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Les 4 dangers de l’Église qui cherche à être “cool”

Ma réflexion est partie d'un article en ligne : Hipster Christianity, revisited, qui souligne qu'on ne peut pas changer la forme de l'Église sans altérer son message.

D’une part, il remet en question l'axiome selon lequel on peut changer sans limites la forme du message de l'Évangile, tout en en gardant le contenu. D'autre part, il met en  garde contre le danger des Églises de hipster, qui cherchent à être cool, à la dernière mode.

Quand j’ai partagé cet article sur facebook, on m'a demandé quels dangers je voyais à l’idée d'une Église cool; ma réponse forme la base de cet article.

Avant de parler des dangers, je vais d'abord évoquer de bonnes raisons d'adapter la forme de l'Église à la culture contemporaine. Les dangers que je souligne sont réels, mais ils ne signifient pas que l'on doit abandonner toute idée de pertinence culturelle. 

Une adaptation légitime

Deux angles importants au moins justifient l'utilisation de formes culturelles contemporaines.

Sous l'angle de la louange (au sens large, pas juste musical), du culte qu'on rend à Dieu, c'est l'Église telle qu'elle est aujourd'hui qui apporte sa louange. C'est donc bien d'utiliser des formes culturelles qui correspondent aux gens qui y participent. Dieu n'a pas donné un modèle culturel unique qui soit approprié pour l'adorer, mais il prend plaisir à la diversité de l'Église1

Sous l'angle du témoignage, Paul se dit prêt à agir en fonction de la situation des gens à qui il parle pour les toucher plus facilement (1 Cor 9.19-23). Les questions de styles et de culture sont secondaires, et c'est bien de s'adapter pour ôter des obstacles à l'Évangile. Il y aura toujours des gens choqués par le message, mais on n'a pas besoin de les scandaliser en plus pour des questions de formes.

Sur le fond, toutes les Églises sont confrontées au fait de s'adapter à leur culture, et rares sont les personnes qui pensent que l'Église a une forme de culture  indépendante. Ceux qui veulent vraiment refuser toute adaptation ne peuvent que rester bloqués dans une culture du passé (voir les amish pour l'exemple extrême), mais pas vivre sans forme culturelle.

Les dangers

Maintenant, les dangers de chercher à « faire cool ». J'utilise volontairement ce terme de cool pour parler spécifiquement de la volonté de se positionner comme un milieu à la mode. Je précise que toutes les églises qui visent à une pertinence culturelle n'ont pas cette vue, et que toutes les Églises « cool » ne tombent pas nécessairement dans tous ces dangers. Par contre, je pense que pour éviter ces risques il faut une attention consciente. Ce n'est pas non plus exhaustif, d’autres pièges menacent certainement les Églises « pas cool ».

1. Fausser les priorités

Un premier danger apparaît si le style et la qualité deviennent la première raison pour laquelle les gens viennent et restent. On peut adapter le style pour faciliter l'écoute de l'Évangile, mais penser que le style « fait venir » les gens est un piège. D'une part, l'Évangile est la seule chose que les Églises sont les seules à offrir ; pour tout le reste les gens peuvent trouver un meilleur fournisseur ailleurs. D'autre part, si les gens viennent, restent et s'impliquent parce que le style leur convient, il y a le risque que la population de l'Église soit formée  de gens toujours plus intéressés par le style que par l'Évangile. 

Ce danger existe aussi avec tout ce qu'on peut mettre en avant pour toucher des gens, que ce soit la profondeur intellectuelle, l'assistance aux nécessiteux ou la sensibilité psychologique. Se définir par la foi chrétienne plus quelque chose d'autre est toujours dangereux2. Ces choses peuvent être valables, mais comme outils pour l'Évangile et expression de l'Évangile. Il est facile de glisser vers le moment où elles deviennent un critère en soi.

2. Rejeter les gens pas cool

Un deuxième danger, c'est que la culture cool tend à se définir par contraste avec un « pas cool ». Souvent, pour les gens qui se considèrent comme « cool », la pire chose à faire serait d'être vus en compagnie de gens « pas cool » (je pense en tout cas que ça se passe largement ainsi dans la culture séculière). Dans l'Église, c'est un risque au point de vue individuel; on ne veut pas se compromettre avec des gens qui le sont moins cool que nous. C'est aussi un risque au point de vue collectif : pour toucher les gens qui correspondent à la culture valorisée du moment, on veut donner une image qui leur parle. Mais du coup, accueillir des gens qui y correspondent moins met en danger  l'objectif qu'on s'est fixé ; on préférerait qu'il n'y en ait pas trop, et surtout on ne veut pas qu'ils jouent un rôle dans l'image publique de l’Église.

