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Passionné de cinéma, j’ai longtemps déploré les difficultés des films produits par des sociétés de production chrétienne pour se hisser aux standards artistiques du cinéma généraliste, tout en priant pour une progression qualitative. The Chosen a été une réponse inattendue.

Cette série se distingue par la qualité de son écriture et de son interprétation, et sa capacité unique à créer l’émotion. Avec son format d’épisodes de plus d’une heure, l’œuvre rentre dans le détail des Évangiles, consacrant une attention inédite à chaque personnage, chaque petit événement, pour le charger de sens et le relier à la « grande histoire » de la Bible. Là où tous les films sur Jésus se contentent de brosser à grands traits un portrait conforme aux attentes, The Chosen se caractérise par son approche en décalage des habitudes, et par le soin maniaque, la minutie apportée à chaque scène pour viser un niveau de réalisme dans les interactions entre personnages rarement atteint, garantie d’une immersion du spectateur dans les problématiques de l’époque.

The Chosen serait-il une version « upgradée », modernisée des Évangiles ? Un outil d’évangélisation plus efficace que nos traditionnels petits livrets Gédéon ?

La question que je pose est essentielle : qu’avons-nous besoin, ou que pouvons-nous ajouter à la lecture de la Bible ? Si la Bible se suffit à elle-même, cette série a-t-elle quelque chose à m’apporter en tant que croyant ?

Regarder cette série est l’occasion pour moi de réfléchir à mon propre rapport aux Évangiles, à mes habitudes de lecture, et je vous invite à cette même introspection.

Adolescent, mes premières lectures personnelles de la Bible avaient été des moments marquants, mais qui m’avaient posé plus de questions qu’apporté de réponse. C’est en recourant à des commentaires et à des podcasts que je commençais à comprendre l’admirable cohérence de la Bible comme ensemble, malgré les siècles séparant les livres les uns des autres, et que je finis par être absolument convaincu que ces textes ne pouvaient être le fruit de l’imagination humaine. J’ai ensuite demandé à Dieu de m’accorder son Esprit pour que ces moments de lecture permettent à ma foi de grandir.

J’ai aussi vécu une période de jeune converti au cours de laquelle je parvenais à maintenir une pratique quotidienne de lecture, mais en me concentrant surtout sur le sens intellectuel. L’encouragement du Christ à « sonder les Écritures » était presque devenu pour moi un jeu consistant à révéler un sens caché dans chaque verset, souvent à renfort d’étymologie grecque et de contextualisation historique. Mon esprit féru de démonstration intellectuelle entrait rapidement en ébullition, et finissait par juger les prédications à l’église insuffisamment nourrissantes. Sans m’en rendre compte, j’avais développé une habitude de lecture, celle de la recherche de la juste interprétation qui, au lieu de m’ouvrir les yeux et les oreilles à ce que Dieu voulait me dire, me ramenait à mon propre intellect. Il m’a fallu buter brutalement sur certains passages pour comprendre que…je ne pouvais pas tout comprendre.

Nous trouvons dans la Bible des moments similaires à celui que j’ai vécu. La soif de connaître Dieu et de comprendre sa Parole s’exprime par exemple dans les Psaumes, et mène directement à Jésus.

Comme une biche soupire après des courants d’eau, Ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. (Psaume 42)

Mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura jamais soif, et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau qui jaillira jusque dans la vie éternelle. (Jean 4.14)

Cette soif est un moteur essentiel pour motiver la lecture de la Bible, nous pouvons prier pour souffrir de cette soif toute notre vie ! Nous voyons également comment plusieurs personnages expérimentent la puissance des Écritures lorsque leur sens est révélé. Pensons aux disciples sur le chemin d’Emmaüs dans un passage où le terme « ouvrir » revient comme une litanie :

Ils se dirent l’un à l’autre : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous, tandis qu’il nous parlait sur la route et nous ouvrait les Écritures ? » (Luc 24.32)

La rencontre entre Philippe et l’eunuque éthiopien est un autre exemple de lecture « assistée » de la Bible.

 Philippe accourut et entendit l’Éthiopien lire le prophète Esaïe. Il lui dit: «Comprends-tu ce que tu lis?» L’homme répondit: «Comment le pourrais-je, si personne ne me l’explique?» et invita Philippe à monter et à s’asseoir avec lui.(Actes 8. 30-31)… Alors Philippe prit la parole et, en partant de ce texte de l’Écriture, il lui annonça la bonne nouvelle de Jésus.

Philippe a joué exactement le même rôle pour ce dignitaire qu’un bon commentaire Syndactyle pour moi. Paul explique aux Corinthiens pourquoi les Juifs, qui se disent pourtant spécialistes de la Torah, n’en ont qu’une lecture incomplète.

Mais leur intelligence s’est obscurcie. Jusqu’à aujourd’hui en effet, le même voile reste lorsqu’ils font la lecture de l’Ancien Testament, et il ne se lève pas parce que c’est en Christ qu’il disparaît. Jusqu’à aujourd’hui, quand les écrits de Moïse sont lus, un voile recouvre leur cœur ; mais lorsque quelqu’un se convertit au Seigneur, le voile est enlevé.(2 Corinthiens 3. 14-16)

Il nous faut admettre que, lorsque nous lisons la Parole, nous réalisons un premier travail d’interprétation malgré nous. Comme je l’étais, et continue à l’être, nous sommes bien souvent biaisés, soit que nous cherchions une réponse immédiate à une situation préoccupante, ou une confirmation à une idée déjà arrêtée d’un principe biblique. D’un point de vue cognitif, notre cerveau plaque automatiquement des images sur les mots en faisant appel à notre mémoire et à notre inconscient, attribue des visages aux personnages  : que l’on veuille ou non, nous ramenons le texte à nous.

