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Un Luther œcuménique? Une critique des commémorations œcuméniques de la Réforme

L’éminent historien Marc Lienhard, dans son tout nouveau livre sur la théologie de Martin Luther, nous laisse avec des sentiments partagés. Il nous donne une analyse à la fois stimulante et profonde de la théologie de Luther, mais ses conclusions œcuméniques sont problématiques, en porte à faux avec la théologie de Luther qu’il nous présente, et dangereuses pour l’Eglise.

Un des ouvrages les plus attendus en lien avec l’anniversaire des 500 ans de la Réforme, le livre de Lienhard a paru en novembre 2016. Lienhard est professeur émérite d’histoire du christianisme moderne et contemporain de l’université de Strasbourg et l’auteur de plusieurs livres sur Luther¹ ainsi que de nombreux articles à son sujet. En lisant le livre, le lecteur qui s’attache aux Ecritures aura une réaction double. D’un côté, le livre est, tout simplement, excellent. Son analyse de la pensée de Luther est claire, nuancée, bien fondée dans les sources primaires et extrêmement riche en détail. Lorsque Lienhard parle du 16e siècle, il est sur un terrain solide. Mais, de l’autre côté, lorsque Lienhard parle de l’apport de la théologie de Luther aux débats actuels, notamment par rapport aux relations entre l’Eglise Catholique et les Eglises protestantes, ce livre est extrêmement décevant.

Commençons par les points forts de ce livre avant de conclure avec les points faibles ainsi qu’une mise en garde concernant les conclusions œcuméniques de cet ouvrage.

1. Les points forts du livre

a. La présentation englobante de la théologie de Luther

Dans quelle mesure le croyant évangélique lambda connaît-il la théologie de Luther ? Au-delà du fait que celui-ci s’est opposé à l’Eglise Catholique sur le sujet des indulgences et qu’il était fort axé sur la doctrine de la justification par la foi seule, beaucoup de protestants évangéliques ignorent de grands pans de sa théologie. Ce livre peut remédier à ces lacunes. Lienhard présente non seulement les thèmes chez Luther qui sont chers aux évangéliques (dont l’autorité de la Bible et la justification par la foi seule), mais encore d’autres doctrines chères au Réformateur allemand. Lienhard explique la distinction que Luther discerne dans la Bible entre la loi et l’Evangile, entre la théologie de la croix et la théologie de la gloire, entre le Dieu caché et le Dieu révélé, entre le règne de Dieu et le règne du monde (ou le règne spirituel et le règne temporel). Lienhard explique aussi le rôle fondamental que joue la théologie des sacrements pour Luther. Il explique en profondeur la compréhension de Luther de la cène et sa croyance en la présence corporelle du Christ dans les éléments du pain et du vin². Il met aussi en évidence l’importance pour Luther du baptême des nourrissons et sa très haute estime de cet acte. Ces aspects de la théologie de Luther sont peut-être moins familiers aux protestants évangéliques, mais nous devons les comprendre même si nous voulons marquer notre désaccord avec Luther sur certains points. Lienhard rend un grand service aux évangéliques en rédigeant ce livre.

