Il est difficile d’exagérer le nombre d’obstacles auxquels un pasteur doit faire face chaque semaine. Il est rare qu’il ne soit pas confronté à une combinaison d’accompagnements difficiles, de brebis errantes, de nouvelles médicales décevantes, de désunion latente ou de destruction causée par le péché. Ajoutons à cela le sentiment permanent de sa propre insuffisance personnelle et du péché qui l’habite. Dieu montre sa bonté en perçant les nuages avec les rayons de soleil de ses bénédictions, mais il n’y a jamais – du moins dans mon expérience – de ciel bleu clair dans le ministère pastoral. Nos jours les meilleurs sont toujours partiellement nuageux avec des risques de pluie.
En plus de cela, du moins pour le pasteur principal ou le pasteur prédicateur, il y a une réflexion permanente sur la prochaine prédication. Les dimanches s’enchainent. Dans un travail plein de surprises, le pasteur peut être sûr que toutes les 168 heures – indépendamment de ce qui peut arriver d’autre – le dimanche suivant va arriver.
Le défi du pasteur consiste à essayer de traiter fidèlement ces différents fardeaux. Comment le pasteur peut-il être présent lorsque son esprit (et son cœur) est tiré dans une douzaine de directions différentes ?
J’ai observé un trait commun chez les pasteurs capables de maintenir leur stabilité même lorsqu’ils naviguent dans les eaux agitées du ministère. Ces personnes ont appris à compartimenter.
Lorsque vous lisez le mot « compartimenter », vous pouvez avoir une perception négative du mot. Il peut être nuisible pour nous-mêmes et pour les autres si nous ne gérons pas nos émotions ou nos pensées. Certes, nous connaissons les dangers de la compartimentation théologique entre notre doctrine et notre dévotion ou entre l’évangile et notre obéissance. Mais ce à quoi je fais référence n’est pas la compartimentation pour éviter de traiter les problèmes, mais plutôt pour faire tout ce que nous devons faire fidèlement en tant que pasteurs.
Si vous voulez compartimenter – fermer la porte sans fermer votre cœur – vous devez ytravailler activement.
Comment pouvez-vous passer de la salle de conseil à la préparation de la prédication sans être distrait dans votre étude ? Comment pouvez-vous rentrer chez vous et être avec votre famille quand votre cœur est déchiré par le type qui vient juste de détruire sa famille ? Comment pouvez-vous dormir la nuit, comme vous en avez désespérément besoin, lorsque vous vous inquiétez de la façon dont l’église va réagir face à un membre de l’église qui est source de discorde ? Comment pouvez-vous être un pasteur qui se bat contre le poids du ministère ? Et comment pouvez-vous faire cela sans vous mettre en retrait ? Comment pouvez-vous fermer la porte sans fermer votre cœur ?
Je pense qu’apprendre à compartimenter sera utile.
Comment pouvez-vous faire cela ?
Il semble que ce soit un muscle pastoral qui a besoin d’un entraînement intentionnel. Vous devez construire et entraîner ce muscle afin de pouvoir réagir sur le moment. Si vous voulez compartimenter – fermer la porte sans fermer votre cœur – vous devez y travailler activement.
Voici quelques idées pour développer le muscle pastoral de la compartimentation.
- Remettez votre anxiété au Seigneur. Nous le savons mais nous l’oublions trop souvent. Travaillez à développer le réflexe pastoral d’admettre dans la prière votre faiblesse, votre peur, votre anxiété et votre colère. Comment conseilleriez-vous un pasteur saisi par l’anxiété ? Je parie que vous le renverriez à 1 P 5.6-7.
- Reconnaissez les empreintes digitales du diable. Notre ennemi aime la désunion dans une église. Il aime aussi les pasteurs distraits et sans prière. N’ignorez pas ses manigances (2 Co 2.11) ; il aime nous éloigner d’une dévotion sincère et pure à Christ (2 Co 11.3). Visitez l’armurerie divine et équipez-vous comme un bon soldat du Roi (Ep 6.10-18). Vous pouvez penser que le fait de vous battre aura l’effet inverse, mais en réalité, cela vous libère pour respirer et faire confiance au Capitaine de notre salut.
- Reposez-vous à l’ombre de votre Défenseur. Vous n’avez pas à vous défendre contre chaque critique ou attaque. Cela vous consumera et vous distraira du reste de votre travail. De plus, vous ne vous défendrez pas aussi bien que Christ (Rom. 12.12, 19-21).
- N’oubliez pas vos limites. Vous ne pouvez pas tout faire. Vous n’êtes pas le chef des bergers. Vous n’êtes ni doué pour tout faire ni destiné à cela. Accordez-vous du temps et de l’espace pour rechercher dans la prière la sagesse du Seigneur et l’aide d’autres leaders pieux que le Seigneur a placés autour de vous.
