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Qui de nous n’a pas expérimenté combien la prière peut faire du bien ? Dans cette série d’articles, nous avons vu que la prière n’est évidemment pas que cela : elle est un temps d’intimité avec Dieu, elle est une grâce accordée par un Dieu trinitaire qui nous aime, elle nous permet de lutter contre notre péché, etc. Mais Dieu nous a aussi donné la prière comme un cadeau, un moyen de lui exprimer nos besoins et de trouver la paix.

Deux écueils : ne pas demander… et demander égoïstement

Cependant, pour jouir pleinement de ce bienfait de la prière, il nous faut commencer par prendre conscience que deux écueils doivent être évités : l’écueil de ne pas demander et l’écueil de demander égoïstement. Jacques nous avertit : « D’où viennent les luttes et d’où viennent les querelles parmi vous, sinon de vos passions qui guerroient dans vos membres ? Vous convoitez et vous ne possédez pas ; vous êtes meurtriers et envieux, sans rien pouvoir obtenir ; vous avez des querelles et des luttes, et vous ne possédez pas, parce que vous ne demandez pas. Vous demandez et vous ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de tout dépenser pour vos passions » (Jacques 4,1-3).

Trop sûrs de nous et trop satisfaits de nous-mêmes

Commençons par le premier écueil : ne pas demander. Même si nous ne le formulerons pas ainsi, il y a trop souvent au fond de nous cette idée que nous nous débrouillons assez bien tout seuls. Nous n’éprouvons pas le besoin de venir à Dieu dans la prière, parce que nous nous confions davantage en nos réflexions et en nos projets qu’en Dieu. Mais penser ainsi, c’est l’essence même de l’orgueil.

Ou alors, nous ne demandons pas, parce que nous nous satisfaisons de notre médiocrité. Nous faisons de belles théories sur ce que devrait être la moralité, nous connaissons bien la doctrine et certains versets bibliques par cœur, nous donnons l’image de chrétiens fidèles par notre régularité au culte, mais notre vie de piété – et en particulier de prière – reste médiocre. Et nous n’avons pas pris l’habitude de venir vers Dieu pour demander. Mais penser ainsi, c’est comme cracher sur l’œuvre de Christ, qui veut notre maturité et non pas notre médiocrité.

Trop indignes pour nous approcher de Dieu ?

Parfois, nous ne prions pas et ne demandons pas, parce que nous nous estimons trop indignes de nous approcher de Dieu. Nous voyons nos péchés, nos luttes et nos doutes, alors nous n’osons pas « déranger » Dieu avec nos prières et nos demandes ; cela nous paraîtrait abuser de sa grâce. Mais penser ainsi, cela revient à oublier le « tout accompli » de Christ à la croix, qui a pardonné toutes nos fautes et nous accueillera toujours ! Cela revient à oublier que Christ est doux et humble de cœur et qu’il nous a dit de venir à lui lorsque nous sommes fatigués et chargés.

Quand Dieu devient le serviteur de nos passions…

Toute la Bible nous dit en quelque sorte : « Demandez ! ». Et c’est donc une erreur de ne pas demander. Mais l’autre erreur que soulève Jacques, c’est celle consistant à demander égoïstement, pour satisfaire nos passions. Dans toute cette section, Jacques dénonce les mauvais désirs qui animent ses lecteurs, des chrétiens gouvernés par leurs convoitises personnelles et dont l’amour du monde est tel qu’il transparaît même dans leurs prières. Que devient alors Dieu ? Un serviteur de nos propres désirs.

Jacques dénonce les mauvais désirs qui animent ses lecteurs, des chrétiens gouvernés par leurs convoitises personnelles et dont l’amour du monde est tel qu’il transparaît même dans leurs prières. Que devient alors Dieu ? Un serviteur de nos propres désirs.

Eugene Peterson parle d’une « parodie de la prière ». Dans cette relation, dit-il, c’est comme si j’étais à table au restaurant, avec Dieu comme serveur. « Le « serveur-Dieu » est essentiel, mais périphérique. Je ne peux pas manger s’il n’est pas là, mais il n’est pas un participant intime au repas. Il est quelqu’un à qui je donne des ordres, adresse des plaintes et que peut-être, à la fin, je remercie. La personne qui m’absorbe, c’est moi : mes humeurs, mes idées, mes intérêts et mes satisfactions. Quand je quitte le restaurant, j’oublie le serveur jusqu’à la prochaine fois ». Calvin, lui, écrit que Dieu « n’accueille pas sans examen nos sentiments fous et inconsidérés, voire pervers » et qu’il ne « pousse pas son indulgence et sa bonté jusqu’à s’assujettir aux caprices des croyants ».

La communion avec Dieu, remède à ces deux écueils

Nous sommes ainsi sur une ligne de crête. D’un côté, la Bible nous encourage à demander et nous dit qu’il est erroné de ne pas demander. De l’autre, elle nous invite à veiller sur notre état d’esprit et nos motivations, afin de ne pas prier dans le but de satisfaire nos passions. Est-ce donc bien difficile de rester sur cette ligne de crête ? Probablement pas tant que ça : en effet, plus nous aimerons passer du temps avec Dieu, plus nous comprendrons que nous pouvons tout lui demander et plus nous aurons en même temps des désirs toujours plus purs, qui nous amèneront à faire de bonnes demandes. La communion avec Dieu apparaît donc comme le remède à nos deux écueils.