b. La maîtrise du corpus des écrits de Luther

Lienhard maîtrise le corpus luthérien, et il profite de toutes sortes d’écrits de Luther pour nous présenter sa théologie. Lienhard puise dans les préfaces aux livres bibliques dans sa traduction de la Bible, dans ses commentaires bibliques (souvent sous forme de notes de cours donné sur les livres bibliques), dans ses livres, dans ses prédications, dans ses catéchismes, dans ses écrits d’édification, dans ses thèses, dans ses écrits polémiques, dans sa correspondance (2,650 lettres qui remplissent 14 volumes dans l’édition allemande des œuvres de Luther) ainsi que dans les Propos de table (des propos que Luther aurait tenus à table entre 1531 et 1546 qui ont été recueillis par ses invités)³. Lienhard a exploité toutes ces sources pour donner une image très complète de la pensée de Luther telle qu’elle évolue à travers le temps. Une source importante que Lienhard met particulièrement à profit, ce sont les thèses académiques que Luther a continué à rédiger jusqu’à la fin de sa vie. Les 95 thèses ne sont guère les seules à prendre en considération en analysant la pensée de Luther ! Luther avait écrit vingt séries de thèses jusqu’à 1522 et cinquante autres séries entre 1533-15454. Etant donné le grand nombre d’écrits de Luther qui n’ont pas encore été traduits en français, il est particulièrement précieux de trouver dans ce livre les traductions de certains extraits de ces œuvres de Luther5. Pour les personnes qui ne lisent pas l’allemand ni le latin, mais qui veulent profiter des écrits de Luther, ce livre représente un cadeau.

c. L’analyse stimulante des traditions qui ont influencé Luther

Un des objectifs de Lienhard en écrivant ce livre est de présenter les sources et l’inspiration de la théologie de Luther. Lienhard démontre que Luther est avant tout un homme de la Parole de Dieu et que celle-ci est la source de sa théologie. Mais il est également tributaire de la tradition chrétienne qui l’a précédé, que ce soit les Pères de l’Eglise, le monachisme, la théologie de la piété ou les théologiens scolastiques. La section du livre qui traite des sources de Luther est très utile pour replacer Luther dans le contexte du 16e siècle et pour constater qu’il n’était pas novateur en matière de théologie. Cette analyse nuancée se voit également dans la présentation de la théologie de Luther. Lienhard remarque, par exemple, en parlant de l’œuvre de Jésus-Christ à la croix, que «Luther parle, comme Anselme6, de « satisfaction » et de « mérite », mais il parle surtout de « châtiment ». Le Christ subit à notre place et pour nous la souffrance qui culmine dans l’expérience de la colère de Dieu.7» Lienhard montre ici, et ailleurs dans le livre, à la fois la continuité et la discontinuité entre la théologie de Luther et celle de ses prédécesseurs.

d. L’approche judicieuse face aux événements regrettables de la vie de Luther

Luther, comme tous les hommes, était pécheur. Il n’est donc pas surprenant qu’il y ait eu dans sa vie des épisodes qu’on préférerait oublier. Lienhard n’évite pas d’en parler et il aborde ces épisodes de front8. Mais avant de se prononcer sur le bien-fondé ou non de tel ou tel argument, Lienhard nous invite à entrer dans la tête de Luther et à comprendre pourquoi il est arrivé à telle ou telle conclusion. En parlant des écrits sévères de Luther contre les paysans durant la guerre des paysans (1524-1525), Lienhard exhorte ses lecteurs à propos de l’argumentation de Luther :« Essayons de la comprendre, sans la justifier pour autant !9» C’est la marque d’un bon théologien historique, qui se soucie de comprendre le point de vue du théologien avant de l’évaluer. Cela lui permet d’émettre un jugement nuancé sur les écrits de Luther contre les Juifs. Voici quelques extraits de sa conclusion :

Luther, Ses sources, sa pensée, sa place dans l’histoire

Luther, Ses sources, sa pensée, sa place dans l’histoire

Labor et Fides. 688.
Labor et Fides. 688.

Remarquons qu’il n’a pas prévu l’extermination physique des juifs, mais l’empêchement du culte juif par la destruction des synagogues et des livres de prières. Cela reste pour nous, évidemment, une atteinte intolérable aux personnes et à leur liberté… Alors, a-t-il franchi la frontière qui sépare l’antijudaïsme de l’antisémitisme ? Non, si on le compare à l’antisémitisme nazi. Oui, si on pense aux mesures qu’il prône à l’égard des juifs, de leurs lieux de culte, de leurs demeures et de leur mode de vie. Peut-on et faut-il parler d’une sorte de proto-antisémitisme ?10

Il ne faut pas que nous évitions de traiter de ces épisodes sombres qui démontrent tristement la véracité du propos de Luther lui-même selon laquelle, après sa conversion, le chrétien est simul iustus et peccator (en même temps juste et pécheur). Lienhard nous livre une analyse équilibrée de ces épisodes.

