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Dans l’article précédent, nous avons défini la liturgie comme étant l’ordre dans lequel nous vivons chacun des éléments du rassemblement de l’Église. Il se calque sur la manière dont la Bible présente notre approche et notre relation avec Dieu. Mais avant de pouvoir déterminer le meilleur ordre, il nous faut choisir les éléments qui devraient constituer la rencontre d’Église conformément aux directives néo-testamentaires. Il nous faut toutefois, dès à présent, faire la différence entre ces composantes, leurs diverses formes, ainsi que les circonstances de la réunion.

Les éléments, les formes et les circonstances

Matthew Merker explique la distinction entre les éléments, les formes et les circonstances[1]. Les éléments sont tout simplement les activités permises pendant la réunion (par exemple le chant ou la prière) que nous chercherons à identifier un peu plus loin. Ils peuvent prendre plusieurs formes, en fonction du contexte culturel de l’Église: des mélodies traditionnelles ou modernes, des prières écrites ou spontanées, etc. Les circonstances, quant à elles, ne concernent pas le contenu de la réunion mais ses aspects pratiques comme le lieu et l’heure de la rencontre, la disposition des chaises, etc.

En ce qui concerne les éléments, la Bible est assez spécifique et nous guide plutôt précisément. Sur les questions de forme et de circonstances, certains principes bibliques peuvent nous guider, et parfois Dieu n’y accorde pas d’importance[2]. Nous avons donc beaucoup de liberté et de possibilités. Il s’agira alors de faire preuve de sagesse pour prendre les bonnes décisions en fonction du contexte de l’Église.

Choisir les composantes du rassemblement

Pour établir la liste des composantes ou des éléments constitutifs de la réunion d’Église, il existe historiquement deux principes. On peut suivre le principe régulateur selon lequel un élément n’est autorisé que si les Écritures le permettent explicitement ou indirectement. D’autre part, le principe normatif peut nous guider en accordant une place à n’importe quelle activité du culte qui n’est pas interdite par le texte biblique. La discussion quant au principe qui devrait gouverner nos Églises sort du champ de cette étude. Merker nous inciterait à suivre le principe régulateur: « La seule façon sûre d’adorer Dieu est de le faire selon sa volonté révélée. »[3] L’on se limitera à une via media: tout le monde sera d’accord au moins sur les éléments admis par la Bible. Dans tous les cas, notre « posture »[4] devrait être de nous demander ce que Dieu en pense, plutôt que ce qui plait au pasteur ou à la congrégation.

Les éléments constitutifs de la rencontre

Le même auteur propose de récapituler les composantes du rassemblement d’Église ainsi: « lire la Parole, prier la Parole, prêcher la Parole, chanter la Parole et voir la Parole (résumée et représentée par le baptême et la sainte cène) »[5]. Examinons chacune d’entre elles, sans, pour le moment, nous engager dans une discussion quant à leurs formes.

La centralité de la Parole de Dieu. Les réformateurs avaient saturé leurs liturgies de la Parole. Non seulement on chantait des Psaumes et on lisait des passages bibliques, mais aussi chaque élément de la réunion en était infusé[6]. En effet, c’est par sa Parole que Christ bâtit son Église (Mt 16.18; Ro 1.16, 10.17)[7], et elle doit donc avoir une place centrale dans tout ce qui est fait pendant la célébration chrétienne.

Lire la Parole. La lecture publique de la Bible est exigée à Timothée (1 Tm 4.13). Exposer le peuple de Dieu aux Écritures toutes les semaines, même sans devoir l’expliquer, affirme notre confiance dans sa puissance[8] et permet d’accroître la familiarité biblique.

Prier la Parole. La prière nous permet de nous adresser à Dieu et de communier avec lui. Il est évident qu’elle puisse aussi avoir lieu en public (p. ex. Ac 12.12, 1 Tm 2.1), et cela montrera la valeur qu’on lui accorde. Les Écritures nous présentent maints modèles de prières fondées sur les promesses et les paroles de Dieu; Jésus lui-même nous enseigne comment prier (p. ex. Mt 6.5–13). De telles prières conduites enseignent également la congrégation à prier, selon la volonté et les priorités de Dieu[9].

