Nous croyons tous que Dieu est « saint », mais il serait intéressant de nous demander ce que signifie exactement le fait que Dieu soit « saint ».
En effet, pour beaucoup de croyants, le fait que Dieu soit « saint » correspondrait au fait que Dieu soit « pur » et « sans tâche ». Ainsi, la compréhension du terme « saint » serait limitée à une dimension éthique et morale. Mais est-ce que la « sainteté de Dieu » devrait être limitée à cette seule compréhension éthique ?
La singularité de Dieu
« Qui est comme toi parmi les dieux, ô Eternel ? Qui est comme toi magnifique en sainteté, Digne de louanges, Opérant des prodiges ? »(Exode 15.11)
Tout d’abord, comme nous le voyons entre autres en Exode 15.11, la « sainteté » de Dieu peut se définir par la réalité de la « singularité » de Dieu. Dieu est « saint », il est « à part », il est « tout autre » vis-à-vis de sa création.
Comment pourrions-nous alors développer un peu plus cette « singularité » qui fonde le fait que Dieu est effectivement « saint » ?
Je vous propose alors de réfléchir à cela en prenant la narration de la manifestation de Dieu à Moïse au travers du buisson ardent en Exode 3.
Un triptyque de la singularité de Dieu
Lorsque Dieu se manifesta à Moïse, il lui demanda d’ôter ses souliers car il se trouvait alors sur un lieu « saint ». Nous devons alors réaliser que la « sainteté » du lieu n’était pas reliée au lieu lui-même, mais bien plutôt à la présence manifeste de Dieu en ce lieu, le Dieu créateur de l’univers qui est trois fois « saint ».
Or, dans cette narration théophanique, il est intéressant de remarquer trois éléments qui nous fournissent trois illustrations intéressantes de cette singularité de Dieu qui fonde sa sainteté, trois illustrations qui nous permettent alors de posséder trois angles de vue différents sur cette singularité de Dieu. Je désire souligner que ce triptyque de la « sainteté » de Dieu fait suite à la lecture de l’excellent livre « Sanctification » de Michael Allen qui m’a permis de réfléchir de façon plus profonde à cette question.
Singularité métaphysique
Tout d’abord, Dieu se manifeste au travers d’un « feu » qui n’a pas besoin de combustible pour brûler (le buisson ne se consume pas). Dieu se présente alors à Moïse dans une théophanie par laquelle il exprime sa totale indépendance vis-à-vis de la création : Il est semblable à un feu qui se suffit à lui-même pour brûler. Au-delà de son aséité, Dieu exprime alors ainsi, par le biais de cette théophanie, sa profonde singularité métaphysique. Or ceci est une caractéristique importante que nous nous devons de comprendre pour saisir ce que signifie le fait que Dieu soit « saint ».
Nous pouvons alors comprendre le fait que Dieu soit « saint » comme le fait que Dieu est « unique » en son genre, il est « singulier » du point de vue métaphysique, nul n’est comparable à Lui, il est en dehors de la création. Il est le Créateur qui dirige, soutient et contrôle toute chose dans notre univers.
Singularité épistémologique
Ensuite, dans cet épisode du buisson ardent, Dieu « parle ». Dieu parle et se révèle à une de ses créatures au travers d’un langage humain. Il est important de reconnaitre que la « singularité métaphysique » de Dieu qui se manifeste ainsi dans sa « transcendance » ne l’empêche pas pour autant d’être proche de sa création. Dieu s’approche de sa création dans un acte de condescendance divine dans lequel il exprime sa tendresse et son amour vis-à-vis de sa créature. Il se manifeste à Moïse et il lui permet d’avoir un temps de communion avec lui, un temps de communion au sein duquel il « communique » des « paroles » qui fonderont et orienteront sa vie future.
Comme certains théologiens le soulignent, la « sainteté » de Dieu se manifeste non seulement dans une singularité métaphysique, mais aussi dans une singularité épistémologique. C’est-à-dire une réalité dans laquelle Dieu ne possède pas une « omniscience » issue d’une « accumulation » de connaissances, mais bien plutôt par le fait qu’en tant que Créateur, c’est lui-même qui a défini « la réalité » qui nous entoure en la « parlant » : « Dieu Dit… cela fut ainsi… » (Gen 1) Dieu possède ainsi une particularité unique et singulière vis-à-vis de sa connaissance : La connaissance de celui qui a défini la réalité de l’univers tout en la créant. Dieu n’a acquis aucune connaissance, il est la source de la connaissance !
Or, c’est ce même Dieu qui entre « en relation » et qui « communique » avec ses créatures. Cette « communication » qu’il offre à ses créatures au sein d’une « relation » est alors le débordement généreux du Dieu qui est « lumière », et c’est par « sa lumière » que nous voyons « la lumière » ! (Ps 36.9) Ceci est particulièrement manifeste au sein de l’histoire de la rédemption dans les différentes alliances que Dieu a établies avec son peuple.
Singularité éthique
Enfin, dans cet épisode du buisson ardent, Dieu, alors qu’il parle, exprime une réalité éthique et morale. Dieu annonce son plan de rédemption dans lequel il désire exercer sa justice à la fois en jugeant les oppresseurs d’Israël mais aussi en lui offrant la grâce de la terre promise. Ceci souligne la troisième réalité qui définit la « sainteté » de Dieu : sa singularité éthique.
