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Il y a plusieurs années, ma femme et moi avons acheté notre première maison. Dans quelques semaines, nous en fermerons la porte d’entrée pour la dernière fois. Pour être tout à fait franc, l’idée de vendre notre petite maison me rend triste. Cette maison a été la toile de fond et le camp de base de certains des moments les plus mémorables et les plus formateurs de notre vie commune.

Partout où je porte mes regards – même en écrivant ces lignes – des souvenirs à la fois doux et amers me viennent à l’esprit. Les murs presque parfaitement peints me rappellent le temps où ma famille élargie prenait des congés pour rénover notre maison. L’assortiment hétéroclite de chaises dans notre salon me rappelle tous les moments agréables que nous avons passés confortablement installés avec notre groupe de maison du jeudi soir. La chambre d’enfant inutilisée, remplie de vêtements de bébé non portés, me rappelle la petite fille que nous n’avons jamais ramenée de l’hôpital.

C’est dans ces murs que nous nous sommes réjouis. C’est dans ces murs que nous avons pleuré. Même si notre maison n’est pas vivante en soi, elle rend témoignage de notre vie. C’est pourquoi, fermer la porte d’entrée pour la dernière fois produira comme une sensation de mort : la disparition d’un souvenir physique. La mort d’un lieu de vie.

Même si notre maison n’est pas vivante en soi, elle rend témoignage de notre vie.

Je sais que ce genre de nostalgie peut, pour certains, paraître exagéré (ou peut-être même risible). Nous devons vraimentnous méfier de l’idolâtrie débilitante du sentimentalisme. Mais nous devons également nous méfier de la froideur de l’utilitarisme. Nous devons nous garder d’élever les bénédictions au rang de dieux et de minimiser les bénédictions de Dieu par une indifférence stoïque, voire gnostique.

Ne vous y trompez pas, quelle qu’en soit la forme – que ce soit une tente ou une maison de ville – avoir un foyer est une bonne chose. Le foyer est l’idée de Dieu.

Vivre dans l’ombre d’Éden

Au commencement, Dieu plaça l’homme dans un jardin-maison parfait (Gen. 2.5–9). Éden avait été fait pour l’homme, mais Éden n’était pas prévu pour s’arrêter un jour. Dieu, dans sa grâce, donna à l’homme et à la femme leur « maison pour toujours » (pas besoin de rechercher une maison ni de poser des lambris). Lors de la chute, toutefois, Adam et Eve ont été, à juste titre, expulsés de force de ce qui aurait dû être leur maison éternelle (Gen 3.24). Dès lors, les humains ont erré d’un logement à l’autre.

C’est pourquoi il est approprié de faire le deuil d’un lieu d’habitation. Nous n’avons pas été créés pour cela. Nous n’avons pas été créés pour les cartons de déménagement, les panneaux « Vendu » et le rendu des clés. Nous n’avons pas été créés pour quitter notre foyer.

Nous n’avons pas été créés pour les cartons de déménagement, les panneaux « Vendu » et le rendu des clés. Nous n’avons pas été créés pour quitter notre foyer.

Bien au contraire, nous avons été faits pour agrandir notre foyer. L’homme a été créé pour « multiplier et remplir » la terre(Gen. 1.28). C’est aux humains qu’a été donnée la joyeuse responsabilité de « soumettre » la terre et d’exercer sur la création une « domination » qui prend soin d’elle (Gen. 1.28). Je crois que Lewis a une juste description de ce mandat lorsqu’il décrit notre expérience dans le Nouvel Éden comme un retour à un interminable « plus haut et plus bas » [« further up & further in »].

Le foyer de l’humanité créé par Dieu en Éden était destiné à s’étendre. Il n’a pas été créé pour prendre fin.

