J’ai écouté une nouvelle missionnaire exprimer sa frustration face à l’étude des langues. Elle n’aimait pas le fait que ses responsables insistent pour qu’elle s’applique pleinement à apprendre l’arabe avant de rechercher d’autres opportunités de ministère. « J’ai l’impression que tout ce qui compte, a-t-elle expliqué en larmes, c’est le nombre d’heures passées à étudier. »
Alors que de nombreux anglophones de naissance peuvent maîtriser le français ou l’espagnol en moins de deux ans, l’arabe prend beaucoup plus de temps. Avant d’arriver à l’autre bout du monde, cette missionnaire n’avait pas imaginé à quel point l’apprentissage de la langue serait difficile. Elle venait parler de Jésus aux gens. Elle n’avait pas quitté sa maison pour s’inquiéter de la prononciation arabe ou des structures grammaticales.
Mais ce qu’elle ne réalisait pas, c’est que sans une étude rigoureuse et une acquisition patiente de la langue locale, les missionnaires ne peuvent pas être sûrs de communiquer fidèlement l’Évangile de Jésus.
Les attentes vis-à-vis de l’apprentissage de la langue
Les nouveaux missionnaires qui arrivent sur le terrain – et les églises qui les envoient- ont tendance à ne pas comprendre comment fonctionne l’acquisition du langage. La plupart d’entre eux partent du principe qu’ils parviendront à maîtriser la langue en un an ou deux, simplement en vivant à l’étranger.
La vérité est qu’au bout de deux ans, de nombreux missionnaires d’aujourd’hui sont tout juste assez compétents pour se débrouiller dans les conversations. Puis, ils se stabilisent. Ils n’acquièrent jamais la capacité de participer à des discussions rapides entre locuteurs natifs où le discours est personnel, émotionnel et nuancé. En d’autres termes, la plupart des missionnaires n’acquièrent jamais la capacité de participer—ou même de comprendre les conversations spirituelles autour d’eux.
Ce n’est plus comme avant. Ann et Adoniram Judson passaient 12 heures par jour à apprendre le birman. Adoniram déplorait l’augmentation du nombre de missionnaires à court terme qui ne restaient que quelques années et n’étaient pas très utiles en raison de leur manque de compétences linguistiques. Hudson Taylor conseillait aux nouveaux venus d’étudier « six ou huit heures par jour… jusqu’à ce que vous puissiez prêcher de manière fluide et intelligible ». Il attendait des missionnaires célibataires qu’ils ne se marient pas avant d’avoir maîtrisé le mandarin.
Sans une étude rigoureuse et une acquisition patiente de la langue locale, les missionnaires ne peuvent pas être sûrs de communiquer l’Évangile de Jésus avec précision.
Comparez ces exemples historiques avec les approches populaires d’aujourd’hui. David Garrison, dans son célèbre ouvrage sur les missions, décrit l’étude intensive des langues avant le ministère actif comme le « troisième péché mortel » de l’implantation d’églises.
Si de nombreux responsables de missions reconnaissent encore du bout des lèvres l’importance de l’acquisition des langues, ils enseignent souvent des moyens de la contourner. Ils suggèrent que les nouveaux missionnaires qui sont capables de raconter quelques histoires à propos de Jésus dans un langage approximatif seront suffisants – si l’Esprit leur insuffle les paroles – pour conduire les gens au Christ. Une véritable dévotion à la maîtrise de la langue est considérée comme improductive, voire comme un passe-temps égocentrique qui fait perdre du temps aux missionnaires au détriment du ministère et des activités en équipe. Dans certains cas, ces missionnaires reçoivent un ultimatum : se retirer de l’étude de la langue à temps plein ou quitter le terrain.
Pourquoi la pensée moderne sur la mission s’est-elle tant éloignée de ses racines ? En grande partie, la réponse se trouve dans la durée d’attention raccourcie de notre société. Nous sommes en effet conçus pour obtenir des résultats rapides. Les stratégies des missions les plus suivies aujourd’hui se concentrent intensément sur la multiplication rapide. Leur idéal est de voir de nouvelles églises implanter d’autres églises (qui, à leur tour, implanteront d’autres églises) tous les six mois. Dans un tel paradigme, les missionnaires persévérants qui acquièrent le langage lentement et enseignent soigneusement la Parole de Dieu ne peuvent pas aller assez vite. On dit donc à ces missionnaires de changer de voie.
