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On aurait tort de croire que la vie chrétienne annule les aléas de notre condition humaine, avec ses hauts et ses bas. L’homme est une créature et le restera à jamais. Il faut accepter les éléments difficiles de la vie et savoir les exprimer à Dieu quand ils se présentent, dans l’attente de son soutien. Dieu entend nos prières, et nos plaintes. Les auteurs des Psaumes ont régulièrement eu recours à la plainte pour épancher leur douleur et leur incompréhension devant Dieu.

La plainte est l’expression, dans la prière, de la douleur que nous exposons au Seigneur. La plainte permet de décharger ses pensées, ses soucis et ses douleurs. La pratique de la plainte est courante dans la Bible.

Anne, incomprise d’Éli qui l’observait, épanchait son coeur et ses plaintes longuement en disant :

« Je suis une femme qui a l’esprit accablé… c’est dans la grandeur de ma plainte et de mon chagrin que j’ai parlé jusqu’à présent » (1 Sam. 1.15, 16).

Dans le même registre, David, dit :

« Écoute-moi, et réponds-moi ; je m’agite dans ma plainte et je me lamente ». (Ps. 55.2).

Formuler une plainte est libérateur pour qui est dans les tourments. La plainte est l’arrière-plan de la supplication : elle n’exprime pas seulement un manque, mais la souffrance liée à ce manque.

1. L’exemple des Psaumes

Les Psaumes laissent une place à la plainte. Le Psaume 13, par exemple, interpelle en disant : “ Jusques à quand ?  Jusqu’où et jusqu’à quand le malheur va-t-il triompher ? “

Cette interrogation est lancée non seulement sur le ton de la plainte mais presque sur celui du reproche adressé à Dieu. Ce qui fait l’objet de la plainte: la réussite de l’ennemi, son exaltation et, plus profondément, la tristesse du cœur, la peine de tout l’être, l’humiliation du pauvre, tout cela a une cause qui échappe au psalmiste.

Westermann, un exégète allemand, dont les ouvrages publiés vers 1975, présentait sa conclusion essentielle, à savoir que, les Psaumes de plainte (ou supplication) et les Psaumes de louange n’étaient pas seulement deux genres parmi d’autres, mais les formes littéraires qui caractérisaient le psautier dans son ensemble, reliées comme deux pôles opposés dit :

Ces deux pôles tendent à englober toute l’existence humaine, sa croissance à partir de la naissance et son mouvement vers la mort. La louange de Dieu donne corps à la joie d’exister; la plainte donne corps à la détresse. Comme le langage de la joie et langage de la souffrance, louange et plainte sont ensemble l’expression de l’existence humaine devant Dieu.1

Par la suite, les vues de Westermann ont été partagées par beaucoup d’exégètes contemporains. Aujourd’hui, on retient surtout les prières de louange et de reconnaissance dans les Psaumes, beaucoup plus rarement, on retient la plainte. Elle est pourtant bien présente.

2. La place de la plainte chez le croyant de la nouvelle alliance.

A) L’influence des Psaumes chez les premiers chrétiens et chez les auteurs bibliques.

Il est certain que les Psaumes ont eu de l’influence auprès des premiers chrétiens, ainsi que chez les auteurs du Nouveau-Testament. On relève plus de 400 citations ou allégations aux psaumes dans l’ensemble du N.T. L’insertion de très nombreux fragments de psaumes dans la quasi-totalité des écrits composant le N.T s’est fait, alors que les auteurs bibliques mettaient progressivement par écrit des épisodes de la vie de Jésus et des disciples. Il est donc permis de penser que les premiers chrétiens utilisaient fortement les Psaumes comme modèle de prière.

B) La prière de plainte chez les premiers chrétiens.

Les premières générations chrétiennes étaient encore influencées par le  judaïsme sur bien des points. Un exemple, les Israélites commençaient la journée en louant et en rendant grâce à Dieu, et ils accomplissaient chaque action de leur journée dans cet esprit. Ainsi, chaque moment était l’occasion d’exprimer soit, une prière de louange, une demande  quelconque, un acte de pardon, ou une plainte.

