L’auteur Chap Bettis[1] a écrit récemment au sujet d’un phénomène qu’il constate chez les jeunes parents aujourd’hui, un phénomène dont Aileen et moi avons souvent discuté. « Bon nombre de parents sont réticents, voire réfractaires, à l’idée de demander des conseils sur leur façon d’élever leurs enfants. Là où d’autres voient leurs angles morts, ces parents eux-mêmes… y restent aveugles. »[2] D’un côté, nous constatons que les jeunes parents ne se tournent pas vers les parents plus expérimentés pour être accompagnés et conseillés.
De l’autre côté se trouvent les parents expérimentés, qui sont réticents à aborder les problèmes ou à proposer de l’aide, même lorsqu’ils voient ces zones d’ombre. Ce phénomène ne doit pas être nouveau puisqu’il y a de nombreuses années, J.C. Ryle a déclaré : « Je préférerais corriger un homme sur n’importe quel sujet plutôt que sur sa façon d’élever les enfants ». Les parents plus âgés qui ont de l’expérience à faire valoir et des conseils à offrir hésitent à s’exprimer sans y être invités. Les invitations sont rares, d’ailleurs.
Bettis et un ami proposent un certain nombre d’explications possibles, en particulier en ce qui concerne les parents qui ne demandent pas conseil dans le domaine de la correction. Mais j’ai moi aussi mes propres idées sur la question. J’aimerais proposer une explication liée au fait que les parents d’aujourd’hui sont la première génération à avoir grandi et à avoir commencé à élever leurs enfants dans un monde entièrement numérique.
Le déclin de la notion d’expertise
De nombreuses personnes qui exercent dans des domaines différents déplorent le déclin de l’expert et la disparition de la notion d’expertise. Il est de plus en plus vrai que l’autorité d’une personne n’est plus liée à ses accomplissements. Tom Nicho[3] dit à juste titre que nous assistons à «l’effondrement (alimenté par Google et Wikipédia) de la séparation entre professionnels et amateurs, professeurs et étudiants, connaisseurs et curieux, en d’autres termes entre ceux qui ont une certaine compétence dans un domaine, et ceux qui n’en ont aucune. » Les jeunes parents aujourd’hui ont grandi dans une optique différente de l’expertise – une optique nourrie par le fait qu’Internet met tout à pied d’égalité. Et cela se répercute inévitablement sur leur façon d’élever les enfants.
Ce phénomène impacte les jeunes parents de deux manières.
Tout d’abord, les jeunes parents sont plus susceptibles de poser leurs questions à Google qu’à des personnes de leur communauté. Il est plus facile et plus normal pour eux d’entrer leurs questions dans leur téléphone ou leur ordinateur que de les poser à l’église. Et lorsqu’ils trouvent des réponses à leurs questions, c’est souvent dans le contexte de « communautés » en ligne composées d’autres personnes confrontées à des problèmes similaires. Cela leur permet d’être en contact avec d’autres personnes rencontrant les mêmes épreuves et traversant la même étape de la vie.
Deuxièmement, les jeunes parents sont plus susceptibles de chercher et trouver des réponses auprès des « pairs-experts », qu’auprès des « non experts » plus âgés. Dans la mentalité actuelle, les experts ne sont pas ceux qui ont réussi à élever des enfants jusqu’à l’âge adulte, mais ceux qui ont publié avec succès des blogs, des livres et des podcasts, même s’ils n’ont pas eux-mêmes élevé des enfants jusqu’à l’âge adulte. Ainsi, une jeune maman sera plus encline à demander conseil à une autre jeune maman qui est suivie en ligne qu’à une maman plus âgée qui ne l’est pas.
