S’attarder sur la question du parler en langues dans le récit de la Pentecôte peut rapidement sonner comme une nouvelle prise de position dans les débats actuels, mais non, dans cet article il ne s’agit pas de savoir si ce sont des langues humaines ou si les chrétiens devraient encore parler en langues ! Bien que ces questions puissent (parfois) êtres légitimes, elles nous amènent souvent à passer à côté d’un enjeu important du fameux parler en langues à la Pentecôte et de ce qu’il signifie pour chaque chrétien.
La Pentecôte : l’accomplissement d’une prophétie
Petit résumé
Lorsque l’Esprit descend sur les disciples réunis et qu’ils se « mirent à parler en d’autres langues » (Actes 2.4) tous les entendent parler dans leurs propres langues et sont étonnés de cela. Tellement que certains se mettent même à dire que les disciples sont ivres. C’est justement à cela que Pierre va leur répondre. Il leur explique que ce qui se passe devant leurs yeux est l’accomplissement de ce que Dieu a promis à l’avance par le prophète Joël, à savoir : de répandre son Esprit sur tous les croyants.
1- Une citation très intéressante
Justement, en citant Joël, l’apôtre a pour but immédiat de répondre à leur étonnement concernant ces langues inconnues. Luc nous rapporte ces paroles de Pierre : « ces gens ne sont pas ivres comme vous le supposez, car ce n’est que la troisième heure du jour. Mais c’est ce qui a été dit par l’entremise du prophète Joël… » (Ac 2.15–16).
C’est donc bien cette question précise (des langues étrangères) qui va servir à Pierre d’accroche pour son discours ; c’est cette question-là qui va introduire le passage de Joël qu’il cite.
Jusque-là, rien de surprenant, et pourtant, la promesse en Joël ne fait aucune mention de « langues inconnues » à proprement parler.
Dans ce passage de Joël chapitre 3, ce qui témoigne concrètement de l’effusion de l’Esprit c’est la pratique prophétique ! L’ensemble du passage de Joël tourne bien dans le registre de la prophétie (en parlant de visions et de rêves…) et pourtant c’est plus particulièrement pour la question de ces paroles dites en d’autres langues que Pierre fait référence à l’accomplissement de la prophétie de Joël.
2- Un autre indice
Comme l’explique F.F Bruce dans son commentaire des Actes[1] les mots utilisés par Joël suggèrent une référence à ceux de Moïse en Nombres 11.29. En Nombres, lorsque deux autres inscrits qui ne s’étaient pas rassemblés avec 70 anciens autour de la tente reçoivent aussi l’Esprit et se mettent à prophétiser, Moïse répond « Ah ! si tout le peuple du SEIGNEUR était composé de prophètes, si le SEIGNEUR mettait son souffle sur eux ! ». La promesse de Dieu en Joël promet l’accomplissement de ce que Moïse souhaitait. À la fin, tout le peuple de Dieu recevra l’Esprit et prophétisera.
En se plaçant dans la continuité de cette attente de l’AT, le récit de la Pentecôte nous présente bien ce qui se passe par les disciples comme étant de l’ordre de l’activité prophétique.
3- Le petit « plus » de Pierre
Au verset 18, « je répandrai de mon Esprit, et ils parleront en prophètes. », c’est l’apôtre qui ajoute la précision « et ils parleront en prophètes » qui n’est pas présente en Joël. Pierre semble vouloir préciser que la pratique prophétique est bien ce qui caractérise l’effusion de l’Esprit dont parle Joël. Et donc de fait, plus précisément le parler en langues à la Pentecôte.
Ce que ça change ?
En considérant les langues à la Pentecôte comme une activité prophétique, il ne s’agit pas tant de s’attarder sur la distinction ou non à faire entre les termes de « parler en langues » et de « prophétie » mais plutôt de renouveler notre conception de l’office prophétique de chaque croyant.
Car si nous connaissons bien les passages (notamment de Paul) qui font référence à l’édification des croyants[2], nous oublions peut-être souvent le rôle prophétique que les croyants ont envers le monde entier.[3]
Or à la Pentecôte nous avons les disciples qui annoncent à des Hommes venant de toutes les nations « les œuvres grandioses de Dieu » (Ac 2.11) ! En bref, il s’agit de l’exemple type de la prophétie à destination du monde entier.
Les disciples proclament les grandes œuvres de Dieu à des Hommes de toutes nations, dans leur propre langue. Quoi de plus compréhensible et atteignable pour les auditeurs ?
Si le jugement à Babel amène l’embrouillement, l’incompréhension et puis la dissémination des humains sur toute la terre, ce parler en langues des disciples permet à des Hommes venant de toute la terre de comprendre ce qui leur est dit. Et donc de connaitre ces grandes œuvres de Dieu.
Disciples à la suite des premiers disciples, ayant reçu le même Esprit, cet élan qui pousse à la proclamation des grandes œuvres (et ultimement la grande œuvre de Salut) de Dieu avec tant d’accessibilité aux Hommes de toutes nations, devrait nous aussi nous animer.
Il ne s’agit pas de redire simplement avec redondance un appel à l’Évangélisation, mais de rappeler avec toute sa profondeur la portée du rôle prophétique que ce passage nous présente. Ce rôle que nous avons nous aussi auprès de nos contemporains.
En somme, que l’on tienne fermement à l’actualité du « parler en langues » ou que l’on considère cette ère comme particulière et révolue, il est important de comprendre et de recevoir la portée théologique[4] de ce signe miraculeux à la Pentecôte.
Ce qu’il nous dit ? Proclamons à tous et de manière accessible les grandes œuvres de Dieu !
Pour aller plus loin :
- La prophétie chrétienne d’après le Nouveau Testament, Excelsis, Timothée Minard
- L’œuvre du Saint-Esprit dans l’Histoire du Salut, Sylvain Romerowski