×
Parcourir

Est-ce que L’Exode est un mythe ?

L’exode des Israélites hors d’Égypte est un récit majeur auquel il est fait référence tout au long de la Bible et qui est connu de millions de personnes de par le monde. Mais beaucoup se demandent si l’exode a réellement eu lieu, du fait de l’absence présumée de preuves archéologiques et du scepticisme général quant à la fiabilité historique des récits bibliques. Il est souvent considéré comme un mythe ou une construction légendaire faite de morceaux de différents événements historiques qui s’étendent sur des périodes diverses, le tout mêlé en un seul récit.

Papyrus Brooklyn ©Titus Kennedy

L’un des arguments couramment avancés contre l’existence d’un exode historique est qu’il n’y aurait que peu ou pas de preuves d’un tel événement. Cependant, les preuves archéologiques et historiques attestent de la fiabilité du récit biblique de l’exode et de l’installation en Canaan.

Les Hébreux en Égypte

Le premier élément de cette histoire capitale est l’affirmation selon laquelle les Hébreux se sont installés en Égypte et y ont résidé pendant de nombreuses générations. D’une manière générale, les découvertes archéologiques montrent clairement que les Sémites de Canaan ont migré en Égypte et se sont installés dans la région nord-est du delta du Nil (Goshen), comme en témoignent des formes spécifiques de poterie, des coutumes funéraires, des outils et des armes, des inscriptions, des documents historiques, une race de mouton levantine, des peintures murales et même des divinités importées.

En outre, il existe des preuves au sujet de la présence en Égypte avant l’exode de personnes pouvant être spécifiquement identifiées comme des Hébreux. Une liste égyptienne d’esclaves domestiques sur le Papyrus Brooklyn 35.1446, probablement originaire de Thèbes et datant approximativement du 17ᵉ siècle avant J.-C., contient les noms de plus de 30 Sémites, auxquels, comme à Joseph, ont été donnés de nouveaux noms égyptiens (Gen. 41:45).1

Voici certains des noms hébreux figurant sur ce papyrus :

Nom hébreu sur le Papyrus Brooklyn Référence dans l’Écriture
Shiphrah Exode 1:15
‘Aqoba (Jacob/Yaqob) Genèse 25:26
Dawidi-huat (David) 1 Samuel 16:13
Esebtw (“herb”) Deutéronome 32:2
Hayah-wr (Eve) Genèse 3:20
Menahema (Menahem) 2 Rois 15:14
Ashera (Ascher) Genèse 30:13
Sekera (Issacar) Genèse 30:18
Hy’b’rw (Hébreu) Genèse 39:17

 

D’autres noms associés aux Hébreux ­- Jacob-El (Yaqub) sur des scarabées (NdT : bijoux sacrés) provenant de divers endroits et peut-être Jesse (Yushay) sur un ostracon (NdT : tesson de poterie utilisé pour écrire ou dessiner) de Deir el-Bahri ­- ont été trouvés en Égypte dans des contextes antérieurs à l’exode.

Une politique d’asservissement généralisé des Sémites ou des Asiatiques a également été mise en œuvre en Égypte. Elle a débuté avec le pharaon Ahmôsis Ier et la fondation de la XVIIIe dynastie, à l’époque où « un nouveau roi parvint au pouvoir en Égypte, un roi qui n’avait pas connu Joseph » (Ex. 1:8–14; 5:4–19). Cet asservissement comprenait la production de briques d’argile, des projets de construction et de l’agriculture.2

Ces récits d’esclavage hébraïque semblent coïncider avec la découverte, lors des fouilles de Ramsès (Tell el-Daba) et de Pithom (Tell Retabeh) au début de la XVIIIe dynastie, de grands entrepôts construits en briques d’argile, ainsi que de celle d’un palais royal égyptien situé sur les rives du fleuve et datant de cette époque (Ex 1:11 ; Ex 2:5-10, Actes 7:20–22).3

Dates de l’Exode et du règne de Pharaon

Une enquête approfondie sur l’exode historique exige toutefois de savoir précisément quand il a eu lieu. L’Écriture contient des indices à la fois évidents et subtils.

Tout d’abord, le livre des Rois rapporte que la 480e année après l’exode est l’année où Salomon a commencé le processus de construction du temple de Jérusalem, vers 967 av. J.-C. (1 Rois 6:1). Cela concorde avec l’affirmation de Jephthé selon laquelle les Israélites se trouvaient dans la terre promise depuis 300 ans, soit environ 5 décennies avant Saül, vers 1100 avant J.-C. (Jug. 11:26). Nous constatons également que 19 générations se sont écoulées entre l’exode et la construction du temple, ce qui, à raison d’une moyenne de 25 ans par génération, donne environ 475 ans (1 Chron. 6:33–37).

