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Cela fait un peu plus d’un mois que #balancetonporc a envahi les réseaux sociaux, twitter d’abord, puis tout le web. Les agressions, harcèlements, viols subis par des milliers de femmes ont trouvé une voix, témoin de l’absolu sérieux de ce qui se passe sous nos yeux. Le problème social et éthique est clairement immense. Et dans un certain sens, il n’est pas surprenant : c’est cela la vraie tragédie de ce que nous voyons en ce moment. Les réactions, dans les milieux artistiques par exemple, sont variées mais beaucoup remarquent que « cela fait longtemps qu’on savait » ou se demandent « pourquoi on n’a rien dit avant ? ».

Témoignage ou dénonciation ?

C’est bien la question. Ou du moins, l’une des questions. Certains pourraient aussi se demander si #balancetonporc n’a pas un effet opposé à son but premier. Ce mouvement n’est-il pas une forme de dénonciation. Peut-être même de dénonciation d’autant plus facile et gratuite qu’elle est anonyme – diront les plus prudents ? Ce serait oublier que pour des agressions qui touchent toute la personne, comme les agressions sexuelles, il est quasi impossible de sortir d’un anonymat protecteur. Ce serait aussi oublier qu’il y a une différence entre les dénonciations gratuites et celles qui sont légitimes. Les premières ont des motivations ambigües, voire douteuses ; les secondes ont des motivations légitimes, et il nous faut toujours prendre garde à ne pas confondre les deux.

Cependant, #balancetonporc n’est même pas d’abord un mouvement de dénonciation mais de témoignage. Le but n’est pas de dénoncer l’auteur du harcèlement, du viol, ou du geste inacceptable. Le but est de montrer que ces gestes, actions, paroles, sont beaucoup plus communs qu’on ne le pense. Ou qu’on ne pourrait même l’imaginer. D’ailleurs pour les hommes qui découvrent tous ces témoignages, la réaction initiale peut souvent être l’incrédulité. Jusqu’à ce que la tragique réalité des témoignages rapportés les rattrapent. Je le sais, parce qu’en naviguant sur les sites, réseaux sociaux, je ne peux qu’être d’abord incrédule. Des milliers de lignes au contenu malheureusement similaire se succèdent sur mon écran jusqu’à ce que seuls quelques mots y restent gravés. La réalité de notre société, c’est bien celle-là.

C’est pour cela que #balancetonporc est d’abord un témoignage. C’est là que nous voyons son importance, parce que le témoignage est une prise de conscience, personnelle et communautaire. C’est porter une parole vers l’extérieur, c’est rapporter ce qui se passe quand les autres sont muets, sourds, ou aveugles.

Une soif de justice

Alors que ce soit clair : #balancetonporc est un appel à la justice, à la reconnaissance du mal qui a été fait. Bien sûr, il ne fait aucun doute que ce mouvement sera l’objet de critiques. Probablement aussi, nous verrons des dérapages, car aucun mouvement de masse ne peut être parfait. Cela ne retire rien à l’élan premier qui a fait naître cet épanchement de souffrances. Les écumes de douleur, de peur, d’incompréhension s’écrasent sur une société qui s’est construite autour du silence. Mais ce qui me frappe aussi, c’est le désir intense de justice manifeste dans la plupart des tweets ou courts messages mis en ligne.

Le désir de justice est incroyablement ancré dans la nature humaine. Il est l’une des plus importantes manifestations concrètes de notre création à l’image de Dieu. C’est ce besoin de justice qui peut être saisi par notre foi, proclamé par notre foi. C’est toujours ce même besoin de justice, imprimé dans notre nature par le Dieu qui est tout entier juste, que nous devons mettre en avant. C’est lui que nous devons proclamer et vivre. Vivre de manière totalement juste. Car la justice que nous désirons ne trouve finalement de sens que dans celle que Dieu apportera en lui-même.

La justice finale de Dieu, que nous considérons souvent de manière uniquement négative, contient aussi une dimension positive. Au jour du jugement, toutes choses seront dévoilées, toutes les injustices seront mises à nu. Le renversement absolu d’une société injuste, silencieuse, sera accompli. Seul celui qui connaît toutes choses peut vraiment manifester toute la justice. Voilà la seule espérance d’une vraie et entière justice

Faire justice soi-même

Témoignage et justice. Deux éléments du mouvement sociétal qui nous attend quand nous nous connectons. Deux choses d’autant plus importantes que souvent, au vu de nombreux témoignages, le système judiciaire semble incapable de rendre la justice attendue. Alors que faut-il faire ? Faut-il aller jusqu’à dénoncer les auteurs de ces actes ? Après tout, il faut bien que quelqu’un fasse justice ! Et si jamais certaines accusations se révèlent fausses, il faut espérer que ceux qui auraient été faussement accusés se relèvent et que Dieu les aident. C’est là que j’ai un problème. En rendant justice à toutes les femmes qui ont été agressées, harcelées, nous ne pouvons pas sacrifier quelques personnes parce que nous serions allés trop vite dans la mention publique du coupable supposé. Il faut un témoignage et une justice, pour tous. Nous ne pouvons donc pas faire justice nous-mêmes, seuls. Je suis (malheureusement) trop convaincu de notre péché radical pour croire qu’il n’y aura pas de problèmes avec tous les témoignages que nous pouvons lire. Et cependant les femmes agressées sont souvent seules.

Alors que faire ? La foi que nous partageons, la foi en ce Dieu d’amour et de justice, doit nous conduire à plus de justice. Comment faire ? La première chose, c’est d’être familiers avec la loi concernant le harcèlement sexuel. Et ensuite, ne pas hésiter à être témoin, c’est à dire, à parler, contre ces harcèlements. Des emails tendancieux envoyés à tous les employés (y compris féminins) touche au harcèlement sur le lieu de travail et pour cela nous ne devons pas rester silencieux. Des blagues à caractère sexuel sur le lieu de travail, et en présence de collègues féminines, créent une atmosphère néfaste. Là aussi nous ne devons pas rester silencieux.

Mais avant tout, nous devons faire attention à nos paroles et à nos attitudes. Et toujours démontrer, en paroles et en actes, que Dieu nous a tous créés à son image, avec une dignité et une intégrité que notre foi nous rappelle, et que nous devons vivre.

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