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Un jeune homme, par ailleurs engagé dans divers services, vient me voir. Il me demande pourquoi ne pas séparer la Bible en section historique, scientifique, et théologique ou morale. Cela permettrait, dit-il, d’accepter la présence d’erreurs dans l’Écriture dans « les sections historiques et scientifiques » sans pour autant remettre en doute sa vérité spirituelle. Il soutient qu’il y aurait des « accommodations » de la part des auteurs humains. Ils auraient écrit en fonction des convictions de leur époque, sans le souci de la précision qui caractérise nos sociétés contemporaines. Une perspective qu’il tenait de plusieurs reportages, livres et articles, de registres populaires et techniques.

Une telle approche est contraire à l’une des doctrines les plus importantes de l’Écriture. La doctrine de l’inerrance.

L’inerrance s’intéresse spécifiquement à la présence ou non d’erreurs ou de contradictions internes (voire externes) dans le texte sacré. Elle ne traite pas de son inspiration1, ni de son autorité2, même si elle ne peut faire l’économie d’une réflexion à ce sujet. Dans un certain sens, l’inerrance est conséquence de l’inspiration divine : si le « Dieu qui ne ment pas » (Tt 1.2), dont la connaissance est complète et parfaite (cf. Pr 15.3, Hé 4.13), a présidé au processus de rédaction de l’Écriture, il en découle naturellement que le fruit de son œuvre est conforme à son caractère.

Ceux qui veulent mixer inspiration et errance doivent définir l’erreur comme une accommodation divine aux formes humaines, flexibles, imprécises, et parfois fausses. La Bible serait donc la tendre berceuse du Père dont on garde à jamais un souvenir bienveillant, mais susceptible d’être disséqué par l’adulte critique, qui lui, sait distinguer le vrai du faux.

Le présent article tentera de cerner ce que la Bible dit de son contenu. La version e-book à télécharger répondra aux objections fréquentes avant de définir la doctrine de l’inerrance plus précisément.

L’AT sur lui-même

Quelques textes nous renseignent sur le regard que l’AT porte sur lui-même. Le Psaume 12.7 affirme que « les paroles de l’Éternel sont des paroles pures » et précise la nature de cette pureté : « un argent éprouvé au creuset de la terre, Et sept fois épuré. » La purification du minerai, dont on extrait les impuretés, image particulièrement la notion d’inerrance. De telles paroles ne sont pas mélangées à ce qui serait étranger à Dieu. Elles sont cérémoniellement pures, séparées de ce qui procède du contraire de la pureté.

Proverbes 30.5 exprime pareillement la fiabilité de la Parole de Dieu : « Toute parole de Dieu est éprouvée. […] N’ajoute rien à ses paroles, De peur qu’il ne te reprenne et que tu ne sois trouvé menteur. » (Proverbes 30.5-6). C’est la même image que précédemment, sauf que le verbe directement lié au travail d’orfèvre est utilisé ici. La parole qui vient de Dieu a été purifiée de toute scorie, de tout ce qui la rendrait imparfaite. L’éclairage du verset 6 appuie encore l’idée d’un écrit sûr et fiable. Car si la parole de Dieu peut errer à cause d’un auteur humain, à quoi servirait la mise en garde ? Un écrit partiellement inerrant n’aurait rien à craindre d’un ajout partiellement humain !

De telles affirmations rendent compte de l’admission forcée de Balaam : « Dieu n’est pas un homme pour mentir » (Nombres 23.19). Quand Dieu parle, il ne ment pas (même verbe qu’en Pr 30.6), ce qui est précisément l’accusation que l’on pourrait à juste titre formuler si ce qu’il avait dit n’était pas précisément le reflet objectif de la réalité. L’AT perçoit que la Parole « subsiste dans les cieux » (Ps 119.89), c’est-à-dire que son contenu est déjà arrêté, fermement établi, et que rien ne pourra ébranler (cf. Mt 24.35). L’Écriture est solide :

Plus encore que dans leurs paroles pour les hommes, c’est dans la Parole de Dieu que se concentre, et se condense, sa vérité. Le psaume 119 y insiste, et déclare avec force : le rôsh de ta parole est ‘éméth, c’est-à-dire : le principe, le fondement, la somme, la totalité, l’essence, de ta parole est la vérité (Ps. 119.160 ; cf. vv. 43, 142, 151 ; l’affirmation conjointe aux versets 142 et 160 concerne l’éternité, la permanence à jamais). L’affirmation vaut pour les trois formes de la parole révélatrice, et pour chacune séparément : la Torah de Moïse, les oracles des prophètes et l’enseignement des sages. Pour la Loi, elle revient fréquemment, au point qu’on appelle celle-ci naturellement « loi de vérité » (Mal. 2.6).3

Le NT sur l’AT

La notion d’inerrance en lien avec les rapports entre les testaments porte sur deux aspects. D’abord sur la correspondance des histoires. Ensuite sur le choix des textes cités.