Pithom (Tell Retabeh) ©Titus Kennedy

De plus, grâce à des informations provenant de plusieurs inscriptions de dédicace de temples dans le Proche-Orient ancien, nous avons la preuve que les gens vivant à cette époque comptaient les années solaires réelles en pareil contexte ; ainsi nous pouvons démontrer que les Israélites enregistraient des calendriers réels.4 Cela nous aide à compter à partir de la construction du temple pour dater raisonnablement l’exode à environ 1446 avant J.-C. Nous pouvons ainsi rechercher dans ce cadre temporel spécifique des preuves externes susceptibles de corroborer le récit de l’Exode.

À cette époque de l’histoire égyptienne, Amenhotep II était devenu pharaon depuis peu. Son prédécesseur, Thutmose III, avait régné plus de 40 ans (voir Ex. 2:23; 4:19; 7:7; Actes 7:30). Cette réalité, en même temps que d’autres événements qui correspondent au récit de l’Exode, indique qu’un exode historique aurait eu lieu sous son règne.

Les documents, inscriptions et découvertes archéologiques de l’Égypte ancienne font également état de la mort mystérieuse du fils aîné du pharaon, du déclin de l’armée, de l’abandon de son palais dans le delta du Nil, de la tentative d’effacement d’Hatchepsout et d’un raid d’esclaves en Canaan.5 En outre, au 3e siècle avant J.-C., Manéthon, prêtre et historien égyptien, a désigné un Amenhotep (Aménophis) comme étant le pharaon ayant régné lors d’un exode hébreu. En outre, un poème égyptien intrigant connu sous le nom des « Lamentations d’Ipou-Our » pourrait conserver des souvenirs de l’époque des fléaux de l’Exode.6

Amenhotep II sur un char ©Titus Kennedy

Ces liens avec l’exode sont sujets à débat. Cependant, il existe d’autres preuves archéologiques de la présence d’Israélites hors d’Égypte à cette époque, d’abord en tant que nomades, puis en tant que conquérants et colons en Canaan.

L’errance des Hébreux et leur arrivée en Canaan

Il est difficile de trouver des preuves archéologiques de l’existence de populations nomades dans l’histoire ancienne en raison du caractère éphémère de leur présence en un lieu et de la fragilité de leur culture matérielle. Néanmoins, 2 inscriptions égyptiennes mentionnant les « nomades de Yahvé » provenant du temple de Soleb d’Amenhotep III semblent faire allusion aux Israélites errants vers 1400 avant J.-C., entre l’exode et la conquête de Canaan.7

Inscription à propos de  « Nomades de Yahvé ». ©Titus Kennedy

Ces inscriptions indiquent que les Égyptiens connaissaient le nom personnel de Dieu (Yahvé) et les Israélites, le seul peuple de l’Antiquité connu pour avoir adoré Yahvé. La date d’environ 40 ans après l’exode, la localisation de ces peuples entre l’Égypte et Canaan et leur statut de nomades confirment l’errance des Israélites après leur sortie d’Égypte (Ex. 5:1; Nom. 14:14).

Peu après, les Israélites sont apparus en Canaan, conquérant de nombreuses cités et s’installant dans la région. Des preuves de l’historicité et de la date de la conquête de Canaan peuvent être trouvées dans la correspondance entre divers rois cananéens et le pharaon. Ces tablettes cunéiformes, appelées Lettres d’Amarna, mentionnent les Hapirou, un groupe d’étrangers faisant la guerre et prenant des villes par la force et la ruse.8

Stèle de Merneptah ©Titus Kennedy

De plus, des preuves archéologiques des destructions liées à la conquête des Israélites ont été citées dans des villes clés du récit de Josué, notamment Jéricho ; elles font état d’incendies destructeurs massifs, de murs effondrés, d’aucun pillage et d’un long abandon vers 1400 avant J.-C.9 Par la suite, des preuves de colonisation de nombreuses villes démontrent qu’un nouveau groupe de personnes est apparu en Canaan, avec une architecture, une poterie, un régime alimentaire et des traditions religieuses qui lui étaient propres. La stèle de Mérenptah, datant de la fin du XIIIe siècle avant J.-C., appelle ce peuple « Israël » et c’est le seul groupe de personnes du pays de Canaan mentionné par le pharaon.10

Ces découvertes archéologiques et bien d’autres confirment la fiabilité historique du récit biblique de l’exode et de l’installation en Canaan. Elles peuvent nous donner une plus grande confiance dans la parole de Dieu, alors que nous apprécions sa provision pour son peuple.


