Nouveau Testament). Le contraste entre ces deux formes de révélation n’est pas absolu. On ne peut pas dire que la Trinité est absente dans l’Ancien Testament et présente dans le Nouveau. Ce contraste est relatif. Les deux Testaments comprennent des facettes de la présence de la Trinité, mais ce sont des facettes différentes. La Trinité est « cachée » dans l’Ancien Testament, et « manifeste » dans le Nouveau Testament.
La présence de la Trinité dans l’Ancien Testament, comme un trésor caché dans un champ (Matthieu 13.44 ; Colossiens 2.2-3), est une « présence cachée » que nous ne pouvons apprécier pleinement qu’à la lumière de la « présence manifeste » du Nouveau Testament.
Une présence cachée dans Genèse 1
Avec cette clarification, nous sommes mieux préparés à répondre à la question : comment la Trinité est-elle présente dans Genèse 1 « selon un mode de révélation adapté à l’époque » ? Genèse 1 dévoile au moins trois traces de la présence cachée de la Trinité. Ces traces nous donnent une fondation essentielle à la construction d’une révélation trinitaire manifeste dans le Nouveau Testament.
1. Genèse 1 contient plusieurs exemples de désaccords sujet-verbe
Dans Genèse 1, le nom pluriel « Élohim » (« Dieu » dans la S21) est attaché au verbe singulier « créa » : « Au commencement, Dieu [Élohim] créa le ciel et la terre ». Le schéma se répète en Genèse 1.27 : « Dieu [Élohim] créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu. Il créa l’homme et la femme ».
Il semble que ces exemples de désaccord entre le sujet et le verbe soient intentionnels de la part de l’auteur. Que cherche-t-il à souligner ? Que Dieu seul a créé toute chose par le moyen de son action singulière. La création n’a pas été l’œuvre d’un conseil céleste. Dieu seul a créé le ciel et la terre, sans délibération externe (Ésaïe 40.13-14) ni aide d’un tiers (Ésaïe 44.24 ; Jérémie 10.12 ; 27.5).
« La création n’a pas été l’œuvre d’un conseil céleste. »
Quand Genèse 1 insiste sur ce point, il fournit le premier élément fondamental de la théologie trinitaire : le monothéisme. Un Dieu unique a créé toutes choses, il règne sur tout, et ramène tout à lui. Sans le monothéisme, une croyance dans la Trinité serait une forme de polythéisme. C’est seulement dans le contexte du monothéisme que la foi dans la Trinité devient une foi dans un Dieu en trois personnes.
2. Genèse 1 présente la médiation singulière de Dieu dans la Parole de Dieu et l’Esprit.
Les exemples précédents nous apprennent que Dieu seul a créé le ciel et la terre. Ils nous aident aussi à apprécier la place de la Parole de Dieu et de l’Esprit dans l’œuvre créatrice de Dieu.
Selon Genèse 1, la Parole de Dieu et l’Esprit sont les moyens par lesquels Dieu fabrique, façonne et remplit toute chose. Dieu dit, et les créatures existent (Genèse 1.3, 6, 9, 11, 14, 20, 24, 26). Dieu nomme les diverses créatures à qui il donne vie (Genèse 1.5, 8, 10). Et Dieu bénit tout ce qu’il crée (Genèse 1.22, 28). En plus de la Parole de Dieu, l’Esprit de Dieu est aussi actif dans l’œuvre de la création, planant comme une mère oiseau (Genèse 1.2 ; voir aussi Deutéronome 32.11) sur le monde vide et sans forme que Dieu avait créé, prêt à lui donner vie, énergie, intelligence et plénitude par le moyen de sa présence vitale (Exode 31.3 ; 35.31 ; Nombres 24.2).
Genèse 1 identifie la Parole de Dieu et son Esprit comme les moyens par lesquels Dieu fabrique, façonne, et remplit toute chose. Ainsi, ce passage inclut la Parole et l’Esprit dans l’action singulière de Dieu. Si nous proclamons que Dieu crée par sa Parole et par son Esprit, nous disons aussi que Dieu a tout créé, lui seul, sans l’aide de quiconque (Psaume 33.6-9 ; Jean 1.3 ; Romains 11.36 ; 1 Corinthiens 8.6 ; Colossiens 1.16 ; Hébreux 1.2).
