De toutes les leçons que nous enseigne Actes 6 au sujet des diacres, celle que l’on néglige le plus concerne leur rôle stratégique dans la préservation de l’unité de l’assemblée. Les sept n’ont pas simplement été déployés afin de résoudre un problème alimentaire. La nourriture était le problème apparent, mais pas celui de fond. Le problème bien plus grave était la menace qui pesait soudainement sur l’unité de l’Église.
Actes 6 nous présente un modèle remarquable pour naviguer dans les conflits au sein de l’Église locale. Il est d’autantplus remarquable que les groupes concernés sont les Hellénistes et les Hébreux. Les Hellénistes (v. 1) était des Juifs qui avaientquitté d’autres régions de l’Empire romain pour immigrer à Jérusalem. Bon nombre d’entre eux étaient certainement venus pour la Pentecôte et pensaient rentrer chez eux une fois le festival terminé ; ils étaient loin de se douter qu’ils entendraient un message dont l’impact changerait radicalement la trajectoire de leur existence. Luc nous apprend que lors de la prédication de Pierre, trois mille personnes ont été converties, baptisées, et ajoutées à l’Église de Jérusalem (Ac 2.41) – parmi elles, nul doute qu’il se trouvait beaucoup d’Hellénistes qui avaient alors choisi de rester à Jérusalem. (Ce n’est pas commes’ils pouvaient aller dans une autre Église chez eux ; celle-ci était la première qui ait jamais existé.)
Les Hébreux, quant à eux, n’étaient pas des « étrangers » ; ils avaient grandi en terre palestinienne. Ils se considéraient donc plus authentiquement juifs que ces Hellénistes fraîchement arrivés qui parlaient mieux la langue des païens que celle de Jésus. Les différences ne se limitaient pas à la langue : elles englobaient également l’ethnicité et la culture. Même les historiens séculiers de l’époque ont décrit l’animosité qui existait entre ces groupes, malgré leur religion juive commune.


Les diacres
Matt Smethurst
Les diacres jouent un rôle essentiel pour assurer la bonne santé d’une Église. Pourtant, il existe une grande confusion quant à la description biblique entourant leur travail. Quel est le rôle que Dieu leur a donné dans une congrégation locale et de quelle manière sont-ils liés à la mission globale de l’Église ?
Dans ce petit livre, Matt Smethurst démontre que les diacres sont des serviteurs modèles appelés à répondre à des besoins concrets, à coordonner et à promouvoir le service dans l’Église, à préserver l’unité du troupeau et à soutenir le ministère des anciens. Il offre des conseils pratiques pour mettre en place des diacres et favoriser la croissance des Églises, tout en écartant plusieurs idées fausses entourant le diaconat.
Voilà pourquoi Actes 6 est bien plus qu’une bisbille au sujet de la répartition de nourriture. Les apôtres étaient confrontés à une ligne de faille naturelle qui menaçait de fracturer cette unité que Jésus, par sa mort, était venu instaurer. Après tout,l’Évangile insiste sur le fait que notre unité en Christ supplante toutes nos différences terrestres. Ne vous y trompez donc pas : si les apôtres ont délégué ce problème à d’autres, ce n’est pas parce qu’il était sans importance, mais au contraire parce qu’il était primordial. Ils auraient pu imposer une solution rapide et superficielle, et passer à autre chose ; au lieu de cela, ils ont posé le fondement d’une solution constante et d’une position ecclésiale permanente.
Comment l’assemblée a-t-elle réagi ? Prenez le temps de bien lire le verset 5 :
Cette proposition [des apôtres] convint à tous les disciples ; ils élurent Etienne, un homme plein de foi et d’Esprit Saint, ainsi que Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, un non-Juif originaire d’Antioche (BDS).
En quoi cette liste est-elle significative ? Pourquoi Luc a-t-il tenu à nommer ces hommes ? Sans doute parce que tous ont des noms grecs !
Voilà qui est remarquable. On s’imagine les gros titres : « Une assemblée majoritairement hébraïque choisit sept responsables hellénistes. » C’est à ces minorités qui subissent l’injustice d’une distribution alimentaire non équitable que l’on donne la parole ; c’est à elles que l’on confie la tâche et le pouvoir de prendre des décisions pour l’Église tout entière. Cette liste de noms est la chute inattendue de toute l’histoire. Les Hébreux de l’Église tenaient l’unité en si haute estime qu’ils se sont pliés en quatre pour le bien de leurs sœurs hellénistes – quitte à confier leurs propres veuves à ces frères pourtant issus d’une culture grecque qui leur était quasiment inconnue. Le choix des sept n’avait rien à voir avec une quête du politiquement correct ou une volonté d’atteindre un quelconque quota ; il était au contraire ancré dans une solidarité basée sur l’alliance et un désir d’user « de prévenances réciproques » (Ro 12.10).
Au vu du problème fondamental auquel étaient confrontés les sept, on peut conclure que les diacres devraient être les premiers à étouffer les ondes de choc, et certainement pas ceux qui les répandent davantage. Les personnes querelleuses font de mauvais diacres ; elles aggravent les difficultés qu’elles sont censées atténuer. Voilà pourquoi les meilleurs diacres sont bien plus que de bons chefs d’entreprise ou des bricoleurs hors-pair :ils possèdent un « radar de conflit » bien réglé. Ils aiment les solutions plus qu’ils n’aiment les tensions et la riposte. Ils cherchent à réagir de manière constructive et créative afin de promouvoir l’harmonie de l’assemblée.
Mark Dever et Paul Alexander proposent un résumé très juste des implications d’Actes 6 :
Les diacres s’occupent des besoins matériels et financiers de l’Église, et ils le font de manière à prévenir les divisions, à encourager l’unité dans la Parole et à soutenir la direction des anciens. Sans ce service pratique des diacres, les anciens ne seraient pas libres pour vaquer à la prière et au ministère de la Parole. Les anciens ont besoin de diacres qui servent de façon pratique, et les diacres ont besoin d’anciens qui dirigent spirituellement.