Prêcher la Parole. Dans les épîtres pastorales, Paul exhorte à de nombreuses reprises les pasteurs en formation à prêcher la Parole (p. ex. 2 Tm 4.2) « pour enseigner, pour convaincre, pour redresser, pour éduquer dans la justice » (2 Tm 3.16). C’est ainsi qu’ils feront paître le troupeau de Dieu (Ac 20.27, 28, 32) et que celui-ci murira et croîtra (Ep 4.11–16). La confession de foi de Westminster insiste sur la présence d’une « prédication solide »[10], témoignant de son importance dans l’esprit des réformateurs. Pour Luther, « la prédication et l’enseignement de la Parole de Dieu constituent la partie la plus importante et la plus noble de tout culte. »[11]

Chanter la Parole. Col 3.16 et Ep 5.19 nous invitent à « [nous instruire] et [nous avertir] réciproquement, en toute sagesse, par des psaumes, des hymnes, des cantiques spirituels ». C’est ainsi que « la parole du Christ [habitera] en nous avec sa richesse ». Ainsi le chant est véritablement un ministère de la Parole. De plus, par le chant, nous « [célébrons] le Seigneur de tout [notre] cœur », lui exprimant notre louange et notre reconnaissance pour qui il est et son œuvre pour et parmi nous. Une fois de plus, Luther et les réformateurs accordaient beaucoup de valeur au chant[12]:

Luther disait qu’« à côté de la Parole de Dieu, la musique mérite les plus grands éloges ». Elle n’est pas un bouche-trou avant le sermon. C’était plutôt l’un des moyens par lesquels la Parole de Dieu pouvait habiter richement dans les cœurs du peuple de Dieu […] [Dieu] est ainsi loué et honoré et nous sommes rendus meilleurs et plus forts dans la foi lorsque sa sainte Parole est imprimée dans nos cœurs par une douce musique.

Voir la Parole. Les sacrements du baptême et de la sainte-cène jouent un rôle semblable à la Parole: « les sacrements n’ont pas de fonction différente de celle de la Parole de Dieu: nous offrir et nous présenter Jésus-Christ et, en lui, les trésors de sa grâce céleste. Ces trésors ne servent ou ne bénéficient qu’à ceux qui les prennent et les reçoivent avec foi. »[13] Ainsi la congrégation peut comprendre l’Évangile, sous une forme visible et tangible, y participer, et se l’approprier par la foi.

Maintenant que nous avons les catégories regroupant les composantes de la réunion d’Église, il nous faut les arranger dans un ordre avantageux. C’est l’objet du troisième article de notre série sur la liturgie.


La liturgie dans le culte évangélique. Une pratique caduque ou bénéfique?

  1. Qu’est-ce que la liturgie ?
  2. Les composantes du rassemblement dominical
  3. L’ordre du culte: la liturgie à proprement parler
  4. Reconsidérer la liturgie aujourd’hui

1. Merker, op. cit., pp. 103–107. ↩
2. L’amour nous poussera à respecter certains goûts musicaux prédominants parmi la congrégation ou à accepter le changement pour le bien des autres; la dimension communautaire du culte nous incitera à placer les chaises en arcs de cercle, plutôt qu’en rangs parallèles; l’horaire de la rencontre ne serait probablement qu’une question de pragmatisme; etc. Dans le cadre de ce travail, nous ne nous intéresserons pas aux questions de circonstances. ↩
3. Merker, Le culte collectif: comment l’Église s’assemble en tant que peuple de Dieu, tr. de l’anglais (Corporate Worship: How the Church Gathers as God’s People, 2021) par Nathan Lambert, Trois-Rivières, Éditions Cruciforme, 2022, p. 101. ↩
4. Ibid., p. 100. ↩
5. Ibid., p. 103. ↩
6. Jonathan Gibson et Mark Earngey, « Worshiping in the Tradition: Principles from the Past for the Present », Reformation Worship, op. cit., p. 55. ↩
7. Mark Dever et Paul Alexander, How to Build a Healthy Church: A Practical Guide for Deliberate Leadership, Wheaton, Crossway, 2021, p. 101. ↩
8. Ibid., p. 102. ↩
9. Ibid., p. 104. ↩
10. « La confession de foi de Westminster », xxi.5, Les Textes de Westminster, Aix-en-Provence, Kerygma, 1988, p. 43. Nous soulignons. ↩
11. Martin Luther, « Form of the Mass and German Mass », Reformation Worship, op. cit., p. 107. Traduction libre. ↩
12. Gibson et Earngey, « Worshiping in the Tradition », op. cit., p. 68. Traduction libre. ↩
13. Jean Calvin, Institution de la Religion chrétienne, mise en français moderne par M. de Védrines et P. Wells, Aix-en-Provence/Charols, Kerygma/Excelsis, 2009, iv.14.17. ↩
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