Le regard sur les histoires vétérotestamentaires

Le NT porte un regard confiant sur l’AT, où rien ne permet de croire qu’il contiendrait des erreurs ou des approximations en décalage avec la réalité4. Ni Jésus ni les apôtres n’ont cherché à corriger les propos tenus5. Leurs perspectives s’en inspirent plutôt pour justifier leur propre perspective.

Ainsi Jésus s’appuie sur l’historicité d’un premier couple au commencement (Mat 19.4), évoque le déluge (Lc 17.26-27), la destruction de Sodome et Gomorrhe comme la transformation en sel de la femme de Lot (Lc 17.28-29, 31-32), le buisson ardent (Lc 20.37), le miracle de la manne (Jean 6.49), la préservation de Jonas dans le ventre du poisson (Mt 12.40), etc. Le NT affirme que Dieu a parlé par les auteurs de l’AT (cf. Mt 1.22; 22.43; Ac 1.16; Rm 9.25).

Si ces histoires ne correspondent pas à la réalité, Dieu le Fils aurait cédé à la naïveté de ses auditeurs pour communiquer à leur niveau. Une adaptation pleine de bienveillance – mais qui le rend complice d’erreurs. Ce qui attaque la fiabilité même de Dieu, présenté comme celui qui ne ment pas.

Les textes cités

Lorsque les textes du NT citent l’AT, il est fréquent de noter des différences. Parfois le texte massorétique est utilisé, parfois la LXX, parfois une traduction du texte hébreu selon une vocalisation différente de celle retenue dans le TM.

Est-ce à dire que le NT erre en citant l’AT ? Pas nécessairement.

Tout d’abord, il faut préciser que l’inerrance ne s’applique qu’aux seuls textes originaux. Les imprécisions de la vocalisation lui sont postérieures. L’erreur peut être là.

Ensuite, il faut remarquer que le statut d’inerrance touche également les deux testaments. Une formulation différente dans le NT est une seconde formulation inerrante. C’est le statut de citation qui suggère l’erreur. L’allusion, ou le développement d’une idée – sous la conduite de l’Esprit – formule un propos second qui complète le premier.

Enfin, le dessein salvateur des nations, esquissé dans l’AT (cf. Es 49.6), trouve son plein accomplissement dans le Christ. Avec lui se dévoile le mystère de l’inclusion des païens à la promesse d’Israël (cf. Co 1.27, Ep 2.11-22). Un tel dévoilement est véritablement une révélation nouvelle qui réoriente l’herméneutique restreinte à laquelle était habitué le peuple Juif. Dans ce sens, il ne s’agit pas de contradiction ni d’erreur, mais d’un développement théologique postérieur, qui tombe sous le statut de l’inerrance par son inclusion dans le NT. Ce qui semblerait contraire est plutôt une explication nécessaire au dévoilement de ce mystère.

Le NT sur les autres écrits

Il existe quelques citations d’auteurs ‘séculiers’ (cf. Ac 17.28, Ti 1.12). Leur insertion n’est pas problématique en soi pour la notion d’inerrance. Ce n’est pas une approbation de leurs auteurs dans tout ce qu’ils ont dit ou écrit, mais leur insertion témoigne de l’intention de l’Esprit pour illustrer ou souligner une vérité des auteurs sacrés.

Mais une citation, Jude 14-15 est problématique, particulièrement le verset 14 « C’est aussi pour eux qu’Hénoch, le septième (patriarche) depuis Adam, a prophétisé en ces termes : Voici que le Seigneur est venu avec ses saintes myriades. » Williams dit avoir franchi la barrière psychologique d’accepter la présence d’erreur dans le texte biblique avec ce texte : Hénoch n’aurait pas prophétisé puisque le livre d’Hénoch est un pseudépigraphe6. Jude commettrait une erreur ; la Bible attribuerait à tort l’origine de cette prophétie.

Le raisonnement de Williams est fautif sur plusieurs points. L’utilisation du verbe « prophétiser » lui fait croire que Jude croyait en l’inspiration de la prophétie du livre d’Hénoch. Cependant, être prophète, c’est avant tout être porte-parole, sans que l’ensemble des propos tenus puisse être considéré comme inspiré. C’est certainement le cas de Caïphe qui « prophétisa que Jésus devait mourir pour la nation » (Jn 11.51) ou d’Epiménide « prophète » des Crétois (Ti 1.12), tout comme la prophétie de l’Église (1 Co 14.29). Le sens et la fonction du « prophète » ne sont pas homogènes dans la Bible. S’appuyer sur un aspect du livre d’Hénoch ne lui confère pas le statut d’inerrance, et ne réduit aucunement les autres citations de l’AT au même statut que celui de ce livre !

