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Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire ; moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance. Jean 10.10

« Des brebis massacrées dans leurs champs par des voleurs de viande » titrait le journal britannique The Times le 20 juillet 2019. De l’autre côté de la Manche, le site de France Info publiait l’année suivante un article au titre évocateur : « En Loire-Atlantique, les vols de moutons n’en finissent plus ». En ces temps de crise, les voleurs n’hésitent plus à s’attaquer à ces bêtes sans défense, au grand dam des bergers. Dans l’Évangile selon Jean, Jésus se présente justement comme le bon berger qui donne sa vie pour les brebis en contraste avec le voleur qui ne vient que pour causer leur perte.

Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire ; moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie et qu’elles l’aient en abondance. Jean 10.10

Hors contexte

Hors contexte

Éditions Clé. 168 pages.

Est-ce vraiment un problème d’utiliser nos versets favoris hors de leur contexte ? Comment éviter de faire dire à un verset ce qu’il ne dit pas ?

Nous avons tous des versets que nous citons régulièrement. Mais sommes-nous sûrs de bien les comprendre ? Le sens que nous leur donnons correspond-il à l’intention du Saint-Esprit ? Qui n’a jamais entendu, lors d’une réunion de prière, le verset : « Car, là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux » ? Peut-être serez-vous surpris de réaliser qu’il s’agit d’une erreur d’interprétation !

Tenir compte du contexte : voilà le leitmotiv de cet ouvrage ! Parce que mieux comprendre la Bible permet de mieux connaître Dieu et d’accomplir les œuvres qu’il a prévues pour nous.

Sous la direction de Samuel Perez, 17 auteurs du monde évangélique expliquent comment bien comprendre 17 versets connus mais mal compris, car souvent cités « hors contexte ». Ce livre se conclut par des conseils pratiques et des outils pour nous aider à éviter le piège du « hors contexte ».

Éditions Clé. 168 pages.

Le diable voleur de notre prospérité ?

Ce verset, souvent pris isolément, est l’un des plus plébiscités par les tenants du pseudo évangile de prospérité. Sur la page Facebook d’un célèbre pasteur africain, on peut lire le commentaire suivant sur Jean 10.10 : « Dieu n’a pas fait que nous aimer, mais il nous a aimés (sic) au point de désirer le rachat de l’homme qui est tombé sous la domination de Satan à cause du péché. Le voleur qui est Satan, le diable n’a qu’un projet : dérober, égorger et détruire. La vie donnée par Christ est la plénitude absolue de vie. Christ considère tout le monde (quiconque) comme des brebis candidates à la vie abondante, mais accessible par la foi en lui. L’abondance c’est une aisance procurée par des ressources matérielles. C’est aussi avoir pour soi bien au-delà de ce qui pourrait nous suffire ». Ce promoteur de l’évangile du bien-être matériel affirme donc, à partir de Jean 10.10, que le voleur représente le diable venu dérober la vie matérielle abondante des êtres humains. Ainsi, le salut apporté par Christ viserait donc une réappropriation des ressources détournées par l’ennemi de nos âmes, ce que Jean appellerait la vie abondante. Mais qu’en est-il vraiment ?

Le bon berger selon l’Ancien Testament

Jean 10.10 enseigne-t-il l’évangile de la prospérité ? Pour bien comprendre ce verset, il convient de le replacer dans le contexte de l’Évangile selon Jean, mais aussi de garder en vue son arrière-plan issu de l’Ancien Testament. En Jean 10, Jésus se présente comme le berger par excellence qui donne sa vie pour ses brebis, en contraste avec le voleur, mais aussi le mercenaire. Edward Klink y voit une « interprétation de l’illustration présentée dans le Psaume 23[1] ». En d’autres termes, c’est comme si l’auteur du quatrième Évangile dépeignait Jésus comme l’incarnation de « l’Éternel est mon berger » (Ps 23.1), un berger qui conduit son peuple en sécurité.

La métaphore du voleur semble quant à elle faire référence à Jérémie 23, un passage où Dieu dénonce les mauvais pasteurs qui portent atteinte au troupeau (Jr 23.1-2). À l’évidence, les faux bergers renvoient aux chefs du peuple qui le poussent à se détourner du Dieu de l’alliance. Craig Keener écrit : Non seulement les chefs d’Israël étaient de mauvais bergers (Jr 23.1-2 ; Ez 34.2) ; mais ils étaient également des voleurs et des brigands (Es 1.23 ; Jr 2.26 ; 7.11), exploitant avidement le peuple de Dieu (Ez 34.2-10)[2] ».

Une attente messianique ancienne …

En Jérémie 23, l’Éternel ne se contente pas de condamner les mauvais bergers, il promet surtout qu’il rassemblera son troupeau malmené sous la juridiction d’un roi messianique descendant de David qui apportera paix et sécurité (Jr 23.3-6). Ainsi, la métaphore du berger renvoie à une double attente : celle du prophète comme Moïse (Dt 18.18) et celle du roi comme David (2S 7.12- 13). N’oublions pas que Moïse et David étaient bergers lorsqu’ils ont été appelés par l’Éternel (Ex 3.1, 1S 16.11). On pourrait dire qu’ils ont changé de troupeau, mais pas de vocation !

