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Le 30 avril, le journal Le Point titrait : « Le compost humain bientôt reconnu comme mode de sépulture aux États-Unis » [1]. L’article explique brièvement que « l’État de Washington, dans le nord-ouest des États-Unis est en passe de légaliser l’humusation, qui consiste à transformer le corps d’un défunt en compost… [et] l’aquamation –, sorte de crémation par l’eau qui réduit le corps en une poudre blanche ». Si ce mouvement n’est pas encore très développé, il fait déjà parler de lui et, au vu des réactions parfois très indifférentes des internautes, on peut se demander si cette pratique funéraire ne deviendra pas de plus en plus connue. Et peut-être même répandue.

C’est cette attitude généralement indifférente ou naïvement sceptique qui surprend. Comme si ce qui arrivait à notre corps, après notre mort, n’avait aucune importance. Après tout, disent certains internautes, pourquoi est-ce que mon corps ne servirait pas à quelque chose « dans l’après vie » ? Je crois qu’il y a au moins une raison, inconsciente, mais profondément ancrée au plus profond de chacun de nous, qui explique que nous puissions même envisager ce mode de « disparition » du corps défunt. Nous cachons le corps. Nous ne voulons plus le voir.

La Mort que nous ne voulons pas voir

La Mort. Cette frontière toute-puissante de la vie. Le « dernier ennemi », comme l’appelle l’apôtre Paul, qui laisse sa marque sur chacun de nous. L’un des moments de la vie humaine auquel chrétiens comme non chrétiens sont soumis. Le moment de la vie humaine auquel nous cherchons tous à donner un sens. Mais quel sens donner au moment où tout s’arrête ? Dans un monde qui réduit l’humain à la matière dont il est fait, la Mort semblerait détruire toute possibilité de trouver un vrai sens à ce qu’elle est. Si nous ne sommes que matière, et que la Mort est la disparition lente de ce bout de chair que je suis… alors cette dernière, grande faucheuse, ne nous laisse aucun espoir. Elle n’a pas de sens. Elle détruit tout.

Je crois que c’est pour cela que nous essayons de cacher la Mort constamment. Et que nous essayons aussi de cacher le corps que cette dernière a pris en terre. Nous cachons le corps, car il est le signe le plus manifeste que nous n’avons aucun espoir. Nous cachons ce corps immobile, sans vie, parce qu’un jour, c’est ce que nous serons. Un jour, la Mort nous décomposera. Nous devons lui trouver un sens : faisons quelque chose de ce cadavre. Qu’il serve à quelque chose, et alors la Mort perdra son pouvoir, elle trouvera un sens ! Et bonus : nous n’aurons plus besoin de voir le corps. Nous n’aurons plus besoin de voir les signes du corps de cette personne que nous avons perdue. La tombe, l’urne funéraire. Pas de recueillement qui nous rappellerait que nous sommes, par nature, mortels, et que nous retournerons à la poussière.

La foi que nous avons et qui nous fait vivre donne le seul sens possible à la Mort. C’est le Ressuscité qui donne sens à la Mort. Il a, de l’intérieur même de la Mort, retiré à celle-ci son pouvoir. La Mort même n’a pas pu le retenir ! En se relevant de la Mort, il proclame que nous ne sommes pas qu’un corps qui mourra. Nous sommes aussi un corps qui sera relevé de la Mort. C’est la grande espérance qui nous attend, la grande espérance que seul le Christ peut nous donner.

L’apologétique des liturgies funèbres

Nous pourrions tout simplement en rester là. Mais nous pouvons faire un pas de plus. Nous pouvons démontrer dans nos liturgies funèbres la foi qui habite en nous. Ce que nous disons, chantons, et même les attitudes physiques que nous adoptons, témoignent de ce que nous croyons. Nous croyons que Dieu nous a créés, corps et âme, des êtres entiers qu’Il restaurera lors du retour de notre Seigneur. Nous confessons, selon les mots d’une liturgie « funèbre » réformée : « Dieu saint, Seigneur de la vie et de la mort, tu nous as créés à ton image et tu as pris soin de nous. » Dieu nous a créés à son image. Nous sommes porteurs de cette « image ». C’est notre personne entière qui est qualifiée d’« image de Dieu », y compris notre corps.

Ainsi, ce que nous faisons de notre corps au moment de notre mort est important. Une autre liturgie, celle de la Reformed Church in America contient par exemple ce passage :

Dans l’espérance certaine et assurée
de la résurrection à la vie éternelle,
par notre Seigneur Jésus Christ,
nous recommandons à Dieu tout-puissant notre frère / sœur
et nous confions son corps
au sol ce lieu de repos,
la terre [retourne] à la terre,
les cendres aux cendres,
la poussière à la poussière.
Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur, dit l’Esprit.
Ils se reposent de leurs travaux,
et leurs œuvres les suivent.

Nous confions le corps à la terre, et au Seigneur, « dans l’espérance certaine et assurée de la résurrection à la vie éternelle »… et ainsi nous pouvons nous consoler les uns les autres. Nous pouvons aussi nous nourrir de ce passage des Psaumes : « Elle a du prix aux yeux de l’Eternel, La mort de ceux qui l’aiment. » (Ps 116.15) Les mots que nous prononçons lors de ces liturgies sont déterminantes. Elles sont un témoignage de notre foi. Elles sont d’autant plus importantes que beaucoup de nos contemporains n’entendent l’espérance de l’Évangile que lors de funérailles.

Dans plusieurs traditions chrétiennes, la liturgie funèbre porte un nom beaucoup plus biblique : liturgie du témoignage de la résurrection. Ce temps bien particulier de rassemblement cultuel est une célébration de l’espérance de la résurrection ! Voilà pourquoi, face à la tentation de cacher ces corps qui nous rappellent le pouvoir de la Mort, nous devons être témoins de la résurrection des corps. Car Christ est vraiment ressuscité.

[1] Thibaut Déléaz, « Le compost humain bientôt reconnu comme mode de sépulture aux États-Unis », 30 avril 2019, Le Point, http://www.lepoint.fr, consulté le 3 mai 2019.

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