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Le boucher, le boulanger et le chercheur en biotechnologie

Alors que nous étions en train de prendre un café, Wendell m’annonça qu’il réfléchissait à une reconversion professionnelle. « Je n’ai pas envie de gaspiller ma vie » me dit cet entrepreneur, titulaire d’un doctorat en ingénierie biomédicale. « Je veux faire quelque chose qui ait vraiment un sens, qui me permette de glorifier Dieu et d’aimer vraiment les gens ». Il poursuivit en me demandant si je pensais qu’il devait devenir pasteur, missionnaire, ou responsable associatif. Il partait du principe que ces métiers étaient ceux qui avaient le plus d’importance aux yeux de Dieu.

Wendell est membre de Redemption Church de Tempe, l’Église au sein de laquelle je sers comme pasteur responsable de la gestion des groupes et de l’implication dans la culture locale. Dans notre Église, nous prêchons que Jésus est Seigneur de tous les aspects de la vie. Nous donnons des cours sur la théologie du travail et nous répétons chaque dimanche notre expression préférée : « La vie entière est entièrement pour Jésus. » Malgré cela, une personne intelligente comme Wendell ne comprenait toujours pas que son travail d’ingénieur biomédical avait pour Dieu autant d’importance que mon travail de pasteur.

Á ma grande honte, je ne lui avais jamais posé de questions précises sur son activité professionnelle. Nous parlions principalement de son service à l’Église. Autour d’un café, ses yeux reflétaient pourtant un enthousiasme débordant alors qu’il m’expliquait comment son entreprise développe des appareils qui aident les médecins dans le dépistage précoce du cancer. Cette conversation m’a fait réaliser que je l’avais trahi en tant que pasteur. Il était compétent et passionné par son travail, mais il ne voyait pas en quoi son activité pouvait constituer une mise en pratique du commandement de Jésus : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Marc 12 :31).

Nous avons donc discuté de la manière dont nous pouvons aimer nos prochains par notre travail en leur fournissant des biens et des services qui les aident à s’épanouir même si nous n’avons pas d’interactions directes avec eux, Nous avons évoqué Martin Luther, qui aurait dit que « Dieu trait les vaches au travers de la vocation des personnes qui les traient ». Nous avons vu ensemble comment Dieu prend soin des patients atteints d’un cancer au travers de son travail dans les biotechnologies. Lui est reparti encouragé, moi perplexe.

Nous valorisons ce que nous célébrons publiquement

Alors que je me demandais pourquoi Wendell n’avait pas compris le message de notre Église concernant l’étendue de l’Évangile et ses implications dans tous les aspects de la vie, j’ai réalisé que le problème n’était pas ce qu’il avait entendu mais ce qu’il avait vu. Il entendait régulièrement des enseignements sur l’importance de la vocation et sur le discipulat intégral. Mais mis à part le travail pastoral, missionnaire et social, il n’avait jamais vu le travail de qui que ce soit célébré publiquement.

Quand j’ai partagé cette analyse avec notre pasteur principal Riccardo Stewart, qui pendant ses études avait rédigé un devoir sur le fait d’encourager les gens à s’engager dans tous types de vocations, nous avons décidé de chercher des moyens de célébrer le travail desfidèles. Ainsi sont nées les “Interviews Vie intégrale”. Depuis un an et demi, nous avons consacré cinq minutes avant la prédication à interviewer des personnes issues de divers secteurs professionnels. Notre objectif est de célébrer leur travail, de prier pour ceux qui exerceraient dans le même domaine et de proclamer que la diversité des vocations est une chose bonne car elle multiplie les occasions de rendre gloire à Dieu et d’aimer nos prochains.

Les questions des interviews vie intégrale

Nous posons quatre questions de base à chaque interview, en les personnalisant parfois un peu. Nous reprenons chaque fois les mêmes questions car elles servent de rappel hebdomadaire aux fidèles pour qu’ils réfléchissent à leur propre travail. 