C) La plainte chez Jésus

La vie de Jésus est parlante. Il a souffert toute sa vie. Né pauvre dans un pays pauvre, il va connaître l’exil, la fuite, la vie d’une famille immigrée, le dur labeur d’un ouvrier charpentier et subir l’occupation romaine. Malgré ses nombreux miracles et guérisons, sa prédication est mal comprise par les Pharisiens.

Après la fête des rameaux, lors de l’entrée à Jérusalem, il institue la Sainte Cène. Mais  peu après, dans le jardin des oliviers, Jésus va débuter ses dernières heures dans la solitude et l’incompréhension. Ces dernières paroles seront:  “, Mon Dieu pourquoi m’as-tu abandonné ?

3) La place de la plainte dans la piété contemporaine.

Il est rare d’entendre des prières de plainte dans nos réunions de prière.  Et pourtant, comme nous l’avons constaté au début, l’église des premiers temps montre visiblement que la plainte était normale à l’époque. Pourquoi une telle absence aujourd’hui ?

Dans un article intitulé “pourquoi se lamenter”, l’auteur, KALLEMEYN, constatant l’absence presque totale de la plainte dans l’hymnologie chrétienne, dit que :

L’absence du thème de la plainte dans nos recueils de chant s’explique, en partie, par la tradition hymnologique issue de la période de renouveau de l’Eglise en Angleterre au 19ème siècle (…) Cette période de l’histoire de l’Eglise anglaise a été marquée par une réaction contre la liturgie aride, et même morne, du protestantisme traditionnel, et par un retour à une spiritualité chaleureuse avec un accent mis sur le péché, la repentance et la responsabilité personnelle, ainsi que sur les joies du salut en Jésus-Christ.2

Un accent mis sur le péché, sur la repentance et la responsabilité personnelles, ainsi que sur les joies du salut en Jésus-Christ. Ce sont les raisons, selon l’auteur de l’article, qui ont poussé à exclure la plainte du vocabulaire chrétien. La plainte étant dés lors associée au mécontentement et à la mauvaise humeur.

KALLEMEYN dit qu’aujourd’hui, le malheur est souvent perçu comme un jugement et une condamnation. La plainte qui y serait associée serait par conséquent liée au péché et à la désobéissance.

  • Dieu nous punit à cause de nos fautes
  • Dieu nous discipline par la souffrance, bienfait qui est toujours moins lourd que le poids de nos fautes.
  • Nos douleurs n’ont rien de commun avec celles du Christ.
  • Nos souffrances ne sont rien en comparaison des joies éternelles qui nous attendent.

Cette façon de voir n’apaise en rien ceux et celles qui souffrent et ne prend pas en compte la souffrance, les injustices et l’incrédulité qui caractérisent le monde présent.

Conclusion

Beaucoup de nos chants et de nos prières proviennent du livre des Psaumes. Parfois, le Psaume est littéralement mis en musique ou en prière. L’idée n’est pas forcément nouvelle comme on l’a vu. Le N.T. nous encourage à chanter des psaumes, donc à chanter et prier également des chants et des prières qui expriment la plainte.

La plainte a donc toute sa place dans l’expression de la prière, comme la joie, la tristesse, la louange et l’adoration. C’est une “couleur” parmi d’autre ! Sans elle, c’est tout un pan qui est enlevé, voire un aspect important de notre relation avec Dieu qui disparaît !

Une place pour la plainte ?

C’est une place donnée pour oser exprimer sa souffrance et ses interrogations devant Dieu !


[1] . C.Westermann, Praise and Lament in the Psalms, 1981, p.11

[2] Harold Kallemeyn, “Pourquoi se lamenter”, s. dir. Jacques Buchhold, la spiritualité et les chrétiens évangéliques, Edifac, Vaux-sur-Seine, 1998, p. 33

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