×
Parcourir
Note de l'éditeur : 

Nous avons conscience que cet article décrit essentiellement le contexte missionnaire Américain. En le publiant notre objectif n’est pas de décourager les missions court terme, mais d’encourager à la réflexion et notamment en s’appuyant sur l’article qui suit : Vers de meilleures missions court-terme

Note de l’éditeur : Cet article sera suivi d’un autre article où l’auteur nous proposera de réfléchir a aller vers de meilleures missions à court terme

J’ai vu de mes propres yeux ou entendu parler de maisons qui, en Amérique latine, ont été repeintes 20 fois par 20 équipes court-terme différentes ; de faux orphelinats érigés en Ouganda seulement pour se faire donner de l’argent par les Occidentaux ; des internats en Inde dont le but principal est de demander de l’argent aux Occidentaux ; d’enfants de pays d’Afrique mutilés intentionnellement par leurs parents afin de toucher la sympathie des gens en mendiant ; d’une église de style Nouvelle-Angleterre bâtie par une équipe occidentale au Cameroun et qui n’est utilisée que quand l’équipe vient faire une visite ; et de taudis remplis de grands écrans de télévision  et de tours pour la téléphonie mobile.

J’ai vu ou entendu parler d’équipes de grands-mères qui se rendent dans les pays d’Afrique et prennent en main des bébés orphelins durant une semaine chaque année mais n’envoient jamais un centime pour les aider en dehors de cela ; d’équipes qui bâtissent des maisons qui ne sont jamais utilisées ; d’équipes qui apportent le meilleur matériel d’école biblique de vacances pour l’évangélisation tandis que l’église nationale ne peut jamais faire revenir les gens à l’église à moins qu’elle n’ait le matériel occidental très coûteux ; d’équipes qui conduisent des croisades d’évangélisation revendiquant des engagements pour Christ qui atteignent 5000 personnes chaque année dans le même endroit avec la même assistance.

Les missions court-terme sont chargées de problèmes et beaucoup souhaiteraient que de tels voyages n’existent pas, au moins sous la forme habituelle qu’ils revêtent aujourd’hui. En écrivant  son livre Toxic Charity (Une charité toxique), Robert Lupton dit : « Contrairement à la croyance populaire, bien des projets de voyages et services missionnaires n’ont pas pour effet de : fortifier ceux que l’on veut servir, créer de saines relations transculturelles, améliorer la qualité de vie, soulager la pauvreté, changer les vies des participants [ou] accroître le soutien à l’œuvre missionnaire à long terme. » Oups ! Ce qui suit va certainement faire de la peine à beaucoup. Chacun de ces thèmes mérite beaucoup d’examen et je voudrais vous encourager à le faire avant de vous lancer dans un ministère transculturel.

Argent, puissance et dépendance

Commençons avec quelques statistiques tirées du livre de Lupton : Toxic Charity: How Churches and Charities Hurt Those They Help (And How to Reverse It) (Une charité toxique: comment les églises et les œuvres humanitaires font du mal à ceux qu’elles aident (Et comment renverser cela)

  • L’Afrique a reçu 1 milliard de $ d’aide gratuite durant les 50 dernières années, et son revenu par tête est maintenant moindre qu’autrefois, l’espérance de vie a stagné et l’alphabétisation est plus faible.
  • ​85 % de l’aide financière qui coule vers les pays africains n’atteint jamais les régions dans le besoin qui sont ciblées.
  • Les équipes missionnaires américaines qui se sont empressées vers le Honduras pour aider à reconstruire les maisons dévastées par le cyclone Mitch ont dépensé en moyenne 30000 $ par maison – des maisons que les constructeurs locaux auraient rebâties pour 3000 $ chacune.
  • L’argent dépensé par un ministère étudiant pour couvrir les coûts de leurs voyages missionnaires en Amérique centrale afin de repeindre un orphelinat aurait suffi à salarier deux peintres locaux et deux nouveaux enseignants à temps plein, ainsi qu’à acheter un nouvel uniforme pour chaque étudiant de l’école.