Question n°1: Pourriez-vous décrire votre travail ?

Ce que nous recherchons ici, c’est un aperçu de la vie quotidienne de la personne qui est interviewée. Cela permet en général à d’autres membres de la congrégation de réaliser qu’ils ont des points communs, même s’ils ne travaillent pas dans le même domaine. 

Question n°2: Vous avez été créé à l’image de Dieu ; en quoi votre travail est-il le reflet de l’œuvre de Dieu ? (Genèse 1:26-28, 1 Corinthiens 10:31, Ephésiens 5:1, Colossiens 3:17)

Nous voulons fonder la valeur intrinsèque du travail sur le caractère de Dieu et  l’inscrire dans une démarche « d’image de Dieu » (Genèse. 1:16-28, 2:15). Nous demandons donc aux personnes interrogées d’établir un lien entre leur travail et certains aspects de l’œuvre de Dieu. Dans son livre Kingdom Calling, Amy Sherman définit six catégories de l’œuvre de Dieu qui nous aident à donner un cadre à nos vocations :

  • travail créatif (artistes, designers, architectes, etc.)
  • travail de providence (entrepreneurs, gardiens, fonctionnaires, banquiers, etc.)
  • travail de justice (avocats, auxiliaires de justice, diplomates, superviseurs, etc.)
  • travail de compassion (infirmières, directeurs d’ONG, travailleurs sociaux, secouristes, etc.)
  • travail de révélation (scientifiques, journalistes, enseignants, etc.)
  • travail de rédemption (pasteurs, auteurs, conseillers, etc.)

Question n°3: Comment votre travail vous permet-il de réaliser que vous vivez dans un monde déchu ? (Genèse 3; Romains 3:10-20)

Certaines personnes pensent – inconsciemment – que leur travail devrait être obligatoirement agréable et épanouissant. Elles partent du principe que la présence de souffrances et de combats invalide le caractère bénéfique de leur travail. Notre objectif est que ces personnes comprennent que dans un monde déchu, affecté par le péché et ses conséquences, chaque activité renfermera ses difficultés intrinsèques, avec ses épines et ses chardons. 

Question n°4: Jésus nous commande “d’aimer nos prochains comme nous-mêmes”. En quoi votre travail est-il une occasion d’aimer et de servir les autres ? (Marc 10:35-45; Ephésiens 5:1; Romains 12:14-21; Colossiens 1:24-27)

Nous voulons étendre l’application que nous faisons du commandement de Jésus d’aimer nos prochains. De nombreuses personnes partent du principe que ce commandement se concrétise principalement par des actes de bonté entre individus, mais nous essayons de montrer que l’amour peut aussi être indirect et systémique.  

Résultat des interviews

En plus de leur effet direct sur les personnes interrogées, les interviews ont eu un impact cumulatif sur toute notre congrégation. Elles nous ont tous aidés à comprendre progressivement que, comme l’écrit Steven Garber : « La vocation est un élément essentiel et non pas accessoire de la mission de Dieu dans le monde ». Dans leur vie personnelle et dans leur travail, les fidèles ont grandi en discernement théologique et ont plus de détermination pour l’Évangile. C’est le fruit du travail du Saint-Esprit mais nous sommes ravis qu’il utilise les interviews comme un instrument de sa grâce.

Les interviews nous donnent également un aperçu des magnifiques actions et attributs de Dieu. Un artiste nous oriente vers la créativité de Dieu, un comptable parle de l’ordre divin, un médecin spécialiste en oncologie pédiatrique nous rappelle qu’un jour Dieu guérira toutes les blessures, et un homme-à-tout-faire reflète l’œuvre de restauration de Dieu. Le plus important, c’est bien entendu l’Évangile, mais grâce à lui toute chose prend de l’importance (Colossiens 1.14-23), y compris le travail du boucher, du boulanger et du chercheur en biotechnologies.

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