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Le plus souvent j’essaie d’écrire, pour cet article mensuel, quelque chose lié à l’actualité. Ce qui est parfois difficile. Souvent, l’actualité nous échappe. Parfois, il est bon de donner du temps à la réflexion. En tant que disciples de Christ, nous devons pouvoir distinguer les temps et les signes, les vents de changement et les eaux troublées de notre société. Cette entreprise apologétique nous permet de mieux proclamer la grâce et le pardon de Christ.

Pendant l’été, le Nouvel Obs a publié sur son site un article intitulé « La stratégie de la mouche : pourquoi le terrorisme est-il efficace ? » L’article a, si j’en crois les réseaux sociaux, été accueilli avec un certain enthousiasme. Les réseaux chrétiens aussi ont favorablement lu ces quelques lignes. De nombreux pasteurs, missionnaires, réseaux estudiantins, ont commenté sur la pertinence de l’article en question.

Il me semble malheureusement que ce type d’article pose plusieurs problèmes. Certains sont d’ordre purement « journalistique », d’autres peuvent être des leçons pour tous les chrétiens qui cherchent à défendre et expliquer leur foi dans un monde en constante mutation.

La valeur de la vie humaine

Le premier problème de cet article, c’est son uniformité. Le sujet ? « Le » terrorisme. Comme si « le » terrorisme existait. Comme si tous ceux qui sont appelés ainsi, comme si tous les mouvements qualifiés ainsi, se valaient. Je reste convaincu que c’est une erreur tragique. Le problème c’est que pour nous, chrétiens, réfléchir en uniformisant les choses démontre un manque d’écoute et de compréhension de nos contemporains. Parfois même, comme dans le cas présent, cela peut aller jusqu’au manque de compassion.

L’article s’articule autour de la conviction que le terrorisme est jugé par la différence entre les dommages matériels et les résultats qu’il engendre. La dimension disproportionnée entre action et conséquence est la marque du terrorisme. Ainsi nous lisons : « Ceux qui l’adoptent sont presque toujours des groupes faibles, qui n’ont pas, de toute façon, la capacité d’infliger d’importants dommages matériels à leurs ennemis. »1 Certes, d’un point de vue strictement militaire, c’est le cas.

Que doit en penser le disciple de Christ ? La terreur peut-elle être évaluée seulement par sa relation aux dommages matériels ? Non bien sûr. Il y a aussi les dommages humains. Bien que l’auteur ne les oublie pas, il sous-estime largement l’impact qu’une seule perte humaine peut avoir sur la psychologie collective. Pourquoi ? Parce qu’il y a quelque de profondément ancré en nous.

Bien que nous soyons à l’âge de l’égalité entre toutes les créatures, nous restons essentiellement convaincus que la vie humaine a quelque chose de quasi « sacré ». La perte d’une vie humaine, porteuse de l’image de Dieu, nous affecte au-delà de nombreuses autres pertes. La terreur n’est pas que psychologique. Ce serait oublier que la Terreur en France a pu faire 10 000 morts, ou que Staline a mené un règne de terreur qui s’est soldé par des millions de morts. La terreur n’a pas qu’une dimension psychologique, quoique nous en pensions. Maintenir le contraire c’est prendre le risque de « désincarner » ces deux notions de terreur et de terrorisme.

La terreur ne peut pas être qualifiée uniquement par le décalage entre la perte « matérielle » et les conséquences (politiques) de l’acte terroriste. Elle est aussi déterminée par l’angoisse et l’incompréhension de la mort gratuite. La disproportion numérique de la perte d’une vie humaine, d’autant plus de centaines de vies humaines, indique ancrée en nous la conviction d’une dimension unique et précieuse de la vie humaine

La motivation religieuse

Mais il y a un problème plus sérieux. Cet autre problème est celui de l’absence de prise en compte de la dimension religieuse. Attention cependant, ce problème est plus celui des lecteurs français que de l’auteur. Les réactions en France m’ont étonné. En tous cas les réactions des chrétiens, y compris ceux dans le ministère, m’ont surpris. J’avais l’impression que grâce à l’article, nous comprenions enfin le terrorisme de l’État islamique.

Et là, j’avoue être resté bouche bée. Je ne suis pas surpris que nos contemporains aient lu ainsi cet article. Après tout beaucoup n’ont aucune idée de ce qu’est la religion. Ils ne comprennent pas la force, la motivation, que peut entraîner la conviction religieuse. Beaucoup ne comprennent pas qu’il nous faut parfois comprendre la religion pour comprendre les actions. Mais je m’étonne que de nombreux chrétiens ayant lu cet article réfléchissent ainsi.

Comprendre la politique de terreur de l’EI, est-ce suffisant ? Est-ce suffisant pour comprendre ce qui se passe dans le contexte géopolitique actuel ? Je ne crois pas. Il nous faut porter attention aux motivations profondes de nos contemporains. Que ce soient les philosophes athées, comme Michel Onfray, que ce soit des organisations comme l’EI, tous ont des motivations nourries par leur vision du monde. Or, toute vision du monde est essentiellement nourrie par notre position en regard de Dieu.

Pour ceux qui veulent être témoins de Christ, la prise en compte des convictions religieuses n’est pas une option. S’en tenir à la « stratégie de la mouche » n’est pas suffisant. Effacer l’influence religieuse est une erreur tragique. Nous devons au contraire essayer de la comprendre. Quelles sont les motivations religieuses de l’EI ?2 Voilà la question qui devrait nous occuper.

Être apologète de Christ, c’est chercher à comprendre ce que ces êtres que nous appelons images de Dieu croient. C’est chercher ce que nos contemporains veulent, vivent, et pourquoi. Et cela nous demande de ne pas oublier que nous sommes tous des êtres essentiellement religieux.


1Yuval Harari, « La stratégie de la mouche: pourquoi le terrorisme est-il efficace ? », Le Nouvel Obs, 6 août 2016, http://bibliobs.nouvelobs.com, consulté le 20 septembre 2016.

2Un article initialement publié dans The Atlantic et traduit pour Le courrier international, donne de bonnes indications quant à ces motivations religieuses. Lire Graeme Wood, « Ce que veut vraiment l’Etat islamique », Le courrier international, 18 mars 2015, en ligne http://www.courrierinternational.com, consulté le 20 septembre 2016.

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