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La douceur chrétienne radicale à l’époque de l’indignation chronique

La colère est une des émotions humaines les plus attirantes. Lorsque nous sommes blessés, menacés ou offensés, nous sommes fortement tentés de rendre coup pour coup. Nous voulons riposter, rendre la pareille de ce que nous avons reçu. Surtout lorsque nous sommes en colère pour ce que nous considérons comme une cause juste, nous avons tendance à vouloir nous lever et combattre pour ce qui est juste.

À une époque marquée de toutes parts par la colère, les revendications et les ressentiments, y compris parmi les chrétiens, il est particulièrement utile de prendre une pause pour écouter les enseignements de sagesse de Jonathan Edwards sur ce sujet. Bien qu’il ait vécu à une époque très différente de la nôtre, il a souvent été confronté à ces caractéristiques permanentes de la nature humaine, même parmi les fidèles des églises coloniales de la Nouvelle-Angleterre.

Dans un passage saisissant, mais trop souvent négligé, de son œuvre « Religious Affections », Edwards insiste sur le fait qu’un trait essentiel de tout chrétien authentique est « l’esprit et le tempérament de Jésus-Christ, qui ressemble à celui d’un agneau et d’une colombe ». Il présente ce point comme un élément fondamental de la foi. Il affirme que les nombreuses preuves bibliques démontrent que de tels traits sont des caractéristiques essentielles des chrétiens authentiques.

Edwards insiste sur le fait qu’un trait essentiel de tout chrétien authentique est « l’esprit et le tempérament de Jésus-Christ, qui ressemble à celui d’un agneau et d’une colombe ».

La douce vision de l’Écriture

Au cœur de l’Évangile se trouvent les enseignements radicaux de Jésus rassemblés dans le Sermon sur la Montagne, selon lesquels la bénédiction se trouve chez les doux, les miséricordieux et ceux qui deviennent comme des petits enfants.

De même, Paul exhorte fréquemment les élus à cultiver ces vertus, comme on le voit en Colossiens 3:12-13, où il presse de trouver en eux « la compassion, la bonté, l’humilité, la patience » ; et de se « supporter les uns les autres » et de « se pardonner réciproquement ». Ou encore en 1 Corinthiens 13, où des traits similaires d’humilité et de considération envers les autres sont décrits comme les caractéristiques de la véritable charité. Ou encore, considérez le « fruit de l’Esprit », qui comprend « l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bienveillance, la foi, la douceur, la maîtrise de soi » (Galates 5:22-23).

Ce ne sont là que quelques-uns des points bibliques essentiels les plus connus, mais Edwards présente page après page des textes bibliques montrant que ces caractéristiques ne sont pas seulement celles du Christ, mais qu’elles devraient également être évidentes chez toute personne « en Christ ».

Notre penchant militariste

La fermeté intransigeante d’Edwards sur ce point est particulièrement nécessaire aujourd’hui, car elle est si rarement mise en avant, et encore moins soulignée, dans une grande partie du monde évangélique. Surtout aux États-Unis, lorsqu’on parle de chrétiens « évangéliques », ces qualités sont rarement celles qui viennent à l’esprit. Les églises réformées parmi les évangéliques ne font généralement pas exception. Non pas que ces enseignements bibliques soient totalement absents, mais les implications radicalement douces et pacifiques de notre nouvelle nature, telles que soulignées par Edwards, sont rarement mises en avant en tant que marques essentielles des vrais chrétiens.

Bon nombre d’évangéliques du 21e siècle ont été en partie façonnés par l’héritage fondamentaliste du 20e siècle. Les fondamentalistes, animés d’un zèle compréhensible pour défendre les éléments essentiels de la foi traditionnelle, présentaient généralement leur préoccupation comme une cause militante. Ils mettaient l’accent sur les images de guerre présentes dans la Bible, les appliquant à la lutte contre le libéralisme et de nombreuses tendances culturelles modernes. L’indignation face à de telles tendances pouvait souvent conduire à la colère envers ceux qui sapaient l’enseignement traditionnel. Et l’indignation vertueuse était souvent un outil efficace pour mobiliser les chrétiens afin de défendre la foi.