« Quelles que soient les distinctions que la Bible révélera plus tard entre Élohim, sa Parole, et son Esprit, elles ne doivent pas être perçues comme des distinctions entre le seul vrai Dieu et quelque chose qui n’est pas Dieu. Elles doivent plutôt être comprises comme des distinctions au sein du Dieu unique en personne. »
Genèse 1 ne révèle pas encore toute la portée des noms « Parole » et « Esprit ». Leur importance sera manifestée lors de l’apparition de la Parole faite chair et l’effusion du Saint-Esprit à la Pentecôte. Néanmoins, quand Genèse 1 inclut la Parole de Dieu et l’Esprit de Dieu dans l’agence singulière de Dieu, une brique est posée dans la fondation de la théologie trinitaire. Quelles que soient les distinctions que la Bible révélera plus tard entre Élohim, la Parole, et l’Esprit, elles ne doivent pas être vues comme des distinctions entre le seul vrai Dieu et quelque chose qui n’est pas Dieu. Elles doivent plutôt être comprises comme des distinctions au sein du Dieu unique en personne.
3. Qu’en est-il des pluriels ?
Comme nous l’avons vu auparavant, Genèse 1 identifie Dieu plusieurs fois par le nom pluriel « Élohim ». Certains commentateurs bibliques ont compris ce nom pluriel comme étant une indication de la plénitude tri-personnelle de Dieu. D’autres ont compris, par l’appellation plurielle de Dieu dans Genèse 1.26 (« Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance ! »), que la création est l’œuvre d’un Dieu en trois personnes. Ces formes plurielles sont-elles aussi des signes de la présence cachée de la Trinité ? Considérons Genèse 1.26 en détail.
Certains voient Genèse 1.26, où Dieu parle de lui-même par le pluriel, comme un exemple du « pluriel de majesté », une expression idiomatique par laquelle un souverain parle de lui-même sous une forme plurielle. D’autres le considèrent comme Dieu s’adressant à l’assemblée céleste des anges (Job 1.6 ; 2.1). Les deux explications sont peu probables. La première ne trouve aucun appui dans les expressions idiomatiques du Proche-Orient ancien. La deuxième contredit le grand message de Genèse 1 et le reste des Écritures. Dieu n’a pas sollicité l’aide des anges lors de la création ; ils ont servi plutôt de chœur d’accompagnement (Job 38.7). Dieu seul agit par le biais de son action singulière et souveraine : « C’est moi, l’Éternel, qui suis l’auteur de tout. Tout seul j’ai déployé le ciel, par moi-même j’ai disposé la terre » (Ésaïe 44.24b).
Que penser dès lors de l’énigme de cette auto-appellation plurielle dans Genèse 1.26 ? Comme l’a observé Robert Jensen, la Parole de Dieu et l’Esprit sont les seuls candidats présentés par Genèse 1 comme objets potentiels de cette désignation plurielle. Malgré cette observation, il est difficile de parvenir à un jugement définitif.
Nous ne devrions être ni surpris ni dérangés par la difficulté d’interpréter ces révélations de la Trinité dans l’Ancien Testament, surtout si nous sommes sensibles à l’économie double de la révélation biblique concernant la Trinité. Les énigmes de l’Ancien Testament qui entourent la Trinité se résolvent seulement avec les révélations du Nouveau Testament sur le même sujet.
Genèse 1 prépare le terrain
Des traces de la présence de la Trinité dans l’Ancien Testament nous donnent une fondation précieuse pour l’édifice qui sera achevé lors de la révélation de la Trinité dans le Nouveau. Genèse 1 nous présente le personnage principal de l’histoire biblique : le Dieu unique qui règne sur toute chose par sa Parole et son Esprit. Genèse 1 prépare la scène où toute l’histoire biblique se dévoile : un monde fabriqué, façonné et rempli par le Dieu trinitaire. Genèse 1 nous présente aussi l’objet principal de l’engagement que prend ce Dieu trinitaire et souverain : la créature faite à l’image de Dieu.
En ceci, Genèse 1 sert le but principal des Écritures saintes : promouvoir l’union et la communion entre la sainte Trinité et le peuple créé, racheté, et perfectionné pour lui-même.