Voici comment cela fonctionne. Une jeune maman qui a des difficultés avec l’apprentissage de la propreté de son petit, ou avec la gestion des crises de colère de son enfant est susceptible de poser ses questions en ligne. Elle trouvera alors probablement un blog ou un podcast créé par d’autres jeunes mamans également confrontées à l’apprentissage de la propreté ou aux crises de colère d’un tout-petit. Les blogueurs ou podcasteurs ont acquis leur audience grâce aux questions qu’ils posent, aux suggestions qu’ils font et à la vulnérabilité dont ils font preuve. Cela leur confère une sorte d’autorité qui incite la jeune maman à leur faire confiance et à les suivre. Elle se joint à leur forme de communauté sur les réseaux sociaux, et ensemble ils tentent de résoudre ces problèmes. Si ce scénario est particulièrement vrai pour les jeunes mères, il l’est aussi pour les jeunes pères qui luttent dans la parentalité, et pour les jeunes couples qui ont des difficultés dans leur mariage.
Tout en reconnaissant volontiers la valeur de bon nombre de ces blogs, livres et podcasts, je pense qu’il y a une meilleure façon de procéder. Je pense que chaque jeune famille ferait bien de prendre deux habitudes.
Trouvez des familles qui ont réussi à élever leurs enfants jusqu’à l’âge adulte, puis demandez-leur de vous expliquer comment elles y sont parvenues.
Voici la première habitude : trouvez des familles qui ont réussi à élever leurs enfants jusqu’à l’âge adulte, puis demandez-leur de vous expliquer comment elles y sont parvenues. C’est très simple. Il suffit de dire : « Nous voulons que nos enfants soient un jour comme les vôtres. Pouvons-nous venir vous voir pour que vous nous expliquiez comment y parvenir ? » Le problème avec les « pairs experts », c’est que s’ils ont prouvé qu’ils pouvaient gagner des adeptes en parlant de l’éducation des enfants, ils n’ont pas prouvé qu’ils réussissaient réellement à élever leurs enfants. Il n’est pas très difficile d’élever un enfant jusqu’à l’âge de cinq ou dix ans et de faire en sorte qu’il soit heureux, en bonne santé et obéissant. Mais nous n’obtenons pas vraiment d’évaluation substantielle de notre rôle parental avant que nos enfants aient atteint l’adolescence ou la vingtaine, c’est-à-dire avant qu’ils ne soient pratiquement lancés dans la vie. Parmi les parents qui réussissent le mieux, nombreux sont ceux qui n’ont jamais lancé de blog ou de podcast ou qui n’ont jamais parlé publiquement de leur éducation. Mettez-vous à la recherche de ces personnes, en particulier dans votre église locale, et apprenez d’elles. La démarche est simple : trouvez des enfants que vous seriez fier d’appeler les vôtres, puis invitez-vous dans la vie de leurs parents.
Trouvez des familles qui ont réussi à élever leurs enfants jusqu’à l’âge adulte, puis demandez-leur de vous dire ce qu’ils observent chez vos enfants et dans votre façon d’être parents
Voici la deuxième habitude : trouvez des familles qui ont réussi à élever leurs enfants jusqu’à l’âge adulte, puis demandez-leur de vous dire ce qu’ils observent chez vos enfants et dans votre façon d’être parents. Invitez-les à vous regarder vivre et à parler librement de vos forces et de vos faiblesses. Vous ferez ainsi preuve d’humilité. Une démonstration encore plus grande d’humilité sera d’écouter patiemment et sans être sur la défensive, lorsqu’ils vous signalent un problème chez vos enfants ou un défaut dans la manière dont vous les élevez. Mais s’ils ont élevé des enfants qui sont devenus des adultes bien fondés et pieux, pourquoi ne voudriez-vous pas rechercher, accueillir et prendre en considération leurs conseils ? Pourquoi préféreriez-vous les conseils de personnes que vous ne connaissez pas vraiment et qui n’ont pas encore démontré que ces conseils ont fait leurs preuves ?
Peu de tâches que vous entreprendrez dans votre vie seront plus importantes que celle d’élever des enfants. C’est un honneur incroyable que Dieu nous permette de créer, de mettre au monde et d’élever d’autres êtres humains faits à son image. Cet honneur incroyable s’accompagne d’une grande responsabilité. Il est peu probable que vous puissiez accomplir cette tâche correctement, ou aussi bien que vous le pourriez, sans l’apport de la communauté que Dieu vous a donnée. Alors, profitez-en ! Apprenez à mettre en œuvre ces habitudes de base des parents qui réussissent.