Qu’est-ce qu’une amitié selon la Bible ? Comment évaluer la qualité d’une amitié ? Comment la cultiver et la préserver ? Cet atelier s’intéresse à faire la distinction entre de véritables amitiés et d’autres types de relations.
L’amitié véritable, loin d’être une simple affinité, est un engagement spirituel profond qui reflète l’amour du Christ pour son Église.
La Bible définit l’amitié par des notions d’attachement, de loyauté et de confiance, la présentant comme une relation qui ressemble à une alliance sans en avoir le caractère obligatoire. Considérée comme un don de Dieu, elle ne peut être forcée ; elle est volontaire, réciproque et doit être cultivée avec soin.
Un ami véritable aime en tout temps, ose dire des vérités difficiles pour le bien de l’autre et se montre loyal comme un frère dans l’épreuve. Dans cet atelier, Matthieu Caron souligne également les dangers des mauvaises compagnies et de l’idolâtrie des bénéfices d’une amitié.
Il est essentiel de respecter une hiérarchie où la relation avec Dieu, puis le mariage, priment sur les amitiés.
Transcription
Il me fait très plaisir de vous parler de ce que la Bible enseigne sur l’amitié. Je vais commencer en attendant que la présentation soit prête.
J’aimerais d’abord vous partager quelques définitions bibliques de l’amitié. Ensuite, nous examinerons des situations d’amitié tirées de la Bible afin d’en dégager des principes pour nos vies. J’imagine que si vous avez choisi cet atelier, c’est soit parce qu’il ne restait plus de place dans l’autre – et vous êtes les bienvenus – soit, plus probablement, parce que vous souhaitez savoir comment gérer une amitié. Une amitié biblique est-elle quelque chose que l’on peut créer ou produire ? L’amitié est une bénédiction, et il est légitime de se demander comment la cultiver. C’est à ces questions que je souhaite m’intéresser avec vous.
Comment distinguer les véritables amitiés des autres types de relations ? Certaines personnes utilisent le mot « amitié » de manière très large : si l’on n’est pas un ennemi, alors on est un ami. Ce n’est pas ainsi que la Bible emploie ce terme. Dans le cadre d’une conférence sur le counseling, il est essentiel de s’intéresser au sens précis des mots et de comprendre ce que la Bible appelle une amitié.
Dans cette présentation, j’aborderai quatre points. Je commencerai par proposer des définitions bibliques de l’amitié. Puis, nous verrons ses caractéristiques dans la Bible, nous aborderons les dangers qui y sont liés – car les Écritures les présentent comme bien réels – et nous terminerons par des recommandations pratiques. Bien sûr, nous garderons du temps pour vos questions.
Fait intéressant, les Écritures utilisent de nombreux mots pour désigner un « ami », mais n’ont pas de mot spécifique pour le concept d’« amitié ». Lorsque nous examinons la racine des mots traduits en français par « ami », nous retrouvons des notions telles que « être collé », « être lié » ou « être uni ». L’un des termes provient directement du verbe « s’attacher ».
Dans le contexte de l’amitié, on trouve aussi l’idée de « l’amour de l’alliance », la bonté fidèle (le hesed). C’est un type d’amour qui, dans l’Ancien Moyen-Orient, n’existait qu’à l’intérieur d’une alliance formelle. C’est un amour loyal et spécial, pour lequel on est prêt à payer le prix. Le mot « connaître » est également utilisé, devenant presque un synonyme de « être en alliance avec ». L’amitié dans les Écritures a donc des échos d’alliance, une notion de très grande proximité.
Voici quelques autres termes :
- Réa : C’est l’un des mots les plus courants traduits par « ami ». Il implique une notion d’association, d’affiliation. Il est parfois traduit par « compagnon », ce qui montre qu’un ami est quelqu’un que l’on fréquente.
- Ahav : C’est simplement le verbe « aimer ». Un ami est évidemment quelqu’un que l’on aime.
- Alluf : Ce mot introduit une notion de familiarité. Dans une amitié, il y a une connaissance mutuelle.
- Shalam : C’est la racine du mot bien connu « shalom », qui signifie « être en paix avec quelqu’un ». Une amitié implique une résolution des conflits et un état de paix.
- Batach : Ce terme évoque la confiance.
- Phileo/Philos (Nouveau Testament) : Désigne une personne d’intérêt, une personne chère, une personne dévouée.
Le vocabulaire hébreu est bien plus riche que le français sur ce sujet, car l’importance d’un concept dans une culture se reflète souvent dans la richesse de son lexique. Alors que nous avons une construction unique appelée « amitié », la Bible décrit en réalité différents types de relations caractérisées par la confiance, la loyauté quasi-alliantielle ou la paix.
À partir de ces facettes, on pourrait définir bibliquement l’amitié comme une relation entre deux personnes où l’on trouve une présence d’intimité, d’amour, de bienveillance, de contact régulier, de paix, de confiance et de dévouement. Une relation qui possède, même imparfaitement, un heureux mélange de ces caractéristiques serait une véritable amitié biblique.
Examinons maintenant quelques versets clés sur les amis. Proverbes 17:17 nous dit : « L’ami aime en tout temps, et dans le malheur, il se montre un frère. » Dans le contexte de l’Ancien Moyen-Orient, un frère avait une obligation sociale et familiale de solidarité inconditionnelle en cas de crise. Ce que ce proverbe signifie, c’est qu’un véritable ami agira comme un frère dans le malheur, alors même qu’aucune obligation sociale ne l’y contraint. Il agira comme dans une alliance, sans qu’il y ait d’alliance formelle.