The Chosen n’est pas l’Évangile, mais le travail de croyants autour de l’Évangile.

The Chosen n’est pas l’Évangile, mais le travail de croyants autour de l’Évangile. La série se permet d’ajouter des personnages et des scènes qui ne sont même pas mentionnés dans la Bible. Pourtant, Dieu nous avertit très sévèrement de ne rien ajouter ni rien retrancher à la Parole transmise : « Vous n’ajouterez rien à ce que je vous prescris, et vous n’en retrancherez rien ; mais vous observerez les commandements de l’Éternel » (Deutéronome 4.2) et « Je le déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : Si quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits dans ce livre  » (Apocalypse 18.22). Ces passages résonnent avec une force particulière à l’heure où la désinformation fait rage sur Internet et où la technologie permet de manipuler n’importe quelle image.

Les auteurs de The Chosen considèrent que le récit des apôtres n’est pas exhaustif, et que les interstices du texte laissent la place à des intrigues secondaires, tandis que d’autres scènes se déduisent facilement du contexte. Jean reconnaît lui-même cette non-exhaustivité à la fin de son évangile (Jésus a encore fait beaucoup d’autres choses. Si on voulait les raconter une à une, je pense que le monde entier ne suffirait pas pour contenir tous les livres qu’il faudrait écrire, Jean 21.25)

Vingt minutes de l’épisode 4 de la saison 2 sont dédiées à un montage musical particulièrement adroit sur la vie du paralytique avant qu’il ne s’installe à la piscine de Siloé : certes, l’Évangile est muet sur le sujet, mais le fait d’apporter à ce personnage une histoire n’a-t-il pas pour effet de décupler notre joie de le voir guéri, et notre reconnaissance envers Jésus ? Les problèmes de couple entre Pierre et Marie sont une pure invention, mais ils nous aident à suivre l’évolution du personnage de Pierre, à illustrer le changement de son cœur, et sont loin d’être improbables au vu de ce qu’impliquait de suivre Jésus, et nous interpellent personnellement sur les conséquences de notre engagement de croyant. Dans une scène de l’épisode 5 de la saison 4, des soldats Romains demandent à Jésus et ses disciples de porter leurs armes sur un kilomètre : il n’y a aucune trace de ce passage dans aucun Évangile, mais les auteurs l’envisagent comme une illustration d’une parole de Jésus : Si quelqu’un te force à faire un mille, fais-en deux avec lui.(Matthieu 5.41)

Même si les auteurs des Évangiles se sont appliqués à être aussi fidèles que possible à ce dont ils ont été témoins, le sens du message reste le plus important. Les Évangiles présentent des versions différentes d’un événement aussi important que la résurrection du Christ, parce que les auteurs de la Bible restaient humains, avec les limitations cognitives que cela implique (oublis, biais d’interprétation…) Je pense qu’il n’y a pas un symbole caché ou une leçon générale à tirer du fait que ce soit Pierre ou Jean qui ait vu le tombeau vide le premier, ou que Jésus ressuscité ait été vu en premier par Marie de Magdala ou d’autres disciples. Il y a d’abord à partager les émotions des témoins de cet événement si incroyable, à se réjouir de cette victoire inespérée sur la mort, à être bouleversé en profondeur ! L’Esprit ne nous vient pas seulement en aide pour comprendre les Écritures, il nous amène à vivre pleinement cette parole de David, Que tes paroles sont douces à mon palais, Plus que le miel à ma bouche ! (Psaume 119.103) C’est lorsque j’ai commencé à doubler ma quête de sens intellectuelle que j’ai vécu une première redécouverte de la Bible.

Je ne reçois donc pas les scènes non bibliques que se permet The Chosen comme des ajouts à la Bible, mais comme des encouragements à recevoir différemment l’impact du texte par le biais de l’image, et surtout à reprendre notre Bible

Pour répondre à la question que j’ai posée au début de cet article, oui, la Bible se suffit à elle-même en tant que Vérité inspirée et œuvre parfaite, même écrite par des auteurs imparfaits (Toute Écriture est inspirée de Dieu…, 2 Timothée 3.16). Je ne reçois donc pas les scènes non bibliques que se permet The Chosen comme des ajouts à la Bible, mais comme des encouragements à recevoir différemment l’impact du texte par le biais de l’image, et surtout à reprendre notre Bible. Ils agissent comme des commentaires nous suggérant des représentations différentes de celles que nous projetons sur le récit, que l’on peut se permettre de discuter, voire de rejeter, mais qui peuvent aussi éviter de nous enfermer dans notre perception. Tout le travail fait par The Chosen pour rendre plus sensibles les enjeux des personnages m’ont impliqué : au lieu de conserver une distance critique parfois confortable ou de m’en tenir à la théorie, je ne pouvais plus échapper à la question « qu’aurais-je fait à la place de Pierre, de Matthieu ou de Thomas ? » Dieu veut non seulement mon intellect, mais aussi mes émotions, mes questions, mes doutes, mes interprétations. C’est en m’ouvrant entièrement à Lui, en lisant et en relisant sa Parole, en l’éprouvant, en la redécouvrant, que je peux grandir, et si des commentaires, des chants ou la série The Chosen peuvent m’y aider, en conservant sur eux un esprit critique, merci Seigneur d’avoir inspiré d’autres croyants pour me soutenir dans mon cheminement.

En recevant la parole de Dieu que nous vous avons fait entendre, vous l’avez accueillie non comme la parole des hommes, mais comme ce qu’elle est vraiment : la parole de Dieu agissant en vous qui croyez. » (1 Thessaloniciens 2.13)

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