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Il y a quelques semaines, en pleine rentrée scolaire, un post qui passait furtivement dans mon fil Facebook a attiré mon attention. Deux mots ont accroché mon regard : quotient émotionnel. J’avais une vague idée de ce que c’était, mais sans plus. Je m’y suis arrêté quelques minutes. Le post en question n’était pas forcément passionnant. Quelque chose à voir avec la rentrée, les émotions. Ou quelque chose dans ce style-là.

Vous me direz que si ce post est sur le quotient émotionnel (QE), alors je ne fais visiblement pas d’effort pour rendre cette notion très attrayante. C’est peut-être parce que je suis pas très émotionnel, quoique ceux qui me connaissent bien trouvent à redire à cette affirmation ! Ou alors c’est parce que le post était moins intéressant que la notion de QE qu’il présentait. Mais qu’est-ce donc que ce QE ?

Qu’est-ce que le quotient émotionnel ?

Cela fait un peu plus de vingt ans que les expressions « quotient émotionnel » ou « intelligence émotionnelle » sont apparues dans la littérature spécialisée. Petit à petit ces deux concepts très liés ont fait leur chemin dans notre société. L’expression est familière. Le concept peut-être moins. Le QE, tout simplement, reflète la capacité à percevoir et à exprimer les émotions, à assimiler et exprimer les émotions par la pensée (et les mots), à comprendre et à raisonner avec les émotions, et à « réguler » les émotions pour soi-même mais aussi chez les autres[1].

Nos émotions participent à notre vie quotidienne

De manière plus complète, « L’intelligence émotionnelle est l’ensemble des capacités qui expliquent comment la perception et la compréhension émotionnelles des personnes varient dans leur précision. Plus formellement, nous définissons l’intelligence émotionnelle comme la capacité à percevoir et à exprimer les émotions, à assimiler les émotions dans la pensée, à comprendre et à raisonner les émotions et à réguler les émotions en soi et chez les autres. »[2] En clair, le QE exprime le fait que nos émotions participent à notre vie quotidienne. Le QE exprime aussi le fait que les émotions ne nous contrôlent pas nécessairement. Le QE peut s’améliorer. Les émotions, ça se « travaille », pour parler ainsi.

À la suite du QE, d’autres notions sont apparues dans les années 1980, comme la « familiarité » émotionnelle ou la conscience émotionnelle interpersonnelle. La dimension interpersonnelle est d’ailleurs une partie importante de la définition du QE selon deux auteurs qui ont beaucoup contribué aux discussions sur le sujet. Ils écrivent : « Les émotions reflètent les relations entre une personne et un ami, une famille, la situation, une société ou plus intérieurement, entre une personne et une réflexion ou une mémoire. »[3] Le QE reconnaît que les émotions font autant partie de ce que nous sommes que notre intellect. En cela, le QE exprime très partiellement et imparfaitement une dimension de notre nature d’êtres humains. Des êtres créés à l’image de Dieu.

Que faire du QE ?

Les émotions sont importantes. Et donc ? Que faire de cette notion ? Quelle est sa pertinence ? Des tests sont maintenant disponibles pour évaluer son QE et certaines entreprises n’hésitent pas à l’utiliser dans leurs démarches d’embauche. D’où pour certains l’importance du QE, importance qui dépasserait même celle du quotient intellectuel.

Pendant un moment nous étions censés avoir un cerveau créatif et un cerveau intellectuel. Maintenant on nous présente une distinction émotionnelle / intellectuelle. Loin de moi l’idée de  discuter de ces différences. Je n’essaierai même pas de deviner quelle distinction est la meilleure. Je n’ai pas l’arrière-plan scientifique pour vous dire vraiment ce qu’il en est. Il me semble cependant que l’évolution de ces catégories nous encourage à ne pas intégrer trop rapidement ces catégories scientifiques à notre théologie. Non pas que des concepts comme le QE soient nécessairement mauvais. Non. Mais nous devons être prudents. Les sciences ont souvent des choses intéressantes à nous dire. À condition de ne pas leur donner ce statut d’autorité que nous réservons à la Parole de Dieu.