2. Les points faibles : un livre fort décevant, voire dangereux dans ses conclusions

Après avoir évoqué les nombreux points forts de ce livre, il convient d’attirer l’attention sur des faiblesses significatives.

a. Parfois les présupposés de Lienhard faussent sa présentation de la théologie de Luther

Malgré ses efforts menés pour respecter le contexte historique, l’auteur semble parfois fausser la théologie de Luther. Par exemple, Lienhard déclare que « tout en affirmant que Dieu se lie à la parole écrite de l’Ecriture, Luther n’a pas enseigné une inspiration littérale de l’Ecriture11 ». Plus loin dans le livre, il affirme que « Luther n’est pas bibliciste au point de vouloir déduire directement la doctrine de l’Ecriture, comprise de manière fondamentaliste.12 » Ces propos sont plus révélateurs du point de vue de Lienhard que de celui de Luther dans ce domaine : Preus a démontré que Luther croyait que l’Ecriture était infaillible et sans erreur, car inspirée de Dieu13.

b. Par moments, la lecture n’est pas facile pour un non-spécialiste

Parfois, Lienhard limite son lectorat aux spécialistes de la Réforme ou de la théologie. Il parle du « schéma aristotélicien des quatre causes14 » : une courte explication serait d’une grande utilité pour bien des lecteurs. A d’autres moments, Lienhard garde des expressions en latin sans les traduire en français15. A mon avis, il aurait pu garder le même contenu en ajoutant quelques notes en bas de page expliquant les propos plus techniques16.

c. La présentation de l’apport de la théologie de Luther pour le 21e siècle cède trop de terrain aux présupposés non-bibliques de notre ère

Son analyse, dans le dernier chapitre, de l’apport de la théologie de Luther pour le 21e siècle laisse à désirer. Le présupposé de Lienhard, c’est que les temps ont changé et donc que les propos de Luther devraient s’y adapter. Il est vrai que les temps ont changé et qu’il n’est plus d’actualité d’employer le langage grossier caractéristique des débats théologiques de l’époque de la Réforme. Mais ce qui n’a pas changé, c’est l’autorité suprême en matière de foi et de mœurs – à savoir, les Ecritures. Contrairement à la démarche de l’auteur dans le dernier chapitre, il n’y a pas lieu de changer le contenu de doctrines – chères à Luther – telles que la justification par la foi seule, l’œuvre du Christ à la croix, l’incarnation et la confiance dans l’Ecriture seule comme autorité finale.

d. L’approche œcuménique de la théologie de Luther est fort problématique et dangereuse

i. Les preuves dans le livre

Après des centaines de pages d’explication approfondie des propos formulés par Luther à l’encontre de la théologie de l’Eglise Catholique, Lienhard suggère qu’à notre époque, nous devrions plutôt considérer Luther comme «non-confessionnel», c’est-à-dire ni protestant ni catholique. Selon cette logique, l’auteur maintient-il, Luther peut être «un maître commun pour toutes les Eglises», qu’elles soient protestantes ou catholiques17. Se basant sur le document Du conflit à la communion, publié en 2013, Lienhard prétend que

malgré les différences restantes, les catholiques d’aujourd’hui peuvent recevoir avec reconnaissance beaucoup d’affirmations fondamentales de Luther relatives à la justification, l’eucharistie, le sacerdoce universel et le ministère, l’Ecriture et la tradition18.

Or, si les catholiques recevaient pleinement les enseignements de Luther sur ces sujets, ils quitteraient l’Eglise Catholique. Mais il ne s’agit pas d’une telle réception des idées de Luther chez les catholiques, mais plutôt d’une appropriation œcuménique de certains propos de Luther.