1. William Hayes, “A Papyrus of the Late Middle Kingdom in the Brooklyn Museum” [“Un papyrus de la fin du Moyen Empire au musée de Brooklyn”] (Brooklyn Museum, 1955).
2. Comme l’attestent des textes tels que ceux-ci : Le Papyrus de Leningrad 1116A ; Le tombeau de Rekmire ; le rouleau de cuir du Louvre.
3. Manred Bietak et Irene Forsner-Muller, “The Topography of New Kingdom Avaris and Per Ramesses” [“La topographie du Nouvel Empire d'Avaris et de Ramsès”] dans “Ramesside Studies in Honour of K. A. Kitchen” [“Études sur le Ramesside en l'honneur de K. A. Kitchen”], ed. M. Collier and S. Snape (Rutherford, 2011), 23–51; Irene Forstner-Müller, “Settlement Patterns at Avaris, A Study on Two Cases,” [“Modes de peuplement à Avaris, étude de deux cas”] dans “Cities and Urbanism in Ancient Egypt,” [“Villes et urbanisme dans l'Égypte ancienne”] ed. M. Bietak, E. Czerny et I. Forstner-Müller (Presses de l'Académie des sciences d'Autriche, 2006), 108–24 ; Manfred Bietak, “Peru-nefer: The Principal New Kingdom Naval Base” [“Peru-nefer : La principale base navale du Nouvel Empire”],“Egyptian Archaeology” [“Archéologie égyptienne”], 34 (2009) : 15–17 ; Bryant Wood, “New Discoveries at Rameses” [“Nouvelles découvertes à Ramsès”], “Bible and Spade” 21, no. 1 (2008) : 28–32 ; Sławomir Rzepka, et al., “Egyptian Mission Rescue Excavations in Tell el-Retaba. Part 1 : New Kingdom Remains,” [“Fouilles de sauvetage de la mission égyptienne à Tell el-Retaba. 1Ère Partie : Les vestiges du nouveau royaume”], “Egypt and the Levant” [“L'Égypte et le Levant”] 22/23 (2012/2013) : 253–87.
4. Titus Kennedy, “Temple Dedication and Construction Texts of the Ancient Near East with Elapsed Years : Implications for Long Duration Chronologies” [“Textes de dédicace et de construction de temples du Proche-Orient ancien avec années écoulées : Implications pour les chronologies de longue durée”], “Religions” 15, no. 4 (2024) : 408, https://www.mdpi.com/2077-1444/15/4/408.
5. Douglas Petrovich, “Amenhotep II and the Historicity of the Exodus-Pharaoh” [“Amenhotep II et l'historicité de l'Exode-Pharaon”], “The Master's Seminary Journal” 17, no. 1 (2006) ; David Hansen, “Moses and Hatshepsut” [“Moïse et Hatchepsout”], “Bible and Spade” 16 no. 1 (2003) ; Titus Kennedy, “The Essential Archaeological Guide to Bible Lands” [“Le guide archéologique essentiel des terres bibliques”] (Harvest House, 2023) ; David Hansen, “Moses and Hatshepsut” [“Moïse et Hatchepsout”] “Bible and Spade” 16 no. 1 (2003):14–20.
6. Titus Kennedy, “Ipuwer Versus the Exodus Plagues” [“Ipou-Our contre les fléaux de l'Exode”], “Bible and Spade” 35:1 (2022): 23–32.
7. Titus Kennedy, “The Land of the SAsw (Nomads) of yhwA at Soleb” [“La terre des SAsw (Nomades) d'yhwA à Soleb”], “Dotawo: A Journal of Nubian Studies” [“Dotawo: Une revue d'études nubiennes”] 6 (2019) : 175–192, https://escholarship.org/uc/item/07x6659z.
8. William Moran, “The Amarna Letters” [“Les lettres amarniennes”] (Johns Hopkins University Press, 2002), lettres EA 286, EA 727, EA 288, et EA 289.
9. Titus Kennedy, “The Bronze Age Destruction of Jericho: Archaeology, and the Book of Joshua” [“La destruction de Jéricho à l'âge du bronze : l'archéologie et le livre de Josué”], “Religions” 14, no. 6: 796, https://doi.org/10.3390/rel14060796.
10. Michael Hasel, “Israel in the Merneptah Stela” [“Israël sur la stèle de Mérenptah”], “Bulletin of the American Schools of Oriental Research” [“Bulletin de recherche orientale des écoles américaines”] 296 (1994) : 45–61
EN VOIR PLUS
Chargement