Personne ne pense que sa générosité fait du mal aux gens, mais des livres tels que Dead Aid (Aide mortelle) et When Helping Hurts (Quand l’aide fait du tort) nous ont déjà avertis sur ces questions. Qu’est-ce qui se passe donc ? La réponse est complexe et implique des enjeux basiques d’économie, de puissance, de dépendance ainsi que de mauvaises motivations.

L’économie :

Si vous avez une grande quantité de quelque chose, le prix de ce produit va chuter. Un pays d’Afrique de l’est avait une grande industrie de fabrication d’habillement qui employait beaucoup de main d’œuvre. Pourtant, dans notre générosité, nous les Occidentaux avons commencé à leur donner des vêtements. Il en résulta que les gens perdirent leur emploi et, si vous circulez en voiture dans bien des grandes villes d’Afrique, vous verrez des centaines de vendeurs qui écoulent pour environ un dollar ces chaussures, ceintures et chemises qui ont été données. À un certain niveau, la question se résume à l’aide et au développement. L’aide à la reconstruction ne devrait durer que quelques mois. Le problème de bien des voyages missionnaires est qu’ils perpétuent le secours au lieu de pousser vers l’œuvre pour le développement. Haïti en constitue un parfait exemple. Durant les quatre décades qui ont précédé le tremblement de terre de 2010 8,3 milliardsde $ lui ont été donnés et pourtant le pays était devenu 25 % plus pauvre qu’avant le commencement de cette aide.

La puissance :

Comment quelqu’un pourrait dire non à des Chrétiens de pays parmi les plus pauvres du monde ? Il est très difficile de créer des relations authentiques entre des gens ayant une telle disparité de puissance. Aussi, si les plus puissants des Chrétiens (selon votre représentation mentale) disent qu’ils viennent pour vous aider (même si vous ne le voulez pas), comment êtes-vous censés répondre ? Un grand nombre de dirigeants nationaux de ma connaissance ont été informés par des églises américaines qu’elles leur envoyaient des équipes. Les dirigeants nationaux doivent alors se débrouiller pour créer quelque chose qu’on leur donnera à faire. Normalement c’est un désastre. Ainsi en est-il de cette église de style Nouvelle-Angleterre au Cameroun qui n’est jamais utilisée (et qu’on n’avait pas demandée), mais il est certain que l’équipe américaine s’est sentie très heureuse de servir. La femme américaine qui va chaque année en Ouganda pour enseigner aux femmes chrétiennes la danse avec des bannières est frustrée de ce que personne ne fait des bannières et de la danse.

La dépendance :

Si vous faites régulièrement pour quelqu’un ce qu’il peut faire lui-même, vous créez une dépendance malsaine. Ne vous méprenez pas : nous ne parlons pas des situations de secours d’urgence. Je parle de soins à long terme. Les parents qui constamment font les choses à la place de leurs enfants sont à blâmer parce qu’ils sont permissifs et les gâtent. Mais nous pensons rarement en ces termes quand il s’agit du bénévolat charitable. Les projets de construction sont généralement le plus grand coupable. Je n’oublierai jamais m’être trouvé impliqué dans un projet de service monté pour bâtir une maison pour une famille en Virginie occidentale, alors que j’étais au lycée. Les hommes du coin nous observaient tandis que nous faisions l’ouvrage. Et il ne s’agit pas seulement de construction. Un Occidental est ciblé par les mendiants. Des enfants m’ont frappé parce que je ne leur donnais pas d’argent. Cela déchire le cœur de savoir que leurs parents les contraignent à ne pas porter de vêtements, leur retiennent la nourriture (alors qu’ils sont tout à fait capables de la leur donner) et leur font mal intentionnellement afin qu’ils puissent mendier de l’argent. Ce n’est pas ce que des parents sont censés faire, mais cela fonctionne, ce qui légitime à leurs yeux de telles méthodes. Une raison pour laquelle tout cela arrive est que nous sommes coincés dans notre mentalité qui nous fait préférer fournir des secours plutôt que de nous lancer dans une œuvre de développement.