Examinons pourquoi une telle approche est problématique.

ii. Evaluation de l’approche œcuménique face à Luther
1. Cette approche est en porte à faux avec la théologie de Luther lui-même

D’abord, une approche œcuménique face à la Réforme tend à miner les écrits historiques des Réformateurs. Pour arriver à un accord avec l’Eglise Catholique, il faudrait passer au-dessus de beaucoup de propos tenus par les Réformateurs et défaire ce qu’ils essayaient de faire. La section dans le livre de Lienhard sur la papauté est instructive à cet égard. Il explique le point de vue de Luther de manière très claire :

Dans les Articles de Smalkalde de 1537, il réaffirme des arguments qu’il a déjà avancés dans le passé: la papauté n’est pas « d’institution divine », le pape n’est pas la tête de la chrétienté, mais simplement évêque de Rome. L’Eglise a vécu cinq siècles sans pape. La papauté est inutile… La polémique continuera dans l’écrit de 1545, La papauté de Rome instituée par le diable… Il n’y envisage plus une papauté « de droit humain», mais la rejette comme une institution diabolique19.

Deux pages plus loin, Lienhard conclut ainsi:

La différence restante entre catholiques et luthériens au sujet de la papauté réside sans doute aujourd’hui dans l’alternative suivante. Pour les catholiques, la primauté du pape est nécessaire pour l’Eglise. Pour les luthériens, elle est, et à certaines conditions, possible20.

Dans sa conclusion, Lienhard va droit à l’encontre des propos de Luther (fondés sur la Bible). L’œcuménisme est en porte à faux avec la théologie de Luther lui-même.

2. Historiquement parlant, une approche « non-confessionnelle » n’est pas possible

La théologie de Luther fut conçue dans un contexte confessionnel et, après sa mort, sa théologie est devenue l’orthodoxie pour l’Eglise luthérienne. Il est nécessaire de prendre en compte la façon dont les successeurs de Luther ont compris sa théologie et comment ils l’ont intégrée dans leur vie d’Eglise. Il n’est pas vraiment possible de « distinguer Luther de son Eglise, en prônant un retour à Luther lui-même », une démarche « catholique » à laquelle Lienhard attribue une certaine légitimité22. Une des faiblesses dans ce livre est le manque d’interaction avec les successeurs de Luther. Toutes les Eglises luthériennes sont censées souscrire aux écrits de la Formule de Concorde (1580). Cela comprend plusieurs écrits de Luther, ainsi que des clarifications concernant l’interprétation de la Confession d’Augsbourg . Ces textes excluent explicitement un quelconque rapprochement doctrinal avec l’Eglise Catholique. Du côté catholique, les décisions du Concile de Trente (1545-1563) prononcent des anathèmes contre les doctrines luthériennes. Pour échapper à de tels anathèmes, il faudrait aux protestants changer leur doctrine. Luther n’a pas existé dans un vide, mais au sein d’un mouvement, et on ne peut pas séparer Luther de l’Eglise luthérienne du 16e siècle.

3. Les déclarations communes indiquent plutôt un compromis de la part des luthériens et non un changement doctrinal dans l’Eglise Catholique

Pour appuyer sa thèse de l’existence d’une convergence doctrinale entre luthériens et catholiques, Lienhard cite des documents rédigés conjointement par la Fédération Luthérienne Mondiale et l’Eglise Catholique, notamment La déclaration commune sur la justification , publiée en 1999, et Du conflit à la communion, publié en 2013. En réalité, ces documents ne montrent pas que Rome a changé de position sur la doctrine de la justification23 : on a plutôt affaire à des compromis de la part de théologiens luthériens. Le groupement luthérien24 qui a signé ces deux documents est d’ailleurs devenu libéral sur beaucoup de points doctrinaux. L’enseignement officiel n’a pas changé, ni du côté de l’Eglise Catholique, ni chez les protestants qui veulent véritablement suivre la théologie de Luther25. Ce que Lienhard cite pour montrer une convergence doctrinale n’y suffit pas.

