Un nouveau libéralisme fait son chemin au milieu de nos Églises et est en train de transformer nos dénominations. Non, ce libéralisme ne nie pas la naissance virginale ou l’historicité de la résurrection de Jésus. Ce libéralisme est ancré dans une exégèse biblique et dans les catégories historiques de la Réforme. Le libéralisme d’aujourd’hui cherche à utiliser les crédos et les confessions de foi classiques que nous connaissons et aimons, et il met l’emphase sur l’importance d’utiliser l’Écriture pour défendre nos idées.
Ce libéralisme prend pratiquement pied dans tous les principaux séminaires et groupes confessionnels issus de la Réforme. Comme le libéralisme combattu par Machen, ce libéralisme n’est pas simplement une aberration qui s’écarterait du christianisme biblique : c’est une religion totalement différente. Utilisant le même langage, empruntant à la même histoire, prêché souvent côte à côte avec l’orthodoxie, ce libéralisme menace le christianisme orthodoxe de manière aussi sérieuse que l’a fait le libéralisme du début du 20esiècle.
Libéralisme éthique
Le libéralisme théologique de la controverse « Fondamentalisme/Modernisme » touchait premièrement à des catégories doctrinales. Les libéraux du début du 20e siècle voulaient garder la forme et les ornements du christianisme, tout en le privant de tout contenu doctrinal qui confrontait la vision rationaliste de la science et du monde. Ils voulaient l’autorité morale de la religion, sans le contenu dogmatique du christianisme biblique.
Le libéralisme d’aujourd’hui n’est pas théologique, mais éthique.
Le libéralisme d’aujourd’hui, cependant, est d’une autre catégorie. Le libéralisme moderne accepte la validité des miracles, la naissance virginale et la divinité de Christ, l’autorité (du moins en théorie) de l’Écriture, la résurrection, la nature substitutive de l’expiation de Christ. Le libéralisme d’aujourd’hui n’est pas théologique, mais éthique. Le libéralisme actuel ne concerne pas ce que nous croyons, mais comment nous agissons. Bien sûr, la théologie se trouve toujours derrière notre éthique, mais en examinant les déclarations doctrinales des libéraux d’aujourd’hui, nous découvrons que l’enjeu n’est pas d’abord là. Nous voyons les enjeux surtout dans leurs pratiques.
Les libéraux théologiques du début du 20e siècle professaient la foi en un Jésus réel, tout en niant qu’il ait vraiment existé. Ils disaient croire toute l’Écriture, tout en sapant toute doctrine significative. De même aujourd’hui, les libéraux modernes professent la foi en la même théologie que le christianisme réformé orthodoxe, mais leurs pratiques sont profondément différentes du christianisme du Nouveau Testament.
Une vérité tordue
Les bonnes vérités ont été tordues. Ceux qui mettent l’emphase sur la grâce de Dieu et l’amour de Christ pour négliger ensuite un accent pleinement biblique sur les impératifs de repentance et de sainteté dans la vie chrétienne, démontrent quelle composante théologique se trouve derrière ce libéralisme moderne en plein essor. Ceux qui enseignent seulement la justification et l’amour de Dieu, ou qui nient ouvertement ou sapent tacitement la nécessité de la sanctification, sont en train de nourrir la dimension éthique du libéralisme moderne actuel.
L’épitre à Tite est très claire : la vie chrétienne comprend aussi bien la foi juste que les actes justes, aussi bien la croyance juste que la vie juste, aussi bien la doctrine biblique que la pratique biblique. La vraie repentance ne peut échapper à ces deux dimensions. Négliger l’un ou l’autre élément conduit à un christianisme déficient.
Exemples modernes
Quels sont les exemples modernes de ce nouveau libéralisme dans les Églises évangéliques aujourd’hui ?
- Un complémentarisme en constante évolution et un inconfort croissant vis-à-vis de l’idée d’une autorité masculine.
- Une réponse « pain grillé » aux questions de genre et une confusion sexuelle de nos jours.