- Souvenez-vous de vos responsabilités envers le Seigneur et son église. Parfois, je me surprends à me dire : « Erik, fais ton travail. » Le cœur du pasteur qui poursuit l’un ne néglige pas les 99 autres. Quel que soit le poids de la charge, la prédication doit être préparée, quelqu’un à besoin d’accompagnement et l’église a besoin de votre prière.
- Rappelez-vous la fidélité passée de Dieu. Il est si facile d’être oublieux dans le brouillard de la guerre. Rappelez-vous combien Dieu a été fidèle envers vous. Il vous a sauvé et a été avec vous chaque jour. Racontez ses bénédictions et sa fidélité. Chantez « Dieu, ta fidélité » [Great is Thy Faithfulness]. Méditez sur cette vérité. Il vous aidera à traverser cette épreuve.
- Calmez votre imagination. Avez-vous remarqué à quel point vous pouvez être créatif lorsque vous êtes dans une situation difficile ? Vous pouvez presque voir l’avenir parfaitement. Vous pouvez remplir toutes les marges avec ce que vous croyez qu’il se passe. Vous pouvez lire les motivations presque aussi clairement que la fin de l’histoire. Vous vous engagez dans des conversations fictives. Toutes ces choses ne sont pas utiles. Elles alimentent le feu de l’anxiété. Alors, lorsque vous commencez à mettre vos lunettes de réalité virtuelle pastorale, contrôlez-vous et mettez votre imagination en veilleuse. Ensuite, confiez vos fardeaux au Seigneur dans la prière.
- Arrêtez de vous torturer. Comme un chien qui retourne à son vomi, on peut continuer à revisiter les personnes et les problèmes qui vous font souffrir à travers les réseaux sociaux. Permettez-vous de ne pas surveiller les comptes de réseaux sociaux des personnes qui s’éloignent de la foi, qui font des commérages sur vous et qui causent autrement la désunion dans l’église. Certains se font beaucoup de mal en revenant à cela jour après jour. Laissez faire le Seigneur.
- Donnez-vous à votre famille. Lorsque vous quittez le travail pour rentrer chez vous, essayez vraiment d’être mentalement et physiquement présent auprès de votre famille. Je sais qu’il peut y avoir des urgences ; nous ne pouvons pas les prévoir ni les empêcher. Mais trop souvent, les pasteurs s’en rendent responsables en vérifiant constamment leurs courriels, leurs textos et les réseaux sociaux. Les gourous de la productivité séculière préconisent un rituel d’arrêt quotidien. Je pense que les pasteurs en bénéficieraient également. Lorsque je termine ma journée de travail, je laisse mon ordinateur dans mon bureau et je ne consulte plus les réseaux sociaux ni les mails le soir. Il fut un temps où je ne faisais pas cela, et je le regrette. C’est une victoire facile dans le domaine de la compartimentation.
- Résistez à l’automédication. Lorsque vous vous sentez mal, la tentation est grande de vous soigner par la nourriture, l’alcool, les loisirs, etc. Mais cela ne fonctionne jamais. Cela finit par magnifier à la fois vous et le problème, tout en vous faisant sentir coupable. La prière fait l’inverse. Elle vous rend humble, relativise le problème et vous apporte la paix.
- Priez pour le repos et recherchez-le. Le sommeil est un don de Dieu (Ps 127.1-2). Priez, cherchez et louez Dieu pour ce don.
- Trouvez un passe-temps. Trouvez quelque chose que vous voulez faire en dehors de votre vie de pasteur. Réservez du temps pour le faire. Cela permet de créer une compartimentation naturelle.
- Faites des efforts physiques. Le fait de se concentrer sur d’autres choses renforce ce muscle de la compartimentation. L’effort physique exige votre attention, que vous marchiez, couriez, fassiez du vélo, souleviez des poids ou ramiez. En plus de vous aider physiquement, cela a pour effet de vous entraîner à mettre de côté vos soucis et à vous concentrer sur ce qui est à portée de main.
Je pense qu’il y a plus à dire ici, mais je dois rentrer chez moi auprès de ma famille. Si vous êtes membre d’une église, priez pour votre pasteur et encouragez-le. C’est un appel difficile, et nous avons traversé une période difficile. Si vous êtes pasteur, je prie pour que vous trouviez ici un encouragement à travailler ce muscle. Ressaisissez la corde et accrochez-vous fermement à elle pour la semaine à venir. Le Seigneur est fidèle. Et il en vaut la peine. En temps voulu, nous nous tiendrons devant lui, nos soucis actuels disparaitront tandis que nous serons enveloppés dans sa gloire infinie !
Traduction par Joshua Sims de l’article Build the Pastoral Muscle of Compartmentalization