L’anxiété semble être indissociable de l’existence moderne. Nous la ressentons comme une boule au ventre, un tourbillon de pensées, une anticipation douloureuse d’un avenir incertain. Mais si nous nous trompions sur sa nature ?
Et si l’anxiété, qui s’invite de plus en plus dans nos églises, n’était pas tant le problème, mais un symptôme ? Un signal d’alarme, certes désagréable, mais potentiellement profitable. Profitable, car elle pourrait mettre en lumière une faille plus profonde, un déséquilibre dans notre relation fondamentale avec Dieu.
Le mirage du contrôle et l’appel à la confiance
Nos angoisses ne nous donnent aucun pouvoir réel sur les événements majeurs de notre existence.
L’anxiété nous murmure que nous devons tout maîtriser, anticiper chaque scénario, nous prémunir contre toute éventualité. Pourtant, Jésus, dans Matthieu 6:25-34, nous confronte à la futilité de cette course effrénée. Il nous demande : « Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter un instant à la durée de sa vie ? ». La réponse est cinglante : personne. Nos angoisses ne nous donnent aucun pouvoir réel sur les événements majeurs de notre existence.
À l’inverse, il nous invite à observer la nature : les oiseaux, nourris sans semer ni moissonner ; les fleurs des champs, vêtues magnifiquement sans travailler ni tisser. Si un « Père céleste » prend ainsi soin d’eux, ne valons-nous pas « beaucoup plus » ?
C’est un appel radical à déplacer notre confiance. Plutôt que de nous fier à notre capacité illusoire à tout contrôler, nous sommes invités à faire confiance à un père qui connaît nos besoins réels et dont les priorités dépassent nos préoccupations matérielles immédiates. La véritable vie est plus que la nourriture et le vêtement.
La bonne crainte et les justes priorités
L’anxiété est une forme de crainte. Mais craignons-nous les bonnes choses ? Que craignons-nous ? Les Hommes ? Les circonstances ? Ou Dieu ?
La crainte de Dieu n’est ici pas une peur servile, mais d’un respect profond, d’une reconnaissance de la souveraineté et de la puissance de Dieu qui relativise toutes les autres peurs (Psaumes 27.1 ; Hébreux 13:6). Charles Spurgeon disait que : « Qui craint Dieu n’a rien d’autre à craindre ».[1]
L’histoire de Marthe et Marie (Luc 10:38-42) illustre ce déplacement des priorités. Marthe, affairée et inquiète par les tâches matérielles de l’accueil, est doucement reprise par Jésus. Son agitation, même bien intentionnée, lui fait manquer l’essentiel : écouter Jésus. Cela nous interpelle : nos angoisses, même celles qui paraissent légitimes ou « spirituelles » (l’avenir de l’Église, la conversion d’un proche), ne masquent-elles pas parfois une difficulté à nous centrer sur la seule chose « nécessaire » : la relation présente avec Dieu ?
De l’agitation à l’abandon actif
Comment passer concrètement de l’inquiétude à la confiance ?
Prier plutôt que ruminer : « Ne vous inquiétez de rien ; mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières… » (Philippiens 4:6). Remplacer activement le cycle des pensées anxieuses par un dialogue avec Dieu.
Cultiver l’humilité : Reconnaître nos limites et accepter de nous « abaisser sous la main puissante de Dieu » (1 Pierre 5:6-11) est une clé pour nous décharger de nos fardeaux sur lui, confiants qu’il prend soin de nous.
Apprendre le contentement : L’anxiété est souvent liée à l’insatisfaction ou à la peur de manquer. Apprendre à être satisfait de ce que l’on a, que ce soit dans la pauvreté ou l’abondance (Philippiens 4:12-13), enracine notre sécurité non dans les possessions ou les situations, mais en Dieu lui-même. C’est reconnaître sa souveraineté même dans l’épreuve.
Choisir l’amour plutôt que la crainte : L’antidote ultime à la crainte n’est pas le courage humain, mais l’amour confiant. « L’amour parfait bannit la crainte » (1 Jean 4:18). Comprendre l’amour indéfectible de Dieu nous libère de la peur du jugement et nous ouvre à lui et aux autres. C’est passer d’une tentative de contrôle basée sur la peur à un abandon confiant basé sur l’amour.
L’anxiété qui nous étreint n’a pas à être une fatalité, ni simplement un trouble psychologique à traiter. Elle devrait nous conduire à une interrogation profonde sur nos attachements, nos peurs fondamentales et la véritable source de notre sécurité. Elle nous pousse à nous demander : En quoi, ou en qui, plaçons-nous réellement notre confiance ? Sommes-nous prêts à lâcher notre besoin de contrôle pour nous abandonner à un amour qui nous dépasse et qui promet la paix ?