Fraîcheur du matin. Il quitte l’appartement douillet de son collègue allemand, qui l’héberge au cœur de cette ville et qu’il ne connaît pas. « Tu retrouveras le chemin du lycée ? » Il a répondu oui, que c’était facile, qu’il suffisait d’aller toujours tout droit.
Il respire à pleins poumons. Le ciel est encore un peu gris.
Il marche. Les trottoirs sont larges. L’avenue aussi, au centre de laquelle se trouve une bande de verdure, plus large encore que les deux voies de circulation, à droite et à gauche. Il marche dans cette voie ouverte à la nature.
Les arbres sont très hauts, encore sans feuilles. Leurs troncs montent, puissants, et il admire le large déploiement des branches.
Pas de fleur dans l’herbe rase.
Des cyclistes le frôlent. Beaucoup de gens partent travailler à vélo.
Derrière des grilles, des jardins, pas encore fleuris.
Les bâtiments sont hauts, anciens. Façades de pierre, ou de briques, foncées avec le temps.
Il flotte dans l’air quelque chose d’une promesse. Et pourtant, le passé semble tellement proche, ici. Le passé d’une autre nation, qui le hante. Sur ces mêmes trottoirs, par ces portes, dans ces immeubles, il revoit marcher, entrer, des hommes bottés …
Mais il est là, avec un groupe de lycéens français, les membres de son atelier théâtre.
Il est là pour monter un spectacle avec les jeunes allemands de ce lycée, qui a une option musique, orchestre et chant.
Ah ! Ces voix d’anges répandues dans les couloirs de la bâtisse immense de l’établissement. Quelle merveille !
Il marche.
Il reconnaît bien son chemin, le même qu’il a pris, hier au soir, avec son collègue. La parole allait, de l’un à l’autre, en profondeur.
Voilà l’église, qu’il avait bien repérée, et, juste à gauche, le lycée, le « gymnasium ».
Des élèves sont déjà là, qui attendent. Il les regarde, de loin.
Ils ont dormi chez leurs correspondants, et sont revenus avec eux, par le bus. Certains ayant dû se lever tôt.
Des rires. Des éclats de voix. Ils sont contents. Ils piaillent comme des moineaux.
De cette confusion d’ailes d’oiseaux, il voit émerger deux silhouettes, celles de deux garçons, qui se retrouvent. Ils vont l’un vers l’autre, dans un même élan, spontané, et ils se saluent, de cette manière si particulière, et propre aux gars, jeunes, qui consiste à enchaîner une série des gestes codés, auxquels il ne comprend rien, mais qui commence par avancer le poing droit tendu de chacun, cogné amicalement, tandis que les yeux, les visages, et tout le corps propulsé, vers l’autre, disent le lien de l’amitié.
Il sourit, et s’avance vers eux.
Romains 15 : 8 : « Accueillez-vous les uns les autres, comme Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu. »