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Bonjour Dr Daniel Brobeck. Vous êtes médecin, chrétien, et addictologue. Vous êtes aussi intervenant et formateur sur le sujet, avec plus d’une douzaine d’années d’expérience dans ce domaine. Quel est l’impact des addictions sur la société en quelques mots ? 

L’impact des addictions est multiple et très important. Je résumerai cela en quelques points principaux :

  • Les addictions détruisent des vies et de la qualité de vie, elles sont toutes des « raccourcisseurs » de vie.
  • Elles diminuent, puis bloquent nos capacités à nous intégrer dans notre société et en particulier à travailler.
  • Elles concourent à ruiner des relations, des mariages et des parentalités.
  • Elles coûtent cher aux consommateurs, pas uniquement en argent, mais aussi et surtout en qualité de vie et de fin de vie !
  • Elles réduisent les capacités mnésiques des adolescents consommateurs et réduisent leurs chances d’acquérir savoir et diplôme.
  • Elles coûtent très cher à la sécurité sociale, donc à nous. On estime en effet le coût de toutes les addictions à 250 milliards d’euros par an avec 120 milliards pour le tabac et près de la même somme pour l’alcool.

 

En faisant des recherches sur internet, je tombe plus souvent sur des sites qui vantent les mérites du cannabis plutôt que ceux qui mettent en garde. Quel est votre avis en tant qu’addictologue ? 

Il existe un lobby puissant et organisé dans de nombreux pays occidentaux qui pousse à la légalisation et l’usage soi-disant libre du cannabis, il propose des soi-disant études médicales et paramédicales où la plante du cannabis est présentée comme une plante miracle dans de nombreux domaines. Or, pour le moment, aucune publication médicale sérieuse n’a encore fait la preuve d’une supériorité du cannabis par rapport à d’autres médicament déjà connus et utilisés dans ces domaines. Tout ceci interpelle sérieusement quant à la motivation derrière ce lobbying.

La majorité des addictologues connaissent bien les méfaits du cannabis pour les jeunes et ses répercussions négatives graves sur les personnes qui en sont devenues addict. Bien à l’opposé de la promotion actuelle sur les réseaux sociaux, ils font la chasse à sa consommation parmi leurs patients et préconisent des tests de dépistage urinaire et salivaire du THC, le fameux delta-9-tetra-hydro-cannabinol pour essayer de les responsabiliser dans leur consommation et la mettre en lien avec l’évolution (souvent négative) de leur vie et de leurs addictions concomitantes.

Il faut être très vigilant vis-à-vis de ce qui est dit sur le sujet sur internet, et regarder au message véhiculé, et surtout à qui profite vraiment cette consommation de cannabis.

 

Quels sont les impacts négatifs du cannabis sur le corps et la santé mentale ?

Le cannabis a de nombreux impacts négatifs. Voici ce que j’observe surtout :

  • Chez les jeunes consommateurs surtout il influence rapidement et durablement leur capacité d’apprentissage et donc leurs résultats scolaires.
  • Il provoque un syndrome a-motivationnel, du « tout m’est égal », et de « rien n’est vraiment important si ce n’est ma dose de cannabis pour me faire du bien ».
  • Par voie fumée, il semble être encore plus toxique que le tabac et concourt lui aussi à des maladies pulmonaires.
  • Il donne des effets désinhibants, « je suis cool », rires excessifs, souvent agréables au début, effets que recherchent les jeunes mais conduisent aussi à des comportements inadaptés que l’on regrette plus tard, et la prise de risques (sexuels, routiers, fréquentations).
  • Dans un deuxième temps un certain nombre de personnes stoppent la consommation du cannabis car elles réalisent qu’elles deviennent « parano ». C’est un effet majeur et fréquent du THC de générer, après l’euphorie, des angoisses avec des idées hétéro-agressives (paranoïa).
  • De nombreux utilisateurs de cannabis décrivent des bouffées délirantes aiguës (BDA) plus ou moins bien régressives après l’élimination du produit. Certains sont hospitalisés pendant quelques jours ou semaines dans les suites de ces bouffées.
  • Enfin un certain risque de développer des maladies psychiatriques a été mesuré chez les consommateurs de THC. La prévalence de la schizophrénie dans la population générale est inférieure à 0.1 % mais elle est à près de 8% chez les consommateurs réguliers de cannabis.Quand on connaît la gravité et l’incurabilité de la schizophrénie… Rien que cela devrait nous en tenir éloigné.

 

Quel est le lien entre la consommation de cannabis et la dépression ?

Le lien est très fort. Souvent la consommation de cannabis est une automédication qui cherche à répondre à la dépression mais mène vers une addiction supplémentaire.

La dépression est une souffrance parfois très sévère et difficile à partager parce que l’autre peut ne pas la comprendre. Les traitements modernes pour la dépression existent mais leurs effets sont limités et il y a parfois des effets secondaires non négligeables.