Que nous aide-t-il à prédire ?

D’autant plus que parfois ces catégories scientifiques sont utilisées pour des objectifs discutables. Je suis par exemple un peu hésitant sur les buts recherchés par l’utilisation du QE. Que nous aide-t-il à prédire ? Par exemple : « Le modèle prédit en outre que les individus émotionnellement intelligents sont plus susceptibles (1) d’avoir été élevés par des parents sensibles sur le plan socio-émotionnel, (2) d’être capables de communiquer et de discuter des sentiments, (3) d’être capables de gérer efficacement ses émotions et, si cela est souhaitable (4) de développer des connaissances spécialisées dans un domaine émotionnel particulier, comme l’esthétique, la réactivité morale ou éthique, la résolution de problèmes sociaux, le leadership ou le sentiment spirituel. »[4] Le QE pourrait prédire ce que nous sommes. Et là je ne suis plus certain. La nature humaine est plus complexe que cela. Nous sommes en partie des êtres imprévisibles. Nous sommes en partie des êtres impossibles à prédire. Le comportement humain est, d’après l’enseignement biblique, trop conflictuel, en proie à des tensions qui affectent tout son être.

De plus, l’intelligence émotionnelle pourrait même servir à anticiper certains résultats de performance dans le monde professionnel. Faut-il prédire le moment où certaines entreprises feront (ou font déjà) des propositions d’embauche sur la base du QE ? La prédiction du QE pourrait-elle être un moyen de pression, de contrôle sur les employés ? Possible. Ce qui pose d’énormes questions éthiques. Les disciples de Christ devront pouvoir proclamer une parole de grâce et d’espérance… Mais comment ?

Les émotions : un témoignage chrétien

Les émotions font partie de notre vie chrétienne. C’est certain. Nous sommes des êtres humains après tout. Nos émotions sont humaines. Amour, compassion, bonté, rancœur, vengeance… nous les connaissons toutes. Mais comment les régissons-nous ? Nous commençons là à interagir d’une manière biblique avec le QE. Nous régissons nos émotions grâce à l’action de l’Esprit en nous, et grâce à la sagesse que Dieu donne à son peuple. Dieu transforme nos émotions. Cela prend du temps. Cela demande aussi de travailler à notre sanctification. Mais cette œuvre fait partie de ce que Dieu accomplit. La transformation graduelle qui en résulte est un signe de notre foi. Nous sommes des êtres changés. Cette réalité doit devenir de plus en plus visible. C’est une question de témoignage.

Cette dimension apologétique est aussi présente dans la communion fraternelle. Les émotions que nous entretenons les uns pour les autres sont aussi une forme d’apologétique. Dieu nous exhorte ainsi selon ces paroles de Paul : « Réjouissez-vous avec ceux qui sont dans la joie, pleurez avec ceux qui pleurent. » (Romains 12.15) Voilà ce que notre foi produit. Voilà une manière dont nous devons témoigner de notre foi.

[1]    J. D. Mayer, P. Salovey, & D. R. Caruso, « Models of emotional intelligence » dans R. J. Sternberg, éd., Handbook of Intelligence, New York, Cambridge University Press, 2000, pp. 396–420, ici p. 396.

[2]    J. D. Mayer, & P. Salovey, « What is emotional intelligence? » dans P. Salovey & D. Sluyter, éds., Emotional development and emotional intelligence: Implications for educators, New York, Basic Books, 1997, pp. 3– 31, ici p. 11.

[3]    J. D. Mayer, P. Salovey, D. R. Caruso, & L. Cherkasskiy, « Emotional Intelligence », vol. 18, no. 4, 11 février 2011, pp. 528-549, ici p. 531.

[4]    J. D. Mayer, & P. Salovey, « Emotional intelligence and the construction and regulation of feelings », Applied and Preventive Psychology, no. 4, 1995, pp. 197–208.

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