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Note de l'éditeur : 

La Grèce à la source

La culture européenne a un triple enracinement :

  • dans la Grèce antique
  • dans la culture romaine
  • dans la tradition chrétienne

On relie parfois ce triple enracinement dans les trois villes qui les symbolisent, à savoir ; Athènes, Rome, et Jérusalem.

S’il existe des liens évidents entre Athènes et Rome, par contre, la Bible, elle, ne rien doit rien de la Grèce, et les deux entre même le plus souvent en opposition.

Dans cet ensemble de quatre séquences, nous examinerons chaque fois un outil, provenant de la source grecque, et qui éclaire la culture européenne moderne.

Il s’agit des outils suivants :

  • L’affirmation de Nietzsche : « Ma philosophie, la platonisme inversé. » Quelles sont les répercussions de cet aphorisme ?
  • Les concepts « Eros et Thanatos » dans la pensée de Freud. Ils sont extraits de l’essai Malaise dans la culture, titre révélateur.
  • Pourquoi les dieux grecs Apollon et Dionysos éclairent-ils la modernité, en passant par la philosophie de Nietzsche, qui crée, à partir d’eux, les notions d’« ordre apollinien » et « ordre dionysiaque » ?
  • De la « tekhné » grecque au « dispositif » de la technique moderne, selon Heidegger ; que s’est-il passé ?

1 – Deux notions freudiennes : « Eros » et « Thanatos »

En 1930, dans le contexte menaçant de la crise économique, du krach de 1929 et de la montée du nazisme, Freud publie l’essai Malaise dans la culture (ou : dans la civilisation). Il réfléchit sur le processus de socialisation. Pour théoriser ce qui se produit dans ce processus, il a recours à deux notions, qu’il emprunte à la Grèce antique : « Eros » et « Thanatos ».
A l’origine, « Eros » désigne le dieu de l’amour et le mot grec « thanatos » signifie : la mort. Mais, chez Freud, ces termes vont prendre une signification particulière. Ils renvoient à des pulsions opposées, de vie et de mort.

La vision de l’humanité proposée par Freud est pessimiste. Ce qu’il voit à l’œuvre, au fur et à mesure du développement de la civilisation, c’est l’activité intense de la pulsion de destruction (« Thanatos »). La pulsion de vie devrait endiguer la pulsion de mort, mais ce n’est pas ce qui se produit. Freud écrit : « Le développement de la culture ne peut que nous montrer le combat entre Eros et mort, pulsion de vie et pulsion de destruction, tel qu’il se déroule au niveau de l’espèce humaine. » Ce qui met les hommes en guerre les uns contre les autres apparaît donc comme plus puissant que cette autre force, de vie, qui devrait les relier en un tout harmonieux : la culture.

Au bout de ce processus civilisateur, que constate-t-on ? Les penchants de l’humanité à la destruction et à la barbarie, qui sont manifestes dans le phénomène de la guerre, par exemple, ne parviennent pas à être maîtrisés. Ainsi, la civilisation apparaît-elle seulement comme un vernis, sous lequel, très vite, ressurgit tout ce qu’il y a en l’homme de plus primitif et d’archaïque.

2 – Efficience du concept de « Thanatos »

Qui n’a pas été amené à entreprendre ce double constat :

  • La persistance du mal au fil des siècles
  • L’incapacité de l’être humain à tirer les leçons de l’Histoire

Oui, comme le pensait Freud, il y a bien un « malaise dans la civilisation ».

On peut ajouter que, depuis le XXe s., l’humanité dispose de moyens technologiques suffisants pour éliminer toute trace de civilisation. La Shoah fut un épisode déterminant de cette histoire de la progression du mal, et de la mort.
Freud était d’origine juive, donc ancré dans une tradition religieuse qui ne pose pas, à l’origine (comme Rousseau) la bonté de l’être humain. Dès le début de la Bible, on assiste en effet au meurtre d’Abel par son frère Caïn , prononçant ces paroles, qui retentissent jusqu’à nous, depuis la nuit des temps : « Suis-je le gardien de mon frère ? » (Genèse 4:9).
Peut-on encore parler de « Progrès » quand la vie des hommes sur la terre est constamment menacée par les hommes eux-mêmes ?

3 – Perspective biblique

Dans son travail d’analyse, Freud se situe sur les terrains croisés de la psychologie, de la sociologie et de l’histoire. Mais on peut décaler son propos sur un autre plan, qui est le plan religieux et le faire entendre autrement.
Qu’il y ait bien une puissance de vie et une puissance de mort à l’œuvre et en rivalité dans l’humanité, la Bible le confirme : « J’ai mis devant toi la vie et la mort, la bénédiction et la malédiction. Choisis la vie afin que tu vives, toi et ta descendance. » (Deutéronome 30:19)

La puissance de mort que Freud nomme « Thanatos » et qui s’oppose à la vie, dans la Bible, est à relier au Diable, à Satan, l’adversaire, le destructeur. Dès l’origine, il s’attaque à l’œuvre de Dieu ainsi qu’au genre humain, pour l’entraîner sur son chemin, qui ne mène qu’à une seule réalité : la mort. Satan est devenu « le prince de ce monde » « Jean 14:30)
Quant à la puissance de vie, nous avons vu que Freud a choisi de la nommer « Eros », un choix qui ne recoupe pas la Bible, puisque celle-ci distingue nettement l’amour-éros (charnel) de l’amour-agapé (fraternel). Freud évoque « ces foules humaines (qui) doivent être liées libidinalement les unes aux autres ». La « libido », dans la psychanalyse, est l’énergie psychique de la pulsion sexuelle. Mais ce n’est pas par la libido que les hommes peuvent se relier. L’amour fraternel est un amour que Dieu peut donner à ceux qui entrent dans la vie nouvelle que Dieu propose à tout être humain. Cet amour peut-il servir de lien pour une société entière ? Non, je ne le pense pas, dans la mesure où jamais l’ensemble des hommes n’acceptera cet amour pourtant offert à tous (Jean 3:16). Mais il unit les membres du corps de Christ, qui est l’Église.

Pour conclure, je dirai que si, comme le constate Freud, l’« Eros » ne parvient pas à maîtriser la puissance de mort (« Thanatos »), à l’œuvre dans le corps social, la puissance de la vie que Dieu donne, en Jésus-Christ, est, elle, le seul moyen par lequel l’humanité peut réellement combattre le Mal, qui sera définitivement vaincu, à la fin des temps, par le Christ-Roi.

Pour aller plus loin :

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