Les Écritures nous mettent en garde. Proverbes 18 suggère que trop d’amis peuvent diluer une amitié réelle. Nous sommes appelés à aimer notre prochain, mais pas à être intimement attachés à tout le monde. Aimer et être ami sont deux choses distinctes dans la Bible. S’il n’y a pas de danger à aimer, il y en a un à devenir intime avec n’importe qui, d’où les avertissements contre les « mauvaises compagnies » (1 Corinthiens 15:33) ou l’attachement à ceux qui n’ont pas l’Éternel pour Dieu.
Une bonne amitié cherche le bien de l’autre. « Les blessures d’un ami prouvent sa fidélité, mais les baisers d’un ennemi sont trompeurs » (Proverbes 27:6). Cela signifie qu’un ami véritable aimera davantage la personne que sa relation avec elle. Il sera prêt à mettre en péril cette relation en disant une vérité difficile, mais nécessaire pour le bien et la croissance de l’autre.
Il faut comprendre qu’on ne peut pas créer une amitié. C’est un cadeau de Dieu que l’on peut constater et cultiver. On ne peut pas la forcer, car elle requiert une disposition de cœur réciproque, ce sur quoi nous n’avons aucun contrôle chez l’autre.
De plus, les amitiés ne résistent pas à toutes les circonstances. Une épreuve, un déménagement, un mariage peuvent éroder ou transformer une amitié, et cela ne signifie pas qu’elle n’était pas authentique. Dans un monde brisé par le péché, les relations sont fragiles.
L’amitié peut aussi être présente dans le mariage ; c’est même l’une des variables clés des couples heureux, selon les recherches de Gottman. Le Cantique des Cantiques l’illustre : « Tel est mon bien-aimé, tel est mon ami ». Puisqu’elle est précieuse, il faut la cultiver. Proverbes 27 nous y encourage : « L’huile et les parfums réjouissent le cœur, et les conseils affectueux d’un ami son doux. N’abandonne pas ton ami ».
Regardons quelques exemples bibliques.
- Ruth et Naomi : Lorsque Naomi la libère de toute obligation, Ruth « s’attacha à elle » et prononce des paroles qui ont toutes les caractéristiques d’une alliance : « Où tu iras, j’irai… ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu. » C’est une relation qui ressemble à une alliance, mais qui est totalement gratuite et volontaire.
- David et Jonathan : L’âme de Jonathan se lia à celle de David, et il l’aima comme lui-même. Cet attachement ne peut s’expliquer par un bénéfice secondaire, puisque Jonathan, fils du roi, s’attachait à celui qui prendrait sa place sur le trône et que son père voulait tuer.
- Job et ses amis : Au début, ils montrent de la compassion, car « celui qui souffre a droit à la compassion de son ami ». Cependant, leur compassion s’est avérée erronée, illustrant comment une amitié peut mal tourner.
- Amnon et Yonadab : Voici l’exemple d’une amitié terrible, où un « ami » donne un conseil infâme pour commettre un viol. Cela souligne l’importance des avertissements bibliques sur le choix de nos amis. Une relation qui fut saine peut devenir une mauvaise influence qui nous éloigne de Dieu.
En résumé, une amitié biblique est volontaire, réciproque, implique une association, a un coût, et est marquée par la loyauté et l’amour. Mais quels sont les dangers ?
- Idolâtrer les bénéfices secondaires : L’amitié répond à un besoin profond de connexion. Le danger est de faire passer ces bénéfices avant la volonté de Dieu, nous amenant à tolérer des relations néfastes simplement parce qu’elles nous font du bien.
- Glisser vers la réciprocité attendue : Une amitié qui a bien commencé peut se dégrader si l’amour inconditionnel laisse place à des attentes de retour sur investissement.
Malgré ces dangers, cultiver une véritable amitié est une grande bénédiction. Si Dieu vous fait don de relations saines et édifiantes, particulièrement avec des personnes qui aiment Jésus, il faut les chérir et les entretenir avec action de grâce.
Recommandations pratiques :
- Reconnaître que les amitiés viennent de Dieu : On ne peut pas les forcer. On les constate, on en remercie Dieu, et on les cultive.
- Respecter la hiérarchie divine : Dieu passe en premier. Une amitié qui nuit à votre relation avec Dieu doit être remise en question. Ensuite vient l’alliance du mariage, qui est prioritaire sur l’amitié. Il faut garder ces priorités pour que nos relations s’épanouissent.
- Privilégier les contacts réels : Les neurosciences confirment que les relations virtuelles ne comblent pas notre besoin physiologique de connexion et peuvent même augmenter l’anxiété. Les contacts en personne sont essentiels.
- Être sélectif : La Bible nous rappelle que « trop d’amis peuvent diluer une amitié réelle ». Il ne faut pas oublier que la qualité prime sur la quantité.
Nous avons l’opportunité, en tant que chrétiens, d’être une lumière dans un monde de plus en plus isolé. En cultivant des amitiés basées sur un amour inconditionnel, un lien de confiance et une unité en Christ, nous pouvons illustrer la beauté de l’Évangile. C’est le souhait de l’apôtre Paul pour nous : que nos cœurs soient consolés, « unis dans l’amour » pour connaître pleinement le Christ.
Matthieu Caron est conseiller biblique depuis 2009 et il travaille présentement à la Fondation du Counseling Biblique. Il est également pasteur associé à l’Église Évangélique Baptiste de Shawinigan-Sud où il exerce le ministère depuis 2004. Son épouse Valérie et lui sont parents de trois enfants, Édouard, Olivia et Emma.