Les dépressifs se tournent alors vers des produits psychoactifs (des drogues) légales ou non dans l’espoir de calmer leur douleur morale, et cela marche, en tout cas au début… Ils croient avoir trouvé ici un remède plus efficace que ceux que l’on pourrait leur prescrire mais au bout de quelques temps, ils réalisent que les effets positifs s’épuisent, que leur douleur morale est toujours là mais qu’ils sont en plus enfermés dans une dépendance à un ou plusieurs produits qui auront des répercussions négatives sur leur santé et le cours de leur vie.

 

Vous avez parlé plusieurs fois des effets sur les jeunes. Quels sont les impacts du cannabis sur l’éducation en particulier ?

Ils sont clairement mauvais. Les ministres de l’éducation, les recteurs d’université et les proviseurs et principaux connaissent bien l’impact négatif du cannabis sur les étudiants et le système éducatif, mais malgré cela on continue vers la voie de la légalisation. Selon moi, c’est parce que notre politique de contrôle et d’interdiction a été un échec total. L’équivalent de moins de 1% du cannabis en circulation est saisi par les douanes ou la police. Donc puisqu’on ne parvient pas à faire respecter son interdiction, on le légalise car la situation intermédiaire est intenable politiquement.

Pendant la scolarité, le cannabis induit :

  • Un syndrome a-motivationnel, par exemple : « j’ai un contrôle de maths demain mais cela m’est égal, j’aurais zéro mais cela ne m’inquiète pas plus que cela, peu de choses m’intéressent encore ».
  • Un trouble des fonctions mnésiques avec une réduction de la capacité de stockage de la mémoire à court terme, c’est-à-dire que même si j’ai révisé les maths hier soir, je n’ai pas réussi à retenir ce que j’ai appris.
  • Cela amène presque toujours à une diminution des résultats scolaires amenant certains élèves à l’échec scolaire et la fin anticipée de la scolarité.

 

Que pensez-vous de la légalisation du cannabis en tant qu’addictologue ? Est-ce financièrement bénéficiaire pour la société ou non ?

Disons dans un premier temps que tous ne deviennent pas addict au cannabis. En effet, beaucoup de personnes vont expérimenter les produits sans en devenir accro (un peu comme l’alcool) :  on estime que seul 10 à 20 % des consommateurs deviennent dépendant du cannabis. Ceci dit, même les non-dépendants peuvent avoir à payer un certain prix, surtout scolaire, prix qu’ils ne pourront parfois jamais rembourser de toute leur vie durant.

La légalisation du cannabis est un paradoxe car nous en savons de plus en plus sur les effets secondaires et les risques des alcaloïdes cannabiniques contenus dans la plante sur les humains et particulièrement sur les jeunes. Nous connaissons les répercussions à long terme sur la scolarité et la vie professionnelle de cette drogue et nous pouvons nous faire une idée du coût sociétal du cannabis (qui est énorme), bien plus élevé que le simple coût du trafic. En effet, des milliers de jeunes mal formés qui restent au smic toute leur vie ou ne travaillent que par à-coups ou plus du tout, cela coûte fort cher à une société. Mais ce calcul semble invisible ou politiquement incorrect car personne n’en parle. Au contraire, on se dirige à grande vitesse sur l’autoroute de la légalisation du cannabis avec les répercussions prévisibles dans un futur proche ou lointain : il nous suffit de regarder ce qui se passe au Colorado !

 

Quels sont quelques conseils que vous partagez en tant que médecin pour arrêter le cannabis ?

Voici les suggestions que je donne :

  • Sortir du déni : reconnaître que le cannabis est un problème pour moi et que j’ai eu tort de me laisser attraper par lui. Je propose de faire la liste exhaustive des effets négatifs physiques et sociaux liés à ce produit de votre vie et les écrire sur le papier.
  • Chercher un coach digne de confiance qui sera à vos côtés pour accompagner dans la séparation d’avec ce produit, un ami fidèle et fiable qui pourra vous écouter et vous conseiller efficacement.
  • Être prêt à souffrir : vaincre une dépendance, c’est chercher la liberté or aucune liberté ne se conquiert sans souffrance.
  • Décider d’un jour de divorce : fixer une date définitive où le cannabis sera totalement et définitivement exclu de votre vie. Cela passe bien souvent par une révision de ses fréquentations.
  • Comprendre que le divorce d’avec le cannabis est définitif et non-négociable car l’abstinence est votre première arme. Or le produit vous proposera dès que vous essayerez de l’arrêter de faire une sorte de ménage à trois avec l’abstinence : c’est un mensonge énorme mais qui marche très fort et fait rechuter une majorité des candidats au sevrage du THC.
  • Être prêt à témoigner de votre sevrage définitif du THC autour de vous, vos amis, vos parents, et leur expliquer que s’ils veulent être votre ami, jamais ils ne vous proposeront plus un seul joint.

 

 

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