C’est pourquoi, quitter sa maison ne semble pas naturel. Nous n’avons pas été créés pour que les bonnes choses se terminent. Nous n’avons pas été créés pour les fins de séries sur les écrans, pour les panneaux « Vendu » plantés sur les terrains ni pour les dates gravées sur les pierres tombales. Nous ne sommes pas faits pour les portes verrouillées et les cercueils fermés. La raison pour laquelle toutes ces fins nous paraissent étrangères est qu’elles sont étrangères. Les fins – surtout celles des bonnes choses – hanteront toujours ceux qui vivent à l’est d’Éden.

La nostalgie n’est pas un simple sous-produit des processus évolutifs. C’est (du moins dans un certain sens) l’inconfortable aspiration à retourner dans les foyers- les « édens » – d’hier. Pour nous chrétiens, cependant, la mort des anciens foyers ne doit pas nous affaiblir. En effet, en Christ, ces édens ne sont que des préfigurations du nouvel Éden, le jardin-paradis parfait à venir (Apoc. 22.1–5).

La proximité croissante du Nouvel Éden

En tant que personnes vivant de ce côté-ci du royaume, nous ressentons encore les effets de la chute. Pourtant, nous ne devrions pas pleurer ces effets comme si nous avions été expulsés d’Éden une fois de plus. Au contraire, chaque tristesse vécue du côté de la future entrée triomphale du meilleur Adam devrait nous permettre de nous rappeler qu’un nouvel Éden est devant nous.

Le foyer de l’humanité créé par Dieu en Éden était destiné à s’étendre. Il n’a pas été créé pour se terminer.

Ne vous y trompez pas : cette espérance du Nouvel Éden ne doit pas être confondue avec un espoir sentimental placé dans un futur qui n’arrivera jamais. Oui, notre espérance future en Christ est éternelle (1 Pi. 1.4), mais cette espérance ne sera pas éternellement dans le futur. Un jour, ce royaume futur sera une réalité présente. Notre Roi ressuscité fendra le ciel, et le royaume à venir ne brillera plus jamais derrière l’horizon. Il fendra l’horizon oriental, s’élèvera jusqu’au zénith et ne reculera jamais vers l’ouest. Oui, le Nouvel Éden est devant nous, mais il ne sera pas toujours devant nous. Et il n’est pas trop éloigné pour que nous ne puissions pas en goûter la proximité croissante.

Des bornes kilométriques eschatologiques

Dans ce passage des choses qui ne sont que des ombres, nous goûtons la proximité du nouvel Éden. Chaque tristesse ressentie de ce côté-ci du retour du Christ est une borne kilométrique eschatologique – un panneau indicateur qui nous dit que nous nous rapprochons du nouvel Éden d’un kilomètre. Pour le chrétien, les fins douloureuses sont des panneaux indicateurs qui nous rappellent que toutes nos joies terrestres passagères ne sont que les ombres d’une joie durable à venir.

Les panneaux « Vendu » sont des indicateurs sur la route étroite qui nous conduit au Nouvel Éden. Les portes fermées sur la terre nous rappellent les portes ouvertes au ciel. La fin d’un lieu de résidence terrestre nous rappelle qu’une résidence nouvelle et meilleure nous attend – dans une maison qui n’est pas sujette à l’écaillement des peintures, aux dommages causés par les intempéries ou à une saisie financière, mais qui a été conçue et préparée par le Seigneur (Héb. 11.10).

Pour le chrétien, les fins douloureuses sont des panneaux indicateurs qui nous rappellent que toutes nos joies terrestres passagères ne sont que les ombres d’une joie durable à venir.

Alors oui, quand vous fermez la porte de votre maison pour la dernière fois, portez le deuil. Lamentez-vous lorsque l’arthrite vous empêche de courir ou que l’épilepsie vous empêche de conduire. Pleurez quand un être cher tombe malade. Pleurez quand le cercueil est fermé.

Quand vous vous trouvez au creux du deuil, n’oubliez pas ceci : le passage d’une chose qui n’est qu’une ombre signifie que nous sommes d’autant plus proches de l’objet réel.

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