Où s’en va le vent ?
Elle regarde le haut des arbres.
Le balancement incessant des feuillages lui emporte les yeux, le cœur.
Elle regarde ses mains.
Ce sont de longues mains pâles, parsemées de ces petites taches brunes, venues avec le temps, de plus en plus nombreuses.
Elle n’aime plus ses mains.
Marc lui disait pourtant qu’il admirait tant ses mains, ses mains d’artiste.
Où va le vent ?
Ses mains ne sont plus capables de courir sur les cordes de la harpe, la grande harpe délaissée, là-haut.
Fini le temps des concerts, le temps des amis qui venaient dans sa maison perdue, au milieu de la forêt, le temps des échanges à travers la nuit.
Elle a ouvert la fenêtre et fermé les yeux.
Douceur, le soir.
Le vent, toujours.
Il traverse les arbres, et elle aussi.
Mais elle n’a pas froid. Elle a resserré sur elle le poncho de laine bleu-nuit que Marc lui avait rapporté de Florence.
Une mélodie revient, incertaine, et de loin. Un chant maternel, peut-être. Saisir, vite, ce qui passe. Il y a si longtemps qu’elle n’a plus composé… A quoi bon ?Malgré la laine sur ses épaules, elle frissonne.
En se levant pour fermer la fenêtre, elle a laissé tomber le poncho, bleu d’un côté, et noir de l’autre.
Elle s’approche de la fenêtre, que la nuit envahit aussi.
Cette coulée de doigts sur la harpe …
Elle se penche sur la nuit.
Et subitement, elle se redresse.
Elle élève les deux bras, en arrondi, comme une coupe, où le vent, la nuit, viennent, doucement, se déposer encore.
« Le vent souffle où il veut
Et tu en entends le bruit
Mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va
Il en est ainsi de quiconque est né de l’Esprit »
Jean 3.8