La science moderne nous apprend que notre univers est ordonné, régulier, comme gouverné par ce qu’on appelle les « lois de la nature ». Dès lors, penser qu’un miracle serait possible n’est-ce pas incompatible avec ces données scientifiques ? Peut-on être scientifique, ou avoir confiance en la science, et croire aux miracles en même temps ?
Transcription
La notion de miracle est-elle incompatible avec ce que la science nous dit de l’univers ?
En effet, la science présuppose un certain ordre des choses, elle est possible parce que l’univers est comme gouverné par ce qu’on appelle les « lois de la nature », des lois que la science nous permet de connaître en nous les décrivant. Dès lors, est-il possible de concilier ces données avec l’existence d’événements miraculeux ?
Il convient pour commencer de bien définir ce qu’on entend par miracle. Précisons d’abord ce que bibliquement le miracle n’est pas. Il ne s’agit pas d’une intervention divine directe dans le monde. Cela laisserait supposer que Dieu intervient alors en dehors de toute cause naturelle, et qu’habituellement Dieu n’intervient pas vraiment.
Ce sont là deux affirmations contraires à ce que nous enseigne la doctrine biblique de la providence de Dieu. Le miracle n’est pas non plus un événement impossible à expliquer par des causes naturelles. Encore une fois, cela est contraire à la doctrine de la providence. Le texte biblique lui-même évoque l’utilisation par Dieu d’un violent vent d’est, donc une cause naturelle, pour séparer la mer rouge en deux afin de laisser passer le peuple d’Israël, donc un événement miraculeux. Enfin, le miracle n’est pas la violation d’une loi naturelle. Cela sous-entendrait soit que Dieu est soumis à des lois indépendantes de lui, soit qu’il est incohérent avec lui-même en ce qu’il contredit les lois qu’il a lui-même fixées afin d’opérer un miracle. De plus, on imagine là que l’univers est un système clos fonctionnant de manière autonome. Or, si Dieu existe, il doit tout à fait être capable d’intervenir dans l’univers qu’il a créé, et s’il intervient, par définition, l’univers ne doit pas être considéré comme un système clos, ce qui là encore est en total désaccord avec la doctrine de la providence de Dieu.
Comment donc définir le miracle selon la Bible ? Le théologien Wayne Grudem le définit comme une activité divine moins ordinaire, par laquelle Dieu se rend témoignage à lui-même et suscite l’admiration et l’étonnement chez les gens. Bibliquement, la providence de Dieu nous apprend que l’univers dépend totalement de Dieu et que Dieu intervient continuellement dans le monde au moyen de causes naturelles. Parce que Dieu est un Dieu d’ordre et de sagesse, il intervient de manière régulière, formant ainsi un univers ordonné, prédictible et donc sujet possible d’études. Ce que nous appelons les « lois de la nature » sont en fait les marqueurs de l’action habituel de Dieu dans l’univers. Et parce qu’il est un être totalement libre, il lui est tout à fait possible de vouloir agir exceptionnellement de manière inhabituelle afin d’attirer l’attention de l’homme sur une vérité théologique particulière. Comme le dit joliment le philosophe Alvin Plantinga, il nous faut concevoir Dieu non pas comme un mathématicien qui obéirait toujours aux mêmes règles, mais plutôt comme un artiste qui se plaît à créer.
Le miracle n’est pas incompatible avec les lois de la nature. Il faut plutôt le comprendre comme l’introduction d’un nouvel événement auquel les lois de la nature s’accommodent et qu’elles intègrent dans l’ordre des choses. Le miracle de la naissance virginale par exemple peut être compris comme l’introduction miraculeuse d’un spermatozoïde dans le corps de Marie et qui, une fois introduit, ne viole aucune
loi mais au contraire se laisse travailler par les lois naturelles de sorte à donner naissance à un enfant. Comme le précise C.S. Lewis, les lois de la nature ne son ni bafouées ni suspendues par une telle introduction, mais elles s’en accommodent. Si les lois de la nature fonctionnent de telle sorte que, lorsque « a » alors « b », et que Dieu décide exceptionnellement de ne pas donner « a » mais « a2 », alors il intégrera dans son action habituelle en aboutissant à, non pas « b », mais « b2 ». Lewis l’explicite en une belle formule : « la nature naturalise l’immigrant qu’elle rencontre, tel un hôte accommodant ».
En conclusion, comme le précise le philosophe Peter Kreeft, le miracle ne contredit pas l’ordre naturel, au contraire il le présuppose. Sans ordre naturel, le miracle n’est pas possible.
Nathanaël Delforge est passionné de théologie et de philosophie, il est également le créateur et l’animateur de Kurious, une chaîne YouTube d’apologétique chrétienne. Professeur de mathématiques dans le secondaire, il poursuit des études de théologie en parallèle. Il est marié et père d’une petite fille.