De telles mises en avant du sentiment de combat persistent dans de nombreuses églises évangéliques, y compris celles qui ont dépassé le fondamentalisme classique. Même certains membres des églises réformées qui ont le plus célébré Edwards ont également célébré le militantisme viril, allant à l’encontre de ce qu’Edwards considère comme une qualité essentielle d’un véritable enfant de Dieu.

Plus généralement, nous vivons à une époque où les médias sociaux accordent une grande importance à la culture de la colère et de l’indignation. Nous sommes confrontés à une pandémie d’indignation addictive qui se propage sur Internet de manière incontrôlée. La polarisation des hostilités politiques a aggravé la situation, et les chrétiens de toutes tendances, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne sont guère à l’abri de ces dangers. L’accent mis par Edwards sur « l’esprit et le tempérament de Jésus-Christ, semblables à ceux d’un agneau et d’une colombe », peut être nécessaire aujourd’hui plus que jamais.

Certains membres des églises réformées qui ont le plus célébré Edwards ont également célébré le militantisme viril, allant à l’encontre de ce qu’Edwards considère comme une qualité essentielle d’un véritable enfant de Dieu.

Qu’en est-il du courage chrétien ?

Edwards répond par avance à ceux qui voudraient lui objecter qu’il y a aussi une place pour « le courage chrétien et la hardiesse pour Christ, en étant de bons soldats dans le combat chrétien et en s’avançant hardiment contre les ennemis de Christ et de son peuple ». Il y a en vérité une place, concède-t-il, pour le courage et la hardiesse dans une guerre littérale. Mais il ajoute aussitôt que « bien des gens se trompent quant à la nature du courage chrétien » quand ils font des attitudes cruelles et brutales, qu’on a dans la guerre humaine, un modèle pour les attitudes chrétiennes en général.

Même certains membres des églises réformées qui ont le plus célébré Edwards ont également célébré le militantisme viril d’une manière contraire à ce qu’Edwards considère comme une qualité essentielle d’un authentique enfant de Dieu.

« Si le courage chrétien consiste à résister et à contrer les ennemis extérieurs », reconnaît-il, « il consiste encore plus à résister et à réprimer les ennemis intérieurs ». Il s’agit des ennemis que sont l’orgueil et la suffisance, qui sont les opposés de la « douceur, de l’amabilité et de la bienveillance d’esprit ». Comme le dit Proverbes 16:32, « Celui qui est lent à la colère vaut mieux qu’un héros, Et celui qui est maître de lui-même, que celui qui prend des villes».(LS)

Quand nous pensons à la « guerre chrétienne » comme à l’une des métaphores qui devraient façonner la vie du chrétien, nous dit Edwards, nous devrions aussi penser à notre chef Jésus-Christ en tant que modèle pour mener un tel combat. Christ aurait pu résister à ses oppresseurs avec le courage d’un lion rugissant. Mais au lieu de cela, il a montré sa bravoure comme un doux agneau. Si nous devons suivre le Christ avec audace et courage, ce ne doit pas être dans le déploiement de passions ardentes ; non pas par des discours féroces et violents, par des déclamations véhémentes, par des cris contre l’intolérable méchanceté des adversaires, en utilisant contre eux leurs propres termes ; mais en n’ouvrant pas la bouche quand on est affligé et opprimé, en allant comme un agneau à la boucherie, et comme une brebis muette devant ceux qui la tondent ; en n’ouvrant pas la bouche ; en priant le père de pardonner à ses cruels ennemis, parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

Edwards admet le fait que certains chrétiens authentiques peuvent avoir un tempérament naturellement difficile et une mentalité contrariante qui les amènent parfois à agir à l’opposé de la nature douce de Christ. « Mais j’affirme ceci », déclare-t-il, « et je continuerai de l’affirmer, sinon ce serait renier la valeur de la Bible : tout ce qui appartient au véritable christianisme tend dans cette direction et agit en fonction. Ainsi, aucun chrétien authentique sur terre n’est exempt de l’influence prédominante de cet état d’esprit-là [la douceur], il en porte vraiment le nom et cela fait partie intégrante de sa personne ».

En fin de compte, Edwards insiste sur le fait que tous les chrétiens authentiques sont dominés par les traits de caractère du Christ.

Note de l'éditeur : 

Cet article est adapté de An Infinite Fountain of Light: Jonathan Edwards for the Twenty-First Century par George Marsden (IVP Academic, Juin 2023).

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