Noël, c’est une période tellement favorable à l’attente. Pour les enfants, c’est l’attente des cadeaux (c’est certain). Pour les adultes, c’est l’attente des vacances (un peu moins certain). Pour nous : l’attente millénaire du Dieu qui revient (absolument certain). Bien sûr, c’est cela Noël ! C’est une attente persévérante et priante de la promesse, ainsi qu’un rappel de la promesse. C’est un rappel de la promesse : « Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la souveraineté (reposera) sur son épaule ; on l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. » (Es 9.5) C’est une attente de la promesse : « Et voici, je viens bientôt ! » (Ap 3.11) Deux promesses, une même foi, un même Seigneur.
Incarnation et parousie
Noël, c’est à la fois un retour sur l’incarnation, et un regard vers la parousie. Christ est venu, Christ revient. C’est à la fois voir en arrière, et voir en avant.
Noël, c’est à la fois un retour sur l’incarnation, et un regard vers la parousie. Christ est venu, Christ revient. C’est à la fois voir en arrière, et voir en avant. Noël, c’est être conduit par l’Esprit à tendre les mains, ouvertes, l’une vers le passé, et l’autre vers le futur. Noël, c’est saisir à pleines mains ce que Jésus promet, sans laisser de côté ni ce qu’il a déjà accompli, ni ce qu’il continue d’accomplir, et ce qu’il terminera d’accomplir lorsque la plénitude de sa gloire descendra vers nous.
Cependant, il y a une place bien particulière à faire, une place à trouver, pour ce Noël de l’incarnation. Oui, bien sûr, Jésus est le roi qui revient triomphant, mais il est aussi, dans l’histoire de la rédemption que nous habitons, ici et maintenant, l’enfant qui vient de naître. Tous les ans, internet est le lieu d’une conversation (et parfois même, d’un très vif débat) éternelle. Jésus est-il d’abord ce bébé dormant dans le froid, ou le roi triomphant ? Jésus est-il d’abord ce « mignon bébé » couché dans une mangeoire ou le cavalier glorieux porteur d’un nom éternel ? Bien sûr, il est les deux… Mais cela ne nous dit pas ce qu’il doit être d’abord pour nous : le « mignon bébé » ou le cavalier blanc ?
Attendez… « mignon bébé » ? Qu’est-ce que c’est que cette expression pour parler du roi de gloire ?
Ah ! Eh bien, la voilà cette réaction que j’attendais ! Jésus… un mignon bébé dormant dans les bras de sa mère ? Oui. Mais oui bien sûr. Après tout, tous les nourrissons sont mignons. Enfin, c’est ce que j’ai toujours entendu dire. Pouvons-nous confesser toute l’humanité de Jésus, au point où nous pouvons dire qu’il est né « mignon bébé » ? Je sais que cette expression est osée. Elle est même très osée. Cependant, c’est un bon test de notre théologie de l’incarnation. Jésus a-t-il été pleinement humain, au point d’être un mignon nourrisson enveloppé et couché dans les bras d’une mère posant sur lui un regard tendre et plein d’amour ? Oui, il l’a été ! Il a été un nourrisson criant dans la nuit, et/ou un nourrisson qui ne pleurait pas. Dans tous les cas, « mignon bébé », il l’a été.
Une tension vivifiante
N’hésitons pas. Il a été, et il sera. Il a été le bébé couché, il sera le roi couronné. Il a aussi été le serviteur crucifié. Tout cela il l’a été, il l’est, il le sera. Cependant, nous hésitons souvent. Nous voulons choisir ce que Jésus est d’abord. Bien qu’impossible, nous demandons un choix, parce que notre foi ressent le besoin de savoir qui est ce Jésus dont nous proclamons et chantons la première venue.
Cette hésitation est normale. Après tout, nous vivons un « entre-deux-temps » que nous ne pouvons pas dépasser. Ni nos confessions de foi, ni nos théologies systématiques, pas plus que nos formations de disciples, ne peuvent effacer cela : nous sommes tellement pétris du temps, que nous ne pouvons qu’être pris entre ce que Jésus fut, et ce qu’il sera. Nourrisson, crucifié, ressuscité, et couronné. Jésus a été, il est, et il sera.
En ce temps de Noël, qui est Jésus d’abord ? Il n’est rien d’abord, hormis le Fils éternel. Cela il l’a été d’abord, avant la fondation du monde, avant que l’histoire ne naisse. Jésus est à la fois tout ce qu’il a été, et ce qu’il a fait, pour nous. Jésus est tout cela, à la fois, et c’est un mystère ! Peut-être que c’est cela que nous devons confesser à genoux devant la crèche. Reconnaissons qu’il est tout pour nous. Il est venu habiter notre humanité. Il est venu vivre la fragilité d’un nouveau-né, il est venu marcher dans la poussière de Judée, et il est venu se sacrifier. Jésus est tout pour nous. Par la foi il l’est au même moment de notre espérance.
Même si nous ne berçons pas ce nourrisson, que nous ne pleurons pas devant la croix, et que nous ne voyons pas ce roi de gloire, il est déjà cela par la foi. La foi espérante nous fait ouvrir les mains vers le passé et le futur, accueillant pleinement le don de Dieu-avec-nous.
Même si nous ne berçons pas ce nourrisson, que nous ne pleurons pas devant la croix, et que nous ne voyons pas ce roi de gloire, il est déjà cela par la foi. La foi espérante nous fait ouvrir les mains vers le passé et le futur, accueillant pleinement le don de Dieu-avec-nous.
La tension que nous pouvons parfois ressentir à Noël, devant la question de savoir qui est d’abord Jésus pour nous, est réelle. Et elle est vivifiante : c’est ce qui se passe lorsque nous adorons le Dieu entré dans le monde pour y planter le germe d’un renouveau radical, la semence d’un nouveau royaume. Vivons cette tension de vie qui étend notre foi du passé jusqu’à l’avenir. Ensemble, en ce temps de l’Avent, faisons mémoire, attendons, et espérons.
Adorant le roi venu dans le monde, connaissons à nouveau qui il a été, est, et sera toujours pour nous : un mignon bébé, crucifié, qui revient en gloire.