Les motivations :

Les Bahamas reçoivent un missionnaire court-terme pour 15 habitants. Notre générosité, c’est malheureux à dire, est souvent liée à un lieu « cool » et au fait de nous sentir bien à cause de ce que nous faisons. Plus nous nous éloignons de la maison, plus le voyage nous semble spirituel. Nous avons besoin d’être ceux qui repeignent l’église, construisent une fosse septique et mettent en place une école biblique de vacances. Nous ne pouvons pas nous contenter d’envoyer de l’argent. Nous devons envoyer des gens. C’est cela qui me fait remettre en question nos motivations. Alors que je crois qu’il existe une manière bien pensée d’être impliqué dans quelque ministère transculturel et à court terme, dans un sage partenariat et une utilisation judicieuse de l’argent, il semblerait que nous devions annuler beaucoup – la plupart ? – de nos voyages.

Impérialisme culturel et rhétorique

Un peu de connaissance acquise lors de voyages court-terme peut être dangereux. Imaginez seulement que trois court-terme venus de Chine vers les États-Unis servent à Lincoln dans le Nebraska, à San Francisco en Californie, et à Detroit dans le Michigan. Puis ils retournent dans leurs églises et chacun raconte ce à quoi ressemblent les États-Unis, la façon dont les gens se comportent, la manière dont ils luttent avec leur culture et la façon dont les Chrétiens vivent pour Jésus. Auraient-ils réellement un tableau des États-Unis ? Bien sûr que non, mais nous sommes contents de raconter à tout le monde comment est l’Afrique après avoir seulement visité Nairobi.

Souvent nous n’avons pas la moindre idée des attentes culturelles qui expliquent la vision du monde des gens autour de la planète. Il est déjà assez difficile de comprendre la nôtre ! Ainsi un jeu innocent comme le fait de peindre les visages des enfants qui se présentent lors d’une sortie d’évangélisation d’église en Afrique devient un outrage à la communauté et un abus des enfants car le fait de peindre les visages dans cette région est associé au démonisme. La rhétorique utilisée lors de nos appels de fonds pour ces voyages est aussi révélatrice d’un problème. « Nous devons faire ceci. » « Ils ont réellement besoin de notre aide. » « Des milliers de gens sont venus à Christ lors de nos sorties d’évangélisation pour la troisième année consécutive. » « Les croyants là-bas sont tellement contents dans leur pauvreté. » Et la liste s’allonge. La tentation est grande de revenir à la maison avec un Powerpoint, des histoires saisissantes et des résultats chiffrés. Nous voulons que les choses soient faites rapidement. Nous préférons un ministère aux micro-ondes plutôt qu’une cuisson à feu doux. Un ministère qui peut être fait rapidement n’est pas compliqué et ne coûte pas beaucoup.

L’effet sur ceux qui vont, non sur ceux qui reçoivent

Imaginez qu’une équipe venant de France appelle votre église et dise qu’elle veut venir vous visiter. Ils veulent mettre en place une VBS (école biblique de vacances) – ce que vous avez fait durant des années auparavant – mais leur matériel est en français. Ils ont entendu dire que l’église américaine a lutté et veulent vous aider à la restaurer. Ils veulent envoyer 20 personnes, la moitié étant des jeunes. Il n’y a que deux d’entre eux qui parlent anglais. Ils veulent un endroit pour s’installer gratuitement avec de la nourriture pas chère et, si possible, des douches chaudes. Durant le voyage, la moitié de l’énergie du groupe va être employée à résoudre la tension entre les membres de l’équipe. Deux personnes vont tomber malades. Ils voudraient que vous arrangiez quelque excursion pour eux durant leurs jours de liberté. Avez-vous envie qu’ils viennent ? La plupart des voyages missionnaires que je connais concentrent leur attention sur ceux qui partent et non sur ceux qui vont les recevoir. Nous envoyons les jeunes afin qu’ils puissent avoir une expérience ou que Dieu puisse réellement saisir leur cœur. Vous pouvez souhaiter que vos adultes acquièrent un cœur plus large pour les nations. Même si les recherches montrent que les voyages court-terme n’affectent pas la vie des participants sur le long terme, nous continuons quand même d’envoyer des équipes.

Espoir

Je n’ai fait que gratter la surface des problèmes. Mais je ne veux pas vous laisser complètement découragés. Je crois que le ministère court-terme a une place et, s’il est bien conduit, il peut apporter une saine interdépendance dans l’église globale. Dans le prochain article j’expliquerai comment.

EN VOIR PLUS
Chargement