Pour Williams, le problème est surtout lié au fait que ce livre soit un pseudépigraphe. Hénoch n’a donc jamais réellement prophétisé ce que Jude lui fait dire. Ce qui lui permet de dire : « Quelle que soit la direction que prend l’inerrantiste, la référence de Jude à Hénoch est une impasse pour l’inerrance, ou pour le canon protestant, ou pour les deux7. » Plusieurs hypothèses invérifiables sont nécessaires pour que Williams ait raison. Mais la plus importante d’entre elles, c’est qu’il faut pouvoir garantir qu’Hénoch n’a jamais dit ces choses ; qu’aucune tradition orale (authentique) n’ait rapporté ces propos avant la rédaction du livre. Or répondre à ces questions est objectivement impossible – personne ne peut l’attester, dans un sens ou dans l’autre. En sorte que l’objection de Williams n’est que la révélation de ses présuppositions initiales.

Le NT sur lui-même

L’Évangile de Luc s’ouvre sur une déclaration d’intention ambitieuse : « afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus » (Luc 1.4). La certitude dont il est question (asphelia) a pour notion l’assurance, la sécurité, la certitude, l’incapacité à tomber. Associé au a- privatif, le verbe sphallo (tomber, trébucher) signifie précisément l’absence d’erreur.

Lorsque Jésus affirme que la Parole ne peut être « abolie » (Jn 10.35), il souligne autant sa permanence que son absence d’erreur. Car même le propos surprenant (« vous êtes des dieux ») ne saurait être modifié au profit d’une convenance sociale. Elle ne peut être déliée, c’est-à-dire privée de vérité, de force, de poids.

L’autorité divine de la Parole est amplement démontrée par la première partie de 2 Timothée 3.16 mais c’est la seconde qui lui donne la connotation d’inerrance : pour qu’elle puisse redresser il faut qu’elle soit en mesure d’être étalon, d’être vraie, fiable. Un document sujet à l’erreur ne pourrait rétablir quelque chose de ‘tordu’. C’est cette qualité de la Parole qui qualifie l’homme de Dieu à toute œuvre bonne (3.17).

Soulignons que la permanence de la Parole de Dieu (Mat 24.35) n’est tenable que si elle est inerrante. En effet, un écrit susceptible d’être corrigé ne serait pas sans erreur. Peut-on imaginer, dans les temps éternels, corriger Jude ? Les chiffres de l’Exode (s’ils étaient bien dans l’original) ?

Enfin, le double référent de l’expression « parole de Dieu » ne peut qu’associer leurs qualités. Elle désigne à la fois le Fils de Dieu (Ap 19.13, Jn 1.1) et la révélation de Dieu (Ap 1.2, 9, 6.9, 20.4, Hé 4.12, 13.7, Jn 10.35).

Conclusion

L’Écriture se présente comme un texte fiable, issu de l’intervention de Dieu qui conduit les auteurs à écrire pour que les lecteurs puissent avoir confiance en elle. Cette confiance serait impossible si celle-ci n’était pas inerrante, comme l’atteste le texte biblique lui-même.

La suite est à télécharger en e-book. Elle répondra aux objections fréquentes avant de définir la doctrine de l’inerrance plus précisément.


1 … est cette influence extraordinaire, surnaturelle [ou, passivement, son résultat] exercée par le Saint Esprit sur les écrivains des Livres sacrés, par laquelle leurs paroles sont devenues également les paroles de Dieu, et ainsi, parfaitement infaillibles [Β. B. Warfield, “Inspiration and Criticism,” in Revelation and Inspiration New York: Oxford University Press, 1927, 396; italiques dans l’original]

2 Pour Grudem, « l’autorité de l’Écriture réside dans le fait que toutes les paroles de l’Écriture sont des paroles de Dieu, ce qui implique que rejeter ou désobéir à une parole de l’Écriture équivaut à rejeter ou désobéir à Dieu », Grudem, Wayne, Théologie Systématique, Excelsis, 2007, p. 57.

3 Blocher, Henri, « Qu’est-ce que la vérité ? Orientations bibliques dans le débat » op. cit., p. 10.

4 Ou pour reprendre l’exposé de Viviane André, « Ce que l’attitude fondamentale des apôtres nous apprend, c’est le respect de l’Écriture comme autorité véridique sur laquelle s’appuie tout enseignement postérieur et qui trouve son sens en Christ. »

5 C’est plus l’herméneutique du jour que contrent Christ ou les apôtres.

6 J. S., Williams, “The Error of Inerrancy.” Encounter 1996, 57, no. 1: 51-73. New Testament Abstracts, EBSCOhost (accessed March 9, 2012), p. 54, in C.A. Briggs, “The Authority of Holy Scripture,” in Inspiration and Inerrancy (London: James Clarke & Co., 1891),

7 Williams, op. cit., 60.

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