Suivant ces prophéties de l’Ancien Testament, les Juifs de l’époque de Jésus attendaient, premièrement, le nouveau Moïse qui devait libérer le peuple et restaurer la Loi de l’Éternel ; et, deuxièmement, la venue de Jésus, la Parole faite chair, qui exercerait la justice et le droit parmi le peuple dans le cœur des croyants nés de nouveau (Jn 3). L’auteur du quatrième Évangile a clairement les attentes prophétiques en vue lorsqu’il rédige cette section. Il y décrit un durcissement des relations entre les autorités juives et Jésus, qui font suite à une série de controverses liées au secret autour de son identité et à son attitude déroutante.

Désormais accomplie !

En s’attribuant le titre de « bon berger » face aux pharisiens versés dans les Écritures, Jésus s’autoproclame Messie promis d’Israël qui dépasse les figures historiques de Moïse et David. Il vient instruire le peuple et le mener à l’obéissance à Dieu.

En s’attribuant le titre de « bon berger » face aux pharisiens versés dans les Écritures, Jésus s’autoproclame Messie promis d’Israël qui dépasse les figures historiques de Moïse et David. Il vient instruire le peuple et le mener à l’obéissance à Dieu. Les religieux du Ier siècle qui essayaient de réduire Jésus au silence se comportaient comme les faux bergers de l’époque de Jérémie. Ils induisaient le peuple en erreur, une erreur aux conséquences fâcheuses… Le voleur risque clairement de « faire la peau » aux brebis. Notez la gradation : voler, égorger, détruire, soulignant ainsi un danger croissant. Dans un contraste saisissant, Jésus se décrit comme le bon berger qui donne sa vie pour ses brebis (Jn 10.11), annonçant ainsi sa mort expiatoire à la croix. De plus, il se présente comme le berger donnant la vie en abondance en opposition avec le voleur. Mais de quelle vie s’agit-il, au juste ?

Une vie spirituelle abondante

Dès le prologue, la Parole est dépeinte par Jean comme créatrice et donneuse de vie puisqu’elle possède précisément la vie (Jn 1.3-4). Quelques chapitres plus loin, Jésus, la Parole faite chair, ose affirmer à son propre compte :

… tout comme le Père a la vie en lui-même, de même il a accordé au Fils d’être source de vie. Jean 5.26 – NFC

N’en déplaise aux tenants du pseudo évangile de la prospérité, jamais la « vie » ne désigne une quelconque réussite matérielle dans la pensée johannique.

Dans le chapitre suivant notre verset, Jésus se présentera en outre comme « la résurrection et la vie », le confirmant en opérant la résurrection de son ami Lazare (Jn 11.25). Andreas Köstenberger affirme ceci : « [Il] va sans dire que, dans la vision du monde de Jean, la vie transcende la simple existence physique et s’étend à la vie spirituelle, éternelle. En réalité, les termes ‘vie’ et ‘vie éternelle’ sont utilisés de manière interchangeable chez Jean[3] ». N’en déplaise aux tenants du pseudo évangile de la prospérité, jamais la « vie » ne désigne une quelconque réussite matérielle dans la pensée johannique. Jean Zumstein explique que : « Le concept de vie doit être compris dans un sens qualitatif : la vie dont parle le texte est la vie véritable, la vie eschatologique, c’est-à-dire la vie humaine qui atteint sa plénitude dans la communion avec Dieu. Cette vie accomplie n’est pas une réalité future, elle advient et est offerte dès le présent[4] ». La « vie en abondance » promise par Jésus est donc la vie de l’Esprit, cette communion d’amour que Dieu répand dans le cœur des croyants régénérés (Jn 3), une vie qui commence dans le « ici et maintenant » et se prolonge dans l’éternité (Jn 6.40).

Une mise en garde et un encouragement

Aujourd’hui encore, les faux docteurs de tous poils tentent de détourner le peuple de Dieu de la vie que Jésus propose en leur faisant miroiter de fausses promesses qui ne mènent qu’à la ruine. Se présentant comme des enseignants authentiques, ils ne sont en réalité que des loups ravisseurs habillés en vêtements de brebis (Mt 7.15). Prenons garde à ne pas nous laisser séduire par leurs mensonges ; laissons-nous plutôt guider par le bon berger dont nous reconnaissons la voix (Jn 10.27). Jésus est venu pour nous donner ce que l’argent et la réussite matérielle ne peuvent acheter : la vie de l’Esprit (Jn 7.37-39), une vie de communion avec le Dieu trinitaire caractérisée par l’obéissance (Jn 14.23) qui jaillit dans l’éternité (Jn 14.3). Nous pouvons, dès à présent, expérimenter cette vie pleine par la foi en Jésus-Christ, le bon berger qui a donné sa vie pour nous ! Qu’il en soit ainsi !


[1] Edward W. Klink III, John: Exegetical Commentary of the New Testament, Grand Rapids: Zondervan Academic, 2016, p. 469.

[2] Craig Keener, The Gospel of John, A Commentary, Volume 1, Grand Rapids: Baker Academic, 2003, p. 813.

[3] Andreas Köstenberger, A Theology of John’s Gospel and Letters, Biblical Theology of the New Testament, Grand Rapids: Zondervan, 2009, p. 285.

[4] Jean Zumstein, L’Évangile selon Jean, vol. 2, Genève : Labor & Fides, 2007, p. 66

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