Transformer l’anxiété en prière pour recevoir la paix

Nous pourrons alors vivre selon la réalité de ce magnifique passage de Philippiens 4.6-7 : « Ne vous inquiétez de rien ; mais en toutes choses, par la prière et la supplication, avec des actions de grâces, faites connaître à Dieu vos demandes. Et la paix de Dieu, qui surpasse toute intelligence, gardera vos cœurs et vos pensées en Christ-Jésus ». Ce que nous montre Paul ici, c’est que notre anxiété peut toujours se transformer en prière, et que nous en recevons la paix. Notre société cherche à lutter contre l’anxiété à coups de comprimés, de thérapies et de livres de développement personnel… et cela peut évidemment faire partie de la grâce commune déployée par Dieu. Cependant, Paul évoque un remède plus génial encore : ne vous inquiétez de rien, mais priez !

Plus nous aimerons passer du temps avec Dieu, plus nous comprendrons que nous pouvons tout lui demander et plus nous aurons en même temps des désirs toujours plus purs, qui nous amèneront à faire de bonnes demandes.

L’anxiété est incapable de se détendre face au chaos

Paul Miller a écrit un court mais excellent chapitre à ce propos dans son livre Une vie en prière. Voilà ce qu’il écrit : « Au lieu de lutter contre l’anxiété, nous pouvons l’utiliser comme un tremplin pour incliner nos cœurs vers Dieu. Au lieu d’essayer de supprimer l’anxiété, la gérer ou l’étouffer par le plaisir, nous pouvons remettre notre anxiété à Dieu. Quand nous agissons ainsi, nous découvrirons que nous nous sommes lancés dans la prière continue. Mon anxiété devient prière ». A l’inverse, laisser l’anxiété me gouverner va me détruire : « L’anxiété veut être Dieu, mais n’a pas la sagesse de Dieu, sa puissance ou sa connaissance. Avoir une position de dieu sans avoir le caractère et les capacités de Dieu ne produit que tension. Parce que l’anxiété a une personnalité propre, elle essaie de prendre les choses en mains. Elle est incapable de se détendre face au chaos ».

Le réflexe de la prière plutôt que celui de la panique

Autrement dit, soit l’anxiété me dévore, soit je la remets à Dieu. Soit elle cherche en vain à s’élever au-dessus du chaos, soit elle prie au milieu du chaos, nous dit Paul Miller. Dans le deuxième cas, toute situation peut devenir prière : un délai qui approche, une rencontre qui nous fait peur, un problème administratif à régler. Et les « gros dossiers », ceux qui auraient tendance à susciter la panique, se transforment en prières persévérantes : ma santé, ma recherche de travail, mes enfants inconvertis, mes choix importants. Mon anxiété devient prière et, comme le dit Miller, cette prière deviendra un réflexe : « Vous vous rendrez compte que vous éteindrez la radio de la voiture pour vous retrouver avec votre Père. Vous vous réveillerez au milieu de la nuit et vous vous surprendrez en train de prier. Ce sera comme votre respiration ».

J’ai prié… mais mon fardeau est encore sur mes épaules

Probablement que la prière est souvent notre réflexe lorsque nous sommes anxieux. Le problème, c’est qu’il nous arrive bien souvent de repartir avec notre fardeau après avoir prié. Or la Bible nous appelle à nous décharger vraiment : « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous » (1 Pierre 5.7).

Dans son livre Prière, Ole Hallesby prend l’exemple de Marie, la mère de Jésus, aux noces de Cana. Bien sûr, cet épisode relaté en Jean 2 n’a pas pour but de nous enseigner premièrement sur la prière, mais il nous fait tout de même réfléchir sur l’état d’esprit de Marie. Que dit-elle à Jésus ? Simplement ceci : « Ils n’ont plus de vin ». Elle connaît son Fils. Elle ne sait pas ce qu’il fera, mais elle croit qu’il fera quelque chose. Elle ne lui donne pas d’ordre, pas de plan d’action, pas de conseils. Elle a exprimé son besoin et elle s’attend maintenant à lui.

Dans l’attente joyeuse de voir l’exaucement

Si la prière nous devient si souvent pesante, c’est parce que nous n’avons pas compris qu’elle consiste tout simplement à exposer nos besoins à Dieu, constate Hallesby. « Plus nous progressons dans la connaissance du Seigneur, plus nos prières respireront le calme, la confiance ; nous aurons avec notre meilleur Ami d’intimes entretiens, nous lui dirons tout ce qui nous préoccupe, nos besoins personnels, ceux de notre entourage. Nous éprouverons une paix et une tranquillité parfaites en remettant ainsi toutes choses entre les mains de Celui qui est non seulement soucieux de notre bien, mais aussi de notre mieux. Et surtout, notre vie de prière connaîtra enfin le repos. Certains, désormais, d’avoir fait tout ce qui nous était nécessaire en exposant nos besoins à Jésus, nous nous déchargerons sur Lui de toute responsabilité. Nous serons libérés de l’anxiété et du tourment intérieur qui nous assaillent chaque fois que nous nous mettons à genoux. Nous retournerons à nos occupations le cœur rempli d’une joie inconnue jusqu’alors, assurés, comme la mère de Jésus, qu’il exaucera nos désirs puisque nous avons tout remis entre ses mains. Nous ferons alors comme font parfois les enfants : nous serons curieux de voir de quelle manière la difficulté va être surmontée. « Comment s’y prendra-t-il ? », nous demanderons-nous, en demeurant dans la joyeuse expectative de l’exaucement ».

Nous entrons alors dans ce que les Psaumes appellent « s’attendre à Dieu ». On lit dans le Psaume 37 : « Remets ton sort à l’Eternel, confie-toi en lui, et c’est lui qui agira. Garde le silence devant l’Eternel et attends-toi à lui ».

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