4. Une telle approche est pastoralement dangereuse

Une approche œcuméniste de la Réforme est problématique et pastoralement dangereuse. Je comprends l’attrait d’une «

unité » entre toutes les Eglises, et cela d’autant plus que la laïcité et l’islam augmentent en nombre et en puissance dans nos sociétés occidentales. Mais une véritable unité n’est pas possible, car le message central de l’Eglise Catholique est autre que celui que les Réformateurs ont découvert dans les pages de l’Ecriture. Céder du terrain sur des questions essentielles concernant le salut, telles que « comment les êtres humains peuvent-il paraître justes devant le Dieu trois fois saint ? » et « quelle est notre autorité suprême en matière de foi et de mœurs ? », est, au final, une démarche qui frôle la cruauté pastorale. Nous devons plutôt proclamer et défendre la saine doctrine, telle qu’elle est enseignée dans la Bible et telle que les Réformateurs l’ont comprise.

5. Une telle approche mine la merveille de l’Evangile biblique que Luther a découvert dans les pages de l’Ecriture

Si nous faisons des compromis sur le contenu de l’Evangile, nous obscurcissons la merveille qu’est la bonne nouvelle du salut. Que Dieu, dans sa miséricorde, puisse déclarer justes des pécheurs sur l’unique base de la justice parfaite du Christ attribuée à leur compte par leur union avec lui par la foi : quelle grâce et quel miracle ! Si nous faisons dépendre les gens du système sacramentel de l’Eglise, et si leur confiance devant Dieu doit reposer sur leurs œuvres méritoires faites par la puissance de la grâce de Dieu en eux, où est le cri de l’apôtre, « loin de moi la pensée de me glorifier d’autre chose que de la croix de notre Seigneur Jésus- Christ » (Ga 6.14) ?

Conclusion

Est-ce que je recommande la lecture de ce livre ? Oui ! Il s’agit d’un ouvrage de référence hors pair en langue française. J’émets toutefois une mise en garde concernant le parti-pris œcuménique de l’auteur. Il ne faudrait pas lire ce livre pour découvrir comment s’approprier la théologie de Luther pour soi aujourd’hui ni pour savoir comment s’y prendre dans les débats entre catholiques et protestants26. Mais si le lecteur veut mieux comprendre la pensée de Luther dans le contexte du 16e siècle grâce à l’étude de ses écrits, et si le lecteur est averti et attentif au parti-pris de l’auteur, il pourra grandement profiter de cet ouvrage.

Une dernière remarque s’impose. Pourquoi les spécialistes luthériens dans le monde francophone ont-ils peur de souligner, sur la base des écrits de Luther, la grande différence qui existe encore aujourd’hui entre l’enseignement officiel du catholicisme romain et l’Evangile que Luther expose ? Or ce n’est pas seulement des universitaires qui dévient doctrinalement : les pasteurs et dirigeants de dénominations luthériennes l’ont fait également. Même nous, protestants évangéliques, pouvons nous sentir sous pression de nous engager dans des projets œcuméniques, de laisser de côté des différences doctrinales importantes

pour ne pas être vus comme trop « carrés » ou sectaires. De quoi avons-nous peur exactement ? D’être rejetés par les autorités religieuses ? D’être perçus comme étant sectaires ? De subir de la pression de la part des autorités ? Rappelons-nous que c’est le chemin qu’ont tracé notre Sauveur Jésus-Christ, ses apôtres et aussi Luther. Sur la base de sa compréhension de la Parole de Dieu, Luther a pris position contre l’Eglise de Rome, il s’est fait excommunier par elle, et il a été mis au ban de l’empire par l’empereur. Il a récusé toute accusation d’être sectaire, car il croyait que là où se trouvait le vrai Evangile se trouvait la vraie Eglise27. Il a refusé de faire des compromis sur l’Evangile car convaincu que par lui, et par lui seul, des hommes et des femmes pouvaient être justes aux yeux de Dieu. Que Dieu nous donne, en cette année 2017 et au-delà, de suivre Luther à cet égard et non pas l’esprit du relativisme doctrinal qui caractérise notre époque. Que Dieu soit glorifié par l’annonce claire et fidèle de son Evangile, que nous trouvons dans sa Parole, et qu’il lui plaise, par cet Evangile, de sauver un grand nombre de nos contemporains – qu’ils soient religieux ou non. Ayons la même confiance dans la Parole de Dieu qu’avait Luther :

