Comment connaître Dieu ? Comment savoir que la personne que je vais épouser est bien celle que je crois être ? Comment changer ? Comment éduquer mes enfants ? Comment apprendre une nouvelle discipline ? Voilà autant de sujets très concrets en lien avec la connaissance. Si nous ne savons pas comment connaître, ce sont toutes ces choses que nous manquons. C’est pour cela que je vous propose, dans cette série d’articles, d’étudier ce que l’on appelle en philosophie : l’épistémologie. Alors, s’il-vous-plaît ne partez pas en courant en voyant ce mot ! En fait, l’épistémologie c’est tout simplement l’étude de comment on connaît. Ne vous êtes-vous jamais posé cette question ? Ne vous êtes-vous jamais surpris à savoir des choses que vous ignoriez savoir ?
De fait, un des plus gros problèmes de notre société est épistémologique[1]. Si beaucoup de nos contemporains sont agnostiques, c’est parce qu’ils ne pensent pas que l’on puisse connaître Dieu. De manière beaucoup plus profonde, nos contemporains hésitent même à dire que l’on peut connaître quoi que ce soit. Ce scepticisme conduit à un manque d’intérêt pour la connaissance et le réel mais se voit également dans les crises identitaires et dans le fait que peu de jeunes arrivent à s’engager dans des relations à long terme. En effet, si l’on ne peut pas se connaître, comment pouvons-nous avoir une identité propre et s’engager à aimer une autre personne que l’on ne peut pas réellement connaître ? Notre société vit un vide épistémologique qui a des conséquences profondes. Il nous est donc nécessaire de nous y arrêter quelques instants pour pouvoir répondre aux angoisses des jeunes dans nos Églises et dans notre société.
La connaissance de Dieu ne vient pas de manière abstraite et lointaine mais bien en vivant une relation profonde avec lui, en l’écoutant et en lui obéissant.
Il y a essentiellement deux courants opposés qui façonnent notre épistémologie actuelle : les modernes et les post-modernes.
Pour les modernistes, la connaissance est atteignable après avoir suivi une « méthode » rigoureuse et impersonnelle. Ici, si nos émotions, notre philosophie et/ou religion entrent en jeu dans notre analyse, nous perdons notre « objectivité » et les résultats de notre étude en seront probablement faussés. Le but, dans la recherche de la connaissance est donc d’être le plus détaché possible de soi-même et de son objet d’étude.
Le post-modernisme est essentiellement une réaction au modernisme. Ces derniers veulent souligner que l’on ne peut pas se détacher de soi et de son objet d’étude. Le scientifique, même s’il emploie une méthode bien précise, va forcément regarder son problème d’un angle bien particulier. Sa culture, son enseignement et même ce qu’il vit dans sa famille influencent son regard sur ses calculs. Il est donc impossible d’être complètement « objectif », ce qui conduit les post-modernes à rejeter tout type de connaissance.
La Bible nous montre que, pour réellement connaître, il nous faut être le plus engagé possible et rechercher une profonde relation avec notre objet d’étude.
Vous remarquerez que ces deux courants partent, toutefois, d’un même principe : pour connaître il faut être le plus possible « objectif », c’est-à-dire, détaché de soi et de son objet de connaissance. En partant d’un tel constat, il n’est pas étonnant que si peu de jeunes se passionnent pour les études et qu’ils aient tant de crises identitaires ! Que faut-il donc en penser ? Le principe de l’objectivité est-il encore bon ? De fait, lorsque nous nous tournons vers la Bible, nous voyons que le verbe « connaître » est intimement relationnel, si bien que les auteurs bibliques l’emploient pour décrire des relations sexuelles. Loin de rechercher le plus grand désengagement possible pour connaître, la Bible nous montre que pour réellement connaître il nous faut être le plus engagé possible et rechercher une profonde relation avec notre objet d’étude.
Si l’on regarde Dieu de loin et que l’on évite tout contact avec lui, nous ne pourrons pas le connaître.
Quel grand changement de paradigme ! Rien que l’emploi du mot « connaître » dans la Bible, nous permet de poser quelques pistes de réflexions.
Premièrement, lorsque nous voulons faire connaître Dieu à nos contemporains, il n’y a rien de mieux que de les encourager à vivre en relation avec Dieu. Si l’on regarde Dieu de loin et que l’on évite tout contact avec lui, nous ne pourrons pas le connaître. La connaissance de Dieu ne vient pas de manière abstraite et lointaine mais bien en vivant une relation profonde avec lui, en l’écoutant et en lui obéissant.
Deuxièmement, cela donne une nouvelle approche pour l’éducation. Au lieu d’encourager les jeunes à se désintéresser de leurs matières, à ne travailler que du théorique et à ne pas apporter leurs émotions, nous devrions les pousser à s’engager dans l’étude des matières en question et à vivre de manière concrète ce qu’ils découvrent. Cela devrait également changer notre manière de voir le discipulat qui n’est pas simplement l’acceptation d’un système doctrinal mais le fait de les vivre de manière concrète dans une relation avec le Dieu Trinitaire.
Enfin, cette réflexion donne un rôle important à l’Église puisque c’est l’endroit où nous pouvons voir concrètement comment se vit la foi chrétienne au quotidien.
Nous reviendrons sur tous ces points dans de prochains articles. Pour l’instant ce qu’il est important de retenir est que nous avons souvent une mauvaise épistémologie qui nous conduit à mettre le théorique et « l’objectivité » sur un piédestal. La Bible parle de la connaissance comme d’un engagement profond envers notre objet d’étude, ce n’est pas pour rien…