La Bible affirme à la fois que Dieu contrôle et dirige toutes choses, et que l’homme est responsable de ses choix et de ses actes. Comment comprendre et concilier ces deux affirmations apparemment contradictoires ?
Transcription
Si Dieu dirige tout, l’homme peut-il vraiment être libre ?
Nous avons vu que Dieu gouverne et contrôle tout l’univers, de sorte à ce que sa volonté s’accomplisse toujours. C’est ce qu’on appelle la providence de Dieu. Mais la Bible affirme également que l’homme est responsable de ses choix, comme de ses actes. Comment donc comprendre et concilier ces deux vérités qui semblent incompatibles ?
Nous avons déjà vu dans notre vidéo sur la providence de Dieu que chaque événement est à la fois 100% causé par Dieu, et 100% causé naturellement. Eh bien il en va de même pour les actions humaines. Elles sont toujours contrôlées par Dieu et par l’homme. Ces deux vérités vont de pair. Nous avons de nombreux exemples bibliques où un événement est à la fois causé par Dieu et par l’homme. Prenons la crucifixion de Jésus par exemple. Actes 2.23 nous dit que Jésus a été livré « conformément à la décision que Dieu avait prise ». Il s’agit là de la cause divine. Mais il est également écrit que « vous l’avez tué en le faisant crucifier par des hommes qui ne connaissent pas Dieu ». Il s’agit là de la cause humaine. Contentons-nous simplement d’un deuxième exemple, en Genèse 45, Joseph s’adresse à ses frères en leur disant : « je suis Joseph, votre frère, que vous avez vendu pour être mené en Egypte. », puis il précise « ce n’est donc pas vous qui m’avez envoyé ici, mais c’est Dieu. » La vente de Joseph aux Egyptiens est donc à la fois décision divine et décision humaine.
Mais comment cela est-il possible ? On a généralement du mal à comprendre que l’on puisse être responsables et décisionnaires de nos choix si Dieu contrôle tout et a déjà tout prévu. Pour comprendre, il convient déjà de bien définir la notion de libre-arbitre. Spontanément, on a tendance à considérer que nous sommes libres si on fait ce que l’on veut sans aucune contrainte, et avec la possibilité de faire autrement si on le souhaite. Le problème de cette définition c’est que nous savons aujourd’hui très bien que nos choix sont plus ou moins conditionné par toutes sortes de facteurs sur lesquels nous n’avons aucun contrôle : notre éducation, notre inconscient, certains processus neuronaux, le principe physique de causalité, etc. En réalité, chacun de nos choix a de multiples causes et notre libre arbitre ne peut s’exercer qu’en rapport avec des contraintes qui s’imposent à nous. Par exemple, si je suis dans un magasin avec un groupe d’amis et que je choisi d’acheter une boisson de la marque x, suis-je la seule cause de ce choix ? Non, je n’avais peut-être pas prévu de me rendre en magasin, mais j’ai décidé de suivre un ami qui avait faim par exemple. En chemin, nous sommes passés devant une publicité de la marque x, à laquelle je n’ai pas réellement fait attention, mais dont mon inconscient a pris l’information, et qui a commencé à déclencher la sensation de soif en moi. Une fois devant le rayon des boissons, j’ai eu le choix entre plusieurs marques, mais mon inconscient, influencé par la publicité et peut être le fait que j’ai été élevé dans une famille où l’on buvait régulièrement de cette boisson, et dont j’ai été habitué à apprécier le goût. Tous ces facteurs vont en fait constituer les causes de mon choix d’acheter cette boisson de la marque x. C’est bien moi qui fais le choix, j’en suis responsable, mais je le fais à partir de ces raisons.
Imaginons maintenant que nos choix ne soient motivés par aucune cause, aucun facteur, si ce n’est notre seule volonté. En réalité, mon choix d’acheter une boisson quelconque ne serait motivé par aucune raison rationnelle, il serait soumis au pur hasard. Ce serait un choix inexplicable, voir incontrôlé. En effet, je ne me serais appuyé sur aucune raison, consciente ou non, pour faire mon choix. Pourrait-on vraiment dire que j’aurais été décisionnaire de mon choix et que je ne l’aurais pas plutôt subi en quelque sorte ? Et à l’inverse de notre premier exemple, une personne me connaissant très bien aurait été incapable de prévoir mon choix. Moi-même je ne saurais l’expliquer.
Finalement, cela remettrait même en question la notion de personnalité. Par conséquent, nous voyons bien que le libre-arbitre ne peut s’exercer qu’en rapport avec la contrainte. Les deux ne sont pas nécessairement incompatibles, au contraire.
De plus, des philosophes comme frankfurt ont montré qu’il nous est possible d’agir de manière libre et responsable, sans pour autant avoir eu la possibilité d’agir autrement. Ainsi, nous exerçons un libre-arbitre dès lors que nous exerçons un certain contrôle sur les différents facteurs à l’origine de nos choix, et nous sommes moralement responsables de nos actes car en nous se trouve ce contrôle à l’origine de nos actions.
Pour en revenir à la question de la souveraineté de Dieu et de la responsabilité humaine, ces deux vérités peuvent donc se concilier sans contradiction. On parle en fait de compatibilité. Ça ne veut pas dire que nous en comprenons exactement les mécanismes, mais nous reconnaissons que les notions sont compatibles. La providence de Dieu n’exclut pas le choix humain mais l’inclut. Dieu contrôle tous ces facteurs qui s’imposent à nous, il y a une limite imposée à l’homme, mais dans cette limite, un certain espace lui est laissé. L’homme exerce un certain contrôle qui est lui-même contrôlé par Dieu. Dieu n’a pas créé des robots mais des esprits capables de volonté et de décision, et moralement responsables de leurs actes. Et surtout, il souhaite entretenir une relation avec l’homme, ce qui passe nécessairement par un certain libre-arbitre.
Nathanaël Delforge est passionné de théologie et de philosophie, il est également le créateur et l’animateur de Kurious, une chaîne YouTube d’apologétique chrétienne. Professeur de mathématiques dans le secondaire, il poursuit des études de théologie en parallèle. Il est marié et père d’une petite fille.