Des moyens appropriés
Le message que beaucoup de missionnaires entendent aujourd’hui est : « Dieu n’a pas besoin de votre éloquence pour construire son église. Dieu n’a pas besoin de la clarté de votre enseignement. Dieu aidera les nouveaux croyants à s’enseigner et à croître dans la vie de disciple de façon réciproque.”
En effet, Dieu n’a pas besoin de notre éloquence ni de notre clarté pour bâtir son église. Mais si nous devons abandonner tous les ministères dont Dieu n’a pas besoin, alors pourquoi envoyer des missionnaires ? Lorsque William Carey a suggéré pour la première fois d’envoyer des missionnaires à l’étranger, un pasteur plus âgé l’aurait réprimandé : « Quand Dieu voudra convertir les païens, il le fera sans votre aide ni la mienne non plus ! » Certes, Dieu peut agir en marge ou en dépit de l’inactivité de son peuple. Mais adopter des stratégies de ministère parce que Dieu peut les bénir est une mauvaise idée. Au contraire, nous devrions nous demander comment il plaît généralement à Dieu de travailler ?
Ce que nous trouvons dans les Écritures—et ce que Carey a soutenu—c’est que Dieu préfère travailler par des moyens humains. Par conséquent, les missionnaires et les évangélistes du Nouveau Testament ont mis l’accent sur une communication claire. Paul a demandé la prière « afin que je rende [l’Évangile] compréhensible, c’est ainsi que je devrais parler » (Col. 4:3-4). Il a passé du temps à « expliquer » (Actes 17:3) l’Évangile soigneusement en personne et articulé des vérités théologiques dans ses lettres. Luc a rassemblé un « récit ordonné » de la vie du Christ qui serait convaincant pour ses lecteurs (Luc 1:3). Philippe a expliqué à l’eunuque ce que signifiait la prophétie d’Ésaïe (Actes 8:30-35). Priscille et Aquilas » expliquèrent plus précisément à [Apollos] la voie de Dieu « , mettant au clair ce qu’il ne comprenait pas (Actes 18:26).
Les missionnaires d’aujourd’hui doivent plus que jamais retrouver l’importance d’une communication claire.
Pourquoi était-il si important pour eux de communiquer clairement ? Ils ont compris leur rôle d’ambassadeurs- de représentants du Roi portant une parole faisant autorité. Les nations ne pouvaient respecter les conditions de paix du Roi que si elles comprenaient et acceptaient son message. Ainsi, les premiers disciples ont essayé d’enseigner d’une manière qui persuaderait les autres (Actes 17:2-4). Ils ont compris que leurs auditeurs étaient vraiment trompés (2 Cor. 4:4), leur esprit et leur cœur aux prises de fausses idées. Et ils savaient que Dieu est heureux d’agir par le moyen d’un discours humain clair et persuasif afin d’ouvrir les yeux des gens.
Un besoin de clarté
Notre propre expérience de vie témoigne de l’importance d’une communication claire. Aucun d’entre nous dans un moment de crise ne chercherait un conseiller qui ne pourrait pas clairement nous comprendre ou communiquer sur les difficultés que nous décrivons. Et la plupart d’entre nous avons énormément bénéficié de la lecture de livres et de l’écoute de sermons dans lesquels les gens expliquaient clairement des réalités que nous n’avions pas comprises auparavant.
Les missionnaires d’aujourd’hui doivent plus que jamais retrouver l’importance d’une communication claire. Des heures d’étude de la langue peuvent sembler inutiles, non spirituelles et ne font que retarder un travail plus important. Mais comme tout ce qui est bien fait, l’acquisition du langage est une offrande à Dieu. Cet aspect « purement humain » de l’œuvre missionnaire est important.
C’est à travers ces mois et ces années de travail acharné que Dieu a voulu que les missionnaires apprennent à prêcher sa Parole avec autorité et clarté. Et s’ils ne cèdent pas à la pression qui les pousse à brûler les étapes, les missionnaires auront un jour la récompense de savoir que ceux qui répondent positivement ont vraiment entendu et accepté Le message du Christ, pas une version confuse et mal interprétée de ce dernier.