- Un christianisme « me-too »
- La politisation superficielle des chaires
- Une théorie critique de la race dans l’Église et les instituts théologiques
- Une théologie pastorale déficiente, voire inexistante
- La mise à l’honneur du langage de l’Écriture, mais l’ignorance de sa substance
- La grâce au-dessus de la vérité
- L’amour au-dessus de la loi
- La justification au-dessus de la sanctification
- L’unité au-dessus de la fidélité
- L’empathie au-dessus de la communion
- Le ton au-dessus de la substance
- Les sentiments au-dessus du contenu de la foi
- La culture au-dessus de Christ
- Le libéralisme théologique du passé craignait que l’homme moderne ne croie pas à l’aspect raisonnable du christianisme vis-à-vis de la science ; le Dieu du libéralisme moderne craint que nous ayons une trop haute opinion de lui.
- Le libéralisme moderne a une vision trop basse du péché et de la Parole de Dieu (comme c’était déjà le cas de l’ancien libéralisme).
- Le libéralisme moderne a une vision fondamentalement thérapeutique de la rédemption. Son principal souci n’est pas que nous soyons en règle avec Dieu, mais que nous nous sentions mieux à propos de nous-mêmes et de notre relation avec Dieu.
- Le libéralisme moderne adopte de manière presque obsessionnelle la compréhension de la justice qu’a le monde, mais est indifférent à ce que Dieu dit de la justice.
- Le libéralisme moderne adore un Dieu qui peut sauver nos âmes, mais qui, soit ne veut pas, soit ne peut pas transformer notre nature dans cette vie.
- Le libéralisme moderne n’accorde pratiquement aucune place à une doctrine robuste de la sanctification et vit dans la crainte que toute discussion au sujet de la sanctification s’apparente à quelque chose de légaliste ou de moralisateur.
- Le libéralisme moderne a une piètre opinion de l’Église locale et des pasteurs de l’Église locale.
Discerner les temps
Les chrétiens réformés ont passé le siècle dernier à se confronter aux arguments et catégories du libéralisme du début du 20e siècle, mais ces batailles ont déjà été menées. Nous serons débordés si nous continuons à nous préparer pour les batailles idéologiques du siècle passé. Appelés à discerner les temps, nous devons comprendre la nature du libéralisme qui prend son essor dans le christianisme aujourd’hui. Ce libéralisme éthique, qui rejette vraiment une repentance authentique, menace de saper l’Église aujourd’hui et dans les prochaines décennies.
C’est tout autant une hérésie de nier la nécessité de la sanctification des croyants que de nier l’autorité de l’Écriture.
Il peut arriver qu’une Église ou un pasteur mette une emphase sur certains de ces points sans nécessairement être en train de dériver dans ce libéralisme. Mais la présence de plusieurs de ces marqueurs pourrait indiquer que ce libéralisme est en train de faire une « incursion ». Ne vous y trompez pas : le libéralisme moderne est tout autant hérétique que l’était le libéralisme théologique du début du 20esiècle. C’est tout autant une hérésie de nier la nécessité de la sanctification des croyants que de nier l’autorité de l’Écriture. Nier que Christ transforme réellement son peuple dans cette vie est tout autant une hérésie que nier sa venue pour sauver.
Dans le Nouveau Testament, l’Église est comparée à un édifice. Est-ce que nos Églises sont des maisons robustes bâties sur le roc, ou des cahutes venteuses bâties sur le sable ? Tout en tenant à la vérité, nous devons nous garder d’une tendance à défendre une orthodoxie cassante et sans amour ; mais cette vraie tentation ne doit pas nous dissuader de nous attacher à la vérité. Il arrive que des maisons robustes sentent un peu le moisi et aient besoin d’un peu d’air frais ou de revitalisation, mais une cahute de bord de mer s’envolera vite et n’offrira aucun abri du tout.
Que Dieu nous aide à tenir fermement tout l’Évangile, avec grâce et vérité