Si Paul était prêt à vivre comme un païen ou comme un Juif pour atteindre tout le monde, il restait essentiel pour lui que dans l'Église il n'y ait ni païen, ni Juif : ces choses-là n'ont aucune importance à côté de l'identité commune en Jésus-Christ (Galates 3.28-29). On peut vivre côte à côte de manière différente, on ne doit pas regarder de haut ceux qui ont des codes culturels différents. L'amour et l'unité entre les chrétiens sont un témoignage bien plus puissant et fondamental que la pertinence culturelle. Prenons donc garde à ne pas rejeter des gens au nom du moyen que nous voulons utiliser pour les atteindre.

Dans cette optique,  il y a aussi le danger que la culture « cool », celle qui se trouve être valorisée, soit la culture des gens jeunes, riches, beaux et en bonne santé. Cela serait un drame, parce que l'Évangile implique un souci des faibles, des opprimés, des « sans-pouvoirs » (d'achat aussi ;-).

3. Perdre des éléments essentiels

Un autre angle où la forme et le fond ne sont pas indépendants, c'est qu'une vie d'Église saine a besoin de comporter des éléments variés et de répondre à des besoins multiples. Il se peut que certains de ces éléments soient vus comme inadaptés à l'époque. Par exemple, beaucoup de gens ressentent comme « pas cool » un exposé suivi et structuré avec un contenu intellectuel d'une certaine longueur.  Comment alors montrer la profondeur et la pertinence de la foi sans perdre son étiquette « cool » ? Selon les époques, il se peut que le silence soit vu comme « pas cool », ou au contraire que les manifestations émotionnelles bruyantes soient mal vues, qu'un accent déplacé soit mis sur le contenu intellectuel (probable au Siècle des Lumières ou au XIXe siècle), etc. Bref, il ne faut pas que les préférences du moment influent négativement sur la teneur de ce qui est transmis, ou sur l'équilibre du vécu. 

Personnellement, je pense que parfois être contre-culturel est aussi le moyen d'atteindre ceux qui perçoivent les manques et le déséquilibre de l'époque présente.

4. Le cool, ça change

Enfin, comme le mentionne aussi l'article cité en introduction, une des définitions de la mode c'est le changement. Les Églises à la mode se trouvent nécessairement face à une alternative : soit suivre la mode et larguer leurs membres qui ne s'adaptent pas aussi vite que les changements en cours, soit garder la culture de leur génération majoritaire, et devenir de moins en moins à la page. Bien sûr, on peut faire des compromis entre les deux, mais je crois que ces deux pôles sont de toute façon en tension. À l'inverse, si l'Évangile est absolument central dans l'identité de l'Église, il ne sera jamais plus à la mode ou moins à la mode, étant éternellement pertinent. Comme le dit une citation « Quiconque épouse l'esprit de ce siècle se trouvera veuf dans le suivant ».

L'Évangile au cœur

Bien sûr, tous ces risques ne s'évitent pas en choisissant une ringardise délibérée, mais en gardant Jésus-Christ et son Évangile au centre et en veillant sur nos cœurs. Et je le redis, les dangers que je souligne ne sont pas une description de ce que les Églises à la page font, mais des risques qui se présentent quand on cherche à être cool.

Je crois aussi qu'il y a de la place pour des Églises de styles différents, tant qu'on vit en gardant une vision fondamentale d'amour mutuel et d'unité. Paul et Pierre se sont serré la main en disant que  l'un irait vers les païens et l'autre vers les Juifs (Ga 2.9). Cela peut se faire aussi entre différentes Églises, mais prenons garde parce que notre cœur humain nous poussera facilement à penser que notre Église est meilleure à cause du style qu'elle a choisi.

Cherchons donc à être accessibles et compréhensibles pour nos contemporains, ôtons les obstacles que nous pouvons ôter, mais gardons-nous de mettre notre confiance dans la pertinence que nous espérons atteindre.

À Dieu soit la gloire pour toujours, Amen !

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