Dans son dernier livre, La guerre toxique contre la masculinité. Comment le christianisme réconcilie les sexes, Nancy Pearcey cherche à montrer que le christianisme fournit une bien meilleure compréhension de la masculinité que celle de la culture ambiante.
Le diagnostic
Pour elle, tout part d’une question : comment se fait-il que nous distinguions si nettement l’homme idéal d’un vrai homme (the real man) ? Là où l’homme idéal est perçu comme quelqu’un de doux, de sacrificiel, de courageux et de protecteur, le vrai homme est perçu comme étant insensible, sans faiblesses, compétitif et dur. Résultat ? Dans la majorité de nos églises occidentales, il y a une large majorité de femmes et peu d’hommes véritablement courageux.
The Toxic War on Masculinity How Christianity Reonciles the Sexes
« Pourquoi ne pouvons-nous pas haïr les hommes ? », s’interroge un titre du Washington Post. Le hashtag à la mode est #KillAllMen. Des livres intitulés « Je déteste les hommes », « La fin des hommes » et « Les hommes sont-ils nécessaires ?
Oui, la violence domestique est un problème urgent, et Pearcey ne mâche pas ses mots pour l’aborder. Mais les faits sociologiques font exploser les stéréotypes négatifs et montrent que le christianisme a le pouvoir de surmonter les comportements toxiques chez les hommes et de réconcilier les sexes – une découverte inattendue qui a résisté à des tests empiriques rigoureux.
La Bible appelle l’homme à être un protecteur, quelqu’un qui pourvoit aux besoins spirituels et matériels pour le bien des autres
Cela influence notre manière de comprendre le rôle de l’homme et de la femme dans le mariage. La Bible appelle l’homme à être un protecteur, quelqu’un qui pourvoit aux besoins spirituels et matériels pour le bien des autres (une autorité comme celle du Christ). Parallèlement, la soumission de la femme n’est pas le fait de tout accepter, mais d’abord d’aider les dirigeants à mieux conduire, de se positionner comme une aide et de rechercher ce qui est le mieux pour eux. Lorsque la Bible exhorte la femme à se soumettre à son mari et l’homme à se sacrifier pour sa famille, il s’agit bien d’un équilibre délicat entre autorité, amour et égalité.
Les causes
Dans la deuxième partie de son livre, Pearcey essaie de retracer l’histoire de la masculinité. Pour elle, la révolution industrielle a marqué un tournant majeur dans notre compréhension de la masculinité. Avant cette période, la plupart des Américains travaillaient dans leur propre ferme ou magasin. Les parents en profitaient pour apprendre leur métier à leurs enfants. Avec la révolution industrielle, cependant, les hommes ont été appelés à abandonner leurs entreprises privées et à travailler dans de grandes compagnies loin de leurs familles. Les pères sont ainsi devenus absents -sans avoir la possibilité d’éduquer leurs enfants. Les hommes se sont alors retrouvés divisés entre le monde compétitif des entreprises et le monde chrétien, et beaucoup ont fini par accepter la vision du « vrai homme » qui était prônée dans leurs compagnies. Un cercle vicieux a commencé : l’Église s’est féminisée et critiquait les hommes pour leur immoralité. Par conséquent, les hommes ne venaient pas à l’église et s’endurcissaient dans leurs mauvais comportements, etc.
Les remèdes
Quelle devrait être la réponse de l’Église face à ce défi majeur ? Une partie importante du travail de l’Église va être de revaloriser la place et l’utilité du père dans la famille. Les pères ont un rôle important dans la transmission de la foi, et les hommes qui s’impliquent plus dans la gestion de la maison et l’éducation des enfants sont plus heureux, ont moins de conflits, divorcent moins et ont une meilleure vie sexuelle. Les hommes témoignent qu’ils vivent mieux leur masculinité lorsqu’ils vivent mieux leur parentalité.
Nous devons retourner à une vraie « famille traditionnelle » :
Lorsque les gens parlent de restaurer la famille « traditionnelle », ils ne sont généralement pas assez traditionnels. Souvent, ils pensent aux années 1950. Mais ils devraient remonter à l’ère préindustrielle… une époque où les pères et les mères combinaient la procréation avec un travail économiquement productif.[1]
Pearcey nous appelle à nous remettre à réfléchir en terme de communautés où chacun a sa place et son rôle pour la croissance de chaque famille. Cela permettra aux pères de trouver leur place et d’être plus présents.
Les écueils
Dans sa dernière partie, Pearcey veut souligner que la masculinité peut sauver un mariage, une famille et une société, tout comme les détruire. De nombreuses études ont montré que la santé d’un mariage dépendait essentiellement du mari. Beaucoup de problèmes surviennent lorsque les maris n’acceptent pas l’influence de leurs épouses et ne sont pas prêts à « partager » leur pouvoir. La majorité des femmes, quant à elles, demandent tout simplement une plus grande intimité avec leurs époux, ainsi que d’êtres écoutées pour pouvoir aider leurs maris. Les hommes sont appelés à prendre conscience de leurs responsabilités : c’est à eux de commencer à travailler pour améliorer leur mariage, cela parce que Dieu les a appelés à être la tête de la famille. Au lieu d’utiliser leurs qualités pour s’imposer, les hommes sont appelés à être des protecteurs, des gardiens et des personnes prêtes à se sacrifier pour le bien des autres. Cela peut sauver un mariage, une famille et une société.
Là où les hommes s’ouvrent les uns aux autres dans une véritable amitié, le risque d’abus diminue énormément parce que les hommes lutteront contre cette compréhension du « vrai homme » pour devenir de plus en plus « l’homme idéal ».
Mais que faut-il faire en cas d’abus ? Il faut réaliser qu’à cause de leur compréhension du « vrai homme », les abuseurs ont souvent de la peine à reconnaître leurs torts et se mentent à eux-mêmes en justifiant leurs actions et en accusant les autres. Il faut souligner que là où les hommes s’ouvrent les uns aux autres dans une véritable amitié, le risque d’abus diminue énormément parce que les hommes lutteront contre cette compréhension du « vrai homme » pour devenir de plus en plus « l’homme idéal ». Pour changer les mariages, il y a donc besoin de plus de redevabilité et d’action. Les paroles, ici, ne sont pas d’une grande utilité. Seul un amour ferme peut aider. Dans de telles situations, nous sommes appelés à tenir tête avec amour et donner des conséquences aux actions. Dans certains cas, il ne restera plus qu’une solution : partir définitivement afin de protéger ses enfants et sa propre vie. Seul l’amour du Père céleste et de son peuple peut réellement combler le vide émotionnel que vivent de nombreux hommes.
Sans nier tous ces abus, la Bible nous appelle à ne pas dévaluer les hommes. Tout comme les femmes, ils ont un grand potentiel pour faire des choses extraordinaires, ainsi que des choses atroces. Tout deux ont été marqués par le péché. Toutefois, la masculinité, lorsqu’elle est vécue correctement, apporte tant de choses qui manquent à notre société. Nous devons aspirer à une profonde masculinité des hommes dans l’Église et dans le monde en mettant en avant des vertus comme le courage, la bravoure, l’héroïsme, l’esprit sacrificiel, la douceur et le désir de protéger les autres.
[1] N. PEARCEY, The Toxic War on Masculinity, How Christianity reconciles the sexes, Baker Books, Grand Rapids, 2023, p. 225.