Je me suis contenté de promouvoir, de prêcher et d’écrire la Parole de Dieu. Je n’ai rien fait d’autre. Mais l’effet en était tel que, lorsque je dormais ou que je buvais de la bière de Wittenberg avec Philippe [Mélanchthon] et Amsdorf, la papauté est devenue plus faible que sous les coups que n’importe quel prince ou empereur avait pu lui asséner. Je n’ai rien fait; la Parole a tout fait et tout réalisé… j’ai laissé agir la Parole28.


Cet article correspond à une version plus longue de la recension qui a paru dans le Maillon , été-automne 2017, p. 9-10.

1 : Luther, témoin de Jésus-Christ, Les étapes et les thèmes de la christologie du Réformateur, Paris, [le] Cerf, 1973; Martin Luther, Un temps, une vie, un message, Genève, Labor et Fides, 1998; L’Eglise et l’Evangile chez Luther, Paris, [le] Cerf, 1989; La Foi des Eglises luthériennes, Confessions et catéchismes, Paris/Genève, [le] Cerf/Labor et Fides, 2017 (direction avec André BIRMELE); Au cœur de la foi de Luther: Jésus-Christ, Paris, Désclée, 1991; Martin Luther. La Passion de Dieu, Paris, Bayard, 1999.

2 : Lienhard revient souvent dans le livre sur le débat avec Zwingli sur la présence corporelle du Christ dans la cène et explique en détail la notion de l’ubiquité (l’attribut de l’omniprésence) que Luther attribue à la nature humaine du Christ et que Zwingli rejette.

3 : Lienhard reconnaît que la fiabilité des Propos de table a « souvent été critiqué par les 3 spécialistes », mais selon lui, « malgré leurs limites, ils constituent une source importante pour connaître la vie de Luther et certains de ses points de vue » (p. 40).

4 : P. 39.

5 : Lienhard nous rappelle la quantité d’œuvres écrites que Luther a rédigées. « Luther est l’auteur de quelque six cents écrits, rassemblés aujourd’hui dans près de 120 volumes… de l’édition classique dite « de Weimar » » (p.36; c’est nous qui le soulignons). A l’heure actuelle, les œuvres de Luther qui ont été éditées en français se trouvent principalement dans les 19 volumes des Œuvres choisies chez Labor et Fides, ainsi que dans les deux tomes chez Gallimard (le premier tome inclut des écrits de Luther de 1515-1523 et le deuxième tome inclut une sélection de ses œuvres de 1523-1546).

6 : Théologien au moyen âge, né vers 1033-1034 et mort en 1109.

7 : P. 298.

8 : Il est cependant surprenant que Lienhard ne s’arrête pas sur l’épisode de la bigamie commise par Philippe de Hesse en 1539. Il le mentionne en passant dans la courte biographie au début du livre et il le marque dans la chronologie de la vie de Luther, mais il ne s’y attarde pas dans le chapitre « les sujets qui fâchent », ni ailleurs dans le livre. Nous trouvons d’ailleurs surprenant que Lienhard n’examine pas en profondeur les écrits de Luther sur le mariage, la famille et le célibat.

9 : P. 470.

10 :P. 484. Nous signalons à ce propos la parution en français du livre de Thomas KAUFMANN, Les 10 de Luther , tr. de l’allemand (Luthers Juden , 2014) par Jean-Marc TETAZ, Genève, Labor et Fides, 2016, 228 p.

