En octobre 2021 Michel-Yves Bollore et Olivier Bonnassies, un ingénieur et un entrepreneur, tous deux catholiques, publiaient un ouvrage assez massif de plus de 570 pages Dieu – La science Les preuves. Dans ce livre d’apologétique, les deux auteurs présentent des preuves scientifiques de l’existence de Dieu. Ce livre a déjà fait beaucoup parler de lui. Un de ceux qui a réagit à cette publication est le physicien Etienne Klein, dans une interview accordée à L’Express. Je pourrais parler du livre de Bollore et Bonnassies, mais je trouve la réaction de Klein vraiment intéressante. Elle nous encourage à continuer à réfléchir à la relation entre science et foi, ainsi qu’à notre apologétique.
La naïveté des preuves
Klein a-t-il raison ? Si nous pouvions trouver des « preuves » de l’existence de Dieu, serait-il alors réduit à une connaissance ? Nous pouvons en douter.
D’abord, Klein semble considérer qu’il n’y a de preuves que les preuves scientifiques. Ce n’est pas le cas, ou alors il faut s’entendre sur ce que « preuve » signifie. Tous les jours nous faisons des choix fondés sur des « preuves », des arguments, des indications qui ne relèvent pas de la science. Les choix moraux par exemple. Bien sûr, nous pourrions aussi choisir un autre terme que « preuve » : « argument » serait certainement préférable.
Klein va plus loin encore : si nous pouvions prouver Dieu, ce dernier deviendrait moins que Dieu. Dieu serait alors réduit à ce que nous pouvons connaître de lui. Bien sûr que non ! L’éclatante richesse de la personne de Dieu c’est qu’il se laisse connaître. Il désire intensément que nous le connaissions et accepte, demande même, que nous parlions de lui avec nos mots limités. Voilà qui est remarquable et devrait nous conduire à l’adoration ! Dieu désire ardemment être connu, au point où il accepte d’être parlé par nos mots. Connaître Dieu ne l’amoindrit pas, au contraire !
Un reste de matérialisme
Enfin, il se trouve dans l’interview de Klein un petit reste, un je-ne-sais-quoi de matérialisme. Klein explique, en parlant de cette « chose » à l’origine de l’univers : « Car de deux choses l’une : ou bien cette chose qui existait déjà a toujours été présente, donc n’a pas eu de commencement, et l’univers n’a pas eu d’origine proprement dite ; ou bien elle est elle-même la suite ou la conséquence d’une autre chose qui l’a précédée, et alors elle n’est pas… l’origine ! »
C’est un peu étrange quand même ! Soit l’univers est éternel, soit l’univers a eu un commencement. Dans les deux cas, Klein part du principe qu’il n’y a que matérialité dans l’univers. C’est pour cela qu’il dit que si la chose qui a présidé au commencement était déjà là, alors l’univers n’a pas de commencement. C’est parce qu’il ne peut pas y avoir d’origine non-matérielle à l’univers ! Klein trahit ici un positionnement qui demeure matérialiste. D’ailleurs Klein est à deux doigts de nous faire le coup du « Si tout a une cause, et que Dieu est la cause de l’univers, qui est la cause de Dieu ? » Une objection pas très convaincante à ce qu’on appelle l’argument de la première cause. Il n’en est pas loin…
Klein conclut : « Ainsi, le seul fait de désigner l’origine de l’univers contredit l’idée qu’il puisse y en avoir une : la nommer la supprime ! » Oui, si l’origine de l’univers est matérielle. Ce qui n’est pas le cas ! Toute l’interview tient en fait sur ce fondement matérialiste.
Le mystère
Klein invoque aussi dans son interview la notion de mystère. Pour que Dieu soit Dieu, et reste Dieu, il doit rester en dehors de notre connaissance. La notion même de Dieu doit nous renvoyer à celle de mystère. Dieu nous dépasse, Dieu dépasse notre connaissance. Dieu est un mystère pour nous : il ne se réduit à rien de ce que nous connaissons.
Au point où, dit Klein, « un dieu ajustant des constantes cosmologiques le priverait d’une bonne partie de sa gloire et de son prestige ». Pourquoi ? La réflexion de Klein compare Dieu à un mécanicien humain qui devrait ajuster les étoiles, et autres constantes naturelles. Klein n’explique cependant jamais pourquoi un Dieu créateur ne pourrait pas avoir créé l’univers, avec ses lois naturelles. Il n’explique pas non plus en quoi un tel Dieu créateur devrait constamment ajuster l’univers. L’apologétique chrétienne ne se dirige pas nécessairement dans cette direction, et les arguments de l’ajustement précis de l’univers ne concernent pas une sorte de « service entretien » de Dieu, mais son acte créateur.
Par « prudence » rationnelle, Klein préfère se ranger au mystère, car toutes nos réponses seraient « prématurées, voire vaines ». Son invocation du mystère se rapproche malheureusement trop d’une ignorance agnostique. Nous ne pouvons pas savoir, du coup… restons prudents !
La révélation
Prudence et agnosticisme. Qui peut savoir ce qui se passe derrière le voile de cet univers tellement complexe dans lequel nous vivons ? Qui peut dire qu’il se trouve, là quelque part, un Dieu créateur ? Mystère. Une chose manque à Klein, une chose qui explique son attitude par rapport à Dieu. Une chose qui explique pourquoi cette notion de mystère rationnel est aussi importante dans son interview. Il manque à Klein la doctrine de la révélation. Dieu ne parle pas, il ne vient pas à nous.
Or l’Ecriture entière nous proclame l’inverse : le mystère de la Parole, c’est que Dieu lui-même vient briser l’ignorance. Le mystère, c’est qu’il y a révélation, le mystère c’est la splendeur d’un Dieu qui se fait connaître, justement parce qu’il désire être connu !