En effet, Dieu est le Créateur de l’univers, il est ainsi l’ultime référence de la réalité. Il est alors la référence même de la vérité (la vérité se voulant être la juste et authentique expression de la réalité). Le Dieu qui est trois fois saint et dont la gloire remplit l’univers est ainsi lui-même la référence du bien et du mal. Une action « juste » est alors une action dans laquelle nous acquiesçons sa gloire au travers de ce que nous disons, pensons et faisons. Et une action « mauvaise » est une action dans laquelle nous rejetons sa gloire et préférons le mensonge d’une vie centrée sur la créature et la création (Rom 1 & 2). Nous pouvons observer particulièrement cette singularité éthique de Dieu au travers de la réaction du prophète Esaïe vis-à-vis de la théophanie de Dieu en Esaïe 6.
Ainsi, la sainteté de Dieu peut être articulée par ce triptyque de la singularité métaphysique, singularité épistémologique et singularité éthique de Dieu.
Mais qu’est-ce que cela change vis-à-vis de notre vie personnelle ?
Qu’est-ce que cela change pour notre compréhension vis-à-vis de notre « sainteté » ?
Tout d’abord, une compréhension de la sainteté de Dieu en tant que « singularité » nous permet de saisir que l’être humain, laissé à lui-même, ne peut produire aucune réelle « sainteté ». Non, la « sainteté » d’un être humain ne peut être une réalité que lorsqu’elle est reçue, au sein d’une alliance, dans une authentique union et une communion au Dieu créateur qui est trois fois « saint ». Au jardin d’Eden, avant la chute, Adam et Eve jouissaient d’une « sainteté » dans leur communion avec leur créateur. Mais ils se devaient aussi de poursuivre une telle « sainteté » au sein de cette gracieuse communion primordiale en marchant dans l’obéissance au sein de l’alliance qui les unissait à leur Créateur. Mais à la suite de leur rébellion, ayant été exclu de cette communion, l’être humain est étranger à une telle « sainteté ». Ce n’est que lorsque Dieu fait participer l’homme à sa sainteté en étant en communion avec lui, en étant uni à Jésus-Christ par la foi dans la puissance du Saint-Esprit… ce n’est qu’alors que l’être humain est « saint » car il « participe » gracieusement à la « sainteté » de son Créateur. C’est lorsque l’être humain est uni à Christ par la foi que le pardon, la réconciliation, la justification et la sanctification dans la mort et la résurrection de Jésus-Christ sont alors une réalité pour lui. Cette réalité est alors la grâce de la nouvelle alliance scellée dans le sang de Jésus-Christ.
Ensuite, au sein de cette union et communion avec Dieu (en étant uni au Christ), l’être humain, étant « mis à part » par Dieu, est alors « sanctifié » par la même Parole de Dieu qui l’a engendré par la puissance du Saint-Esprit lors de sa nouvelle naissance. En effet, comme le souligne Jean 17.17, c’est la vérité, la Parole de Vérité, la Parole de Dieu qui sanctifie les enfants de Dieu… cette même Parole qui les a engendrés (1 Pierre 1.22-23). Nous notons alors que la sainteté de Dieu, en tant que singularité épistémologique, est la source de notre sanctification, une sanctification opérée par la Parole de Dieu.
Enfin, au sein de cette union et communion avec Dieu (en étant uni au Christ), l’être humain, étant « mis à part » par Dieu, est alors « sanctifié » en offrant sa vie, son corps et ses membres comme des outils pour la gloire de Dieu au service de ce qui est juste, pur et saint. Cette « droiture » de la vie humaine au sein de laquelle Dieu est glorifié est ainsi une conséquence de la « sainteté » de Dieu en tant que « singularité éthique ». C’est effectivement sa singularité éthique qui devient la référence normative de notre éthique et morale…ce qui nous rend alors « singulier » vis-à-vis de l’éthique et de la morale de notre monde rebelle à Dieu.
Conclusion
Pour conclure, je résumerai ces choses en utilisant trois catégories utilisées par le théologien John Frame pour décrire la seigneurie de Dieu sur sa création : contrôle, autorité et présence.
La « sainteté » de Dieu est caractérisée par :
- Une singularité métaphysique qui se manifeste dans le fait qu’il est le Dieu créateur qui contrôle toute chose,
- Une singularité épistémologique qui se manifeste par sa communication verbale par laquelle il rentre en communion avec ses créatures et par laquelle il leur manifeste sa présence,
- Une singularité éthique qui se manifeste par sa justice dont il est l’ultime référence et par laquelle il manifeste son autorité à ses créatures.
Notre « sainteté » est ainsi une grâce que nous recevons en participant à la « sainteté » de Dieu, et cela par une communion avec Lui en étant unis au Fils de Dieu par la foi dans la puissance du Saint-Esprit. Cette « sainteté » que nous recevons, nous la vivons… mais aussi, nous la poursuivons. En effet, nous la recherchons et la poursuivons en étant sanctifiés par la Parole de Dieu que nous méditons avec humilité. C’est cette parole qui, par la puissance du Saint-Esprit, transforme alors nos passions, nos ambitions et même nos émotions pour marcher dans la justice et la sainteté à laquelle nous aspirons dorénavant.