11 :P. 263.

12 :P. 515-516.

13 :Robert PREUS, « Luther and Biblical Infallibility » dans Inerrancy and the Church , sous dir. John HANNAH, Chicago, Moody, 1984, p. 99-142, http://www.christforus.org/Papers/Content/Luther%20and%20Biblical%20Infallibility.pdf, consulté le 29 mars 2017.

14 :P. 206.

15 :P. ex., voir p. 54 et p. 300.

16 :Voir p. 461 et la note de bas de page 10 pour un exemple d’une explication utile. La vaste majorité des notes en bas de page indiquent la référence dans les Œuvres de Luther ou renvoient le lecteur à une autre section du livre. Il y a très peu de notes en bas de page qui comportent des explications.

17 :P. 556.

18 :P. 557-558.

19 :P. 465.

20 :P. 467.

21 :P. 556.

22 :Pour une étude approfondie du luthéranisme après Luther, voir l’ouvrage de référence de Robert PREUS en deux volumes : The Theology of Post-Reformation Lutheranism, A Study of Theological Prolegomena, Saint Louis, Concordia, 1970, 462 p. et The Theology of Post-Reformation Lutheranism, God and His Creation, Saint Louis, Concordia, 1972, 282 p. Pour les textes des confessions luthériennes elles-mêmes, voir l’ouvrage récemment réédité sous dir. André BIRMELE et Marc LIENHARD, La Foi des Eglises Luthériennes, Confessions et Catéchismes, Paris/Genève, [le] Cerf/Labor et Fides, 2017, 608 p.

23 :Anthony LANE fait remarquer que la définition du terme « justification » dans le document est clairement catholique et qu’il n’y aucune mention de la justice « étrangère » du Christ imputée au croyant par la foi (la doctrine protestante de la justification). Voir son Justification by Faith in Catholic-Protestant Dialogue, An Evangelical Assessment, Edinburgh, T&T Clark, 2002, pp. 157-158.

24 : Korey MAAS estime qu’il n’est pas faux de considérer que « la déclaration commune parle avec précision lorsqu’elle affirme que « l’enseignement des Eglises luthériennes présenté dans cette déclaration n’est plus concerné par les condamnations du Concile de Trente » – mais seulement parce que l’enseignement luthérien « présenté dans cette déclaration » ne provient pas de Luther lui-même, ni des confessions de foi luthériennes, ni du protestantisme de l’ère de la Réforme en général » (« Justification by Faith Alone » dans Matthew BARRETT, dir., Reformation Theology, A Systematic Summary, Wheaton, Crossway, 2017, p. 540).

25 : Nous pouvons citer à cet égard l’Eglise Luthérienne – Synode de Missouri aux Etats-Unis qui compte deux millions de membres. Elle ne fait pas partie de la Fédération Luthérienne Mondiale, et, dans sa réaction officielle à la Déclaration Commune, elle a dit : « Nous considérons que la Déclaration Commune constitue une capitulation concernant la vérité la plus importante qui est enseignée dans la Parole de Dieu. [Ce document] représente un écart clair et stupéfiant par rapport à la Réforme et donc est contraire à ce que cela veut dire d’être un chrétien luthérien » (cité par Samuel H. NAFZGER, « Joint Declaration on Justification: A Missouri Synod Perspective », Concordia Journal 27, 2001, p. 180).

26 : Pour un survol simple de la théologie de Luther destiné au croyant lambda, nous recommandons plutôt le livre de William CLAYTON, Martin Luther, Son cheminement, sa conversion et ses convictions, Montélimar, CLC, 2017, 92 p.

27 : Voir la section dans le livre de Lienhard qui traite du rapport entre Luther et les confessions de foi de l’Eglise primitive ainsi que les Pères de l’Eglise, p. 87-109.

28 : Cité par Marc LIENHARD, Martin Luther, Un temps, une vie, un message, Genève